Assistance et secours : la commune et/ou le SDIS peuvent-ils voir leurs responsabilités atténuées par la faute d’autres personnes morales ?

En matière de responsabilité, le principe est celui d’un partage des indemnisations si plusieurs personnes ont concouru au dommage. 

Le Conseil d’Etat vient d’appliquer ce principe aux cas des responsabilités des communes en matière d’assistance et de secours avec quelques précisions qui appellent à la vigilance. 

Il s’agissait en l’espèce du régime de l’article L.2212-1, du 5° de l’article L. 2212-2 et de l’article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) au titre la commune a a charge de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Avec intervention concrète de divers intervenants, à commencer par les services des SDIS, ce qui peut entraîner des partages complexes de responsabilité dans certains cas.

Ces partages de responsabilité s’avèrent frappants en matière d’incendie : le SDIS doit désormais (sauf dans de nombreux cas particuliers) être considéré comme responsable de ses agissements en intervention voir (CAA Douai, 2 décembre 2004, n° 02DA00615). MAIS la responsabilité reste communale en l’absence de faute du SDIS (CAA Nancy, 30 octobre 2008 : JCP A 2009, 2028, note J. Moreau), singulièrement si la commune, elle, a commis une faute notamment au titre des compétences de la commune et de celles du maire (au titre de ses pouvoirs de police) en matière de poteaux incendie (voir par exemple : CE, 30 mars 2011, n° 323889 ; voir déjà CE, 21 février 1964, rec., p. 119 et CE, 9 mars 1973, rec. CE, p. 20). 

Cela dit, en l’espèce, il s’agissait d’appliquer une variante, une déclinaison de ce régime, propre aux départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne. Dans ces départements (cf. les articles L. 2521-3, R. 2521-2 et R. 1321-19 du CGCT), le préfet de police exerce des missions de police municipale prévues par les dispositions de l’article L. 2212-2 de ce même code. La responsabilité de l’Etat peut, par suite, être recherchée pour les fautes éventuellement commises dans l’exercice de ces missions dans les conditions fixées par l’article L. 2216-2 du même code… à l’instar de ce qui s’applique, ailleurs (à quelques régimes dérogatoires près) aux communes.

Qu’à dit, en l’espèce, le Conseil d’Etat ? La Haute Assemblée a posé :

  • qu’au titre de cette obligation de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours, la responsabilité de la commune (et / ou des SDIS) est susceptible d’être engagée par toute faute commise dans l’exercice de ces attributions,
  • MAIS que celles des fautes qui seraient commises, dans cet exercice, par un service relevant d’une autre personne morale que la commune, sont de nature à atténuer la responsabilité de cette dernière, sous réserve que la commune ou les victimes du dommage aient mis en cause la responsabilité de ce service devant le juge administratif.

Application classique donc ? OUI MAIS gare au membre de phrase « sous réserve que la commune ou les victimes du dommage aient mis en cause la responsabilité de ce service devant le juge administratif. »

Cela signifie que la commune (ou l’Etat dans certains départements) doit bien prendre garde au fil du contentieux :

  • soit à ce que les victimes aient bien aussi attrait les autres personnes ayant concouru au dommage au fil de ce contentieux
  • soit à elles-mêmes faire une vraie  » intervention forcée » pour conduire ces personnes à devenir parties au procès, non sans quelques limites à cette solution toutefois.

Dans les départements de la petite couronne francilienne, comme en l’espèce, il en résulte aussi qu’il importe de bien penser à se retourner, à ce stade, contre l’Etat.

 

Source :

Conseil d’État, 5ème – 6ème chambres réunies, 05/02/2020, 423972