DSP : l’éventuel déficit d’exploitation assumé par le délégataire ne peut être (très) modeste !

Le juge des référés du TA de Poitiers a récemment sanctionné la passation d’un contrat de délégation de service public (DSP) en considérant que l’absence des risques d’exploitation assumés par le futur délégataire empêche la qualification du contrat en DSP; il a donc requalifié le contrat en considérant qu’il s’agit en réalité d’un marché public.

La qualification en délégation de service d’un contrat dépend notamment du risque d’exploitation supporté par le délégataire.

Aux termes de l’article L.1411-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dans sa version d’avant la réforme de 2016, pour qualifier un contrat en délégation de service, il fallait que le contrat porte sur la gestion d’un service public et que la rémunération du délégataire puisse être substantiellement liée aux résultats d’exploitation du service :

 « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».

 Depuis l’ordonnance n°2016-65 entrée en vigueur le 1ier avril dernier, cet article L.1411-1 du CGCT définit dorénavant la délégation de service public comme un contrat de concession portant sur un service public et impliquant un transfert du risque lié à l’exploitation, lequel induit une réelle exposition aux aléas du marché :

 « Une délégation de service public est un contrat de concession au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel une autorité délégante confie la gestion d’un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix. » 

La part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le délégataire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation du service.

Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages, de réaliser des travaux ou d’acquérir des biens nécessaires au service public.

Ainsi, dans le cas de l’espèce jugée par le TA de Poitiers, le juge – qui n’hésite pas à opérer une analyse financière approfondie – a sanctionné la délégation de service public d’exploitation du réseau de transport public départemental, dont il résulte que l’éventuel déficit d’exploitation prend des proportions très modestes compte tenu du mécanisme d’abondement prévu par le contrat :

 » […] Il  résulte de l’instruction que, quelques soient les hypothèses retenues quant à la fréquentation attendue du réseau et sur la base des données mêmes du conseil départemental, la participation totale du département est de nature à couvrir au moins 88% des charges d’exploitation, en l’absence totalement improbable de toute recette commerciale. S’agissant des 12% de la rémunération restant alors à percevoir, celle-ci est composée pour près de la moitié des recettes perçues sur les usagers scolaires, dont le nombre n’est pas susceptible de diminuer de manière significative d’une année à l’autre. Les 7% restant composés en majeure partie des recettes perçues sur les usagers commerciaux et, dans une moindre mesurer, des recettes annexes, alors qu’une baisse de 10% des recettes commerciales conduit à une couverture à hauteur de 91% par la participation et un résultat positif. Par ailleurs, dans l’hypothèse possible d’une baisse de 10% des recettes tarifaires perçues tant sur les usagers commerciaux que sur les usagers scolaires, les mécanismes de rémunération prévus par le contrat permettraient, ensemble, au futur délégataire de couvrir 99,70% de ses charges d’exploitations.

Dans ces conditions, dès lors que l’éventuel déficit d’exploitation ne peut prendre, que des proportions qui restent très modestes, […], le futur délégataire ne peut être considéré́ comme supportant une part significative de risque « .

(TA Poitiers, 8 décembre 2016, SARL Voyages Goujeau, req. n°1602479).