Vers un droit, pour les collectivités et leurs groupements, à réunir leur organe délibérant en tout lieu, et sans public ou avec un public restreint et avec visioconférence, jusqu’au 1er avril 2021 [mise à jour sur le projet de loi]

Le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire a été adopté à l’Assemblée Nationale (A.N.), et a été transmis au Sénat. 

Nous avons communiqué le 28 septembre sur le fait que la commission de l’A.N.avait accepté un amendement visant à permettre que les assemblées délibérantes des collectivités et des EPCI à fiscalité propre puissent se réunir en tout lieu adapté au COVID et ce avant ou sans présence du public, jusqu’au 1er avril 2020. 

Bonnes nouvelles :

• ce texte a depuis lors été adopté à l’Assemblée Nationale avec un amendement : cette facilité serait étendue à tous les groupements de collectivités (syndicats de communes, syndicats mixtes — fermés et ouverts — inclus donc).

• de plus, le régime de la visioconférence, qui doit s’arrêter (sauf EPCI à fiscalité propre sous d’autres modalités) fin octobre, sera lui aussi prolongé jusqu’au 30 octobre avec application, là encore, aux syndicats mixtes. 

 

 

 

I. Rappel du régime transitoire actuel et des souplesses du droit commun

 

I.A. Lieu de réunion : la liberté de lieu de réunion des organes délibérants locaux n’existe plus depuis le 31 août 2020 mais le droit commun permet quelques souplesses.

 

I.A.1. En commune de droit commun

 

Entre la fin du XIXe et le début du XXe s., le Conseil d’Etat a rendu plusieurs arrêts, par lesquels il n’acceptait pas que la séance du conseil municipal se tienne ailleurs qu’au chef-lieu de la commune (à l’exclusion, par exemple, d’une réunion dans un hameau).
Il acceptait en revanche que le conseil municipal se réunisse ailleurs qu’à la mairie, en cas de circonstances exceptionnelles : un siècle après, le Conseil d’Etat a confirmé cette relative souplesse, admettant la légalités de réunions du conseil municipal tenues en dehors de la mairie, le temps de travaux d’agrandissement de celle-ci. En l’attente de confirmations jurisprudentielles, il pourrait en pareil cas être prudent de faire délibérer le conseil pour le faire approuver ce lieu de réunion.

Enfin, il est à rappeler que le principe de laïcité interdit la présence de crucifix ou autres symboles religieux dans les bâtiments publics où se réunit le conseil (sauf en Alsace et en Moselle, où le droit est plus complexe).

Sources : CE 9/12/1898 Cne de St-Léger de Fourches ; CE 29/4/1904 Cne de Messe ; CE 1/7/98 Préfet de l’Isère, n° 187491 ; TA Lyon, 10/03/05, M. Bernard Outin, n° 0301204. Par ailleurs, sur l’illégalité d’une délibération du conseil municipal refusant d’abroger la décision d’apposer un crucifix dans la salle du conseil, cf. CAA Nantes 4/2/99 Assoc. civique Joué Langueurs, n° 98NT00207.
Ce droit commun s’applique encore mais un tempérament important a été apporté par la loi GATEL du 1er aout 2019. 
Depuis cette loi, l’article L. 2121-7 du CGCT autorise le conseil municipal à prévoir par délibération  modifié par la loi Gatel du 1/8/2019 :
  • « Le conseil municipal se réunit et délibère à la mairie de la commune. Il peut également se réunir et délibérer, à titre définitif, dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu’il offre les conditions d’accessibilité et de sécurité nécessaires et qu’il permet d’assurer la publicité des séances. »

 

Enfin, et ce point est important, la liberté quant au lieu de réunion des communes, propre à l’état d’urgence sanitaire puis aux mois qui ont suivi, n’existe plus depuis le 31 août 2020 (loi ° 2020-760 du 22 juin 2020 ayant, sur ce point, modifié l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020). 

Il en va de même pour les restrictions propres à la publicité des séances (art. de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020, modifiée par la loi du 22 juin 2020 précitée), sauf à user des solutions du droit commun (vote du huis clos). 

Donc :

  • le conseil municipal se réunit en mairie (une astuce consiste parfois à déplacer la mairie au centre administratif doté de la salle ah doc)

  • mais on peut en cas exceptionnel se réunir ailleurs avec un débat possible sur le point de savoir si cela se décide au stade de la convocation ou si une délibération (préalablement adoptée et entrée en vigueur, sauf urgence sans doute) s’impose

  • et surtout le conseil municipal peut délibérer pour transférer ce lieu de réunion, mais à titre définitif (et pas pour une seule réunion donc)

  • et les souplesses propres à la durée de l’état d’urgence sanitaire et aux mois qui ont suivi, pour ce qui est du lieu de réunion lui-même (et non de l’usage de la visioconférence) et de la publicité des séances ne sont plus en vigueur.

 

I.A.2. En commune nouvelle

 

Le même régime qu’en commune « ordinaire », de droit commun (voir ci-avant I.A.) s’applique aux communes nouvelles, mais avec une nuance de taille, issue elle aussi de la loi Gatel du 1er août 2019 :

» Toutefois, dans une commune nouvelle régie par les dispositions du chapitre III du titre Ier du présent livre, le conseil municipal peut décider qu’une ou plusieurs de ses réunions auront lieu dans une ou plusieurs annexes de la mairie, sous réserve que, chaque année, au moins deux de ses réunions se tiennent à la mairie de la commune nouvelle. Le public est avisé de cette décision par tout moyen de publicité au choix du maire, au minimum quinze jours avant la tenue de ces réunions.»

 

 

I.A.3. En intercommunalité

La loi dispose que l’organe délibérant intercommunal se réunit au siège de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cependant, elle permet également à l’organe délibérant intercommunal de choisir un autre lieu de réunion, à la condition que celui-ci soit situé dans l’une des communes membres.

Sources : art. L. 5211-11 du CGCT.

Mais si une telle délibération n’a pas, au préalable, été adoptée, là encore s’appliquent les rigueurs du droit commun vu en I.A. (réunion au siège sauf circonstances particulières telles que celles admises par la jurisprudence).

Cela dit, nombre de communautés ou de métropoles croient ne pas avoir une telle délibération alors que souvent, une telle délibération a été prise dans le passé. Surtout, de telles mentions sur le lieu de réunion ont souvent été insérées dans le règlement intérieur (point à vérifier donc au cas par cas). 

Et, là encore, les souplesses propres à l’état d’urgence sanitaire et aux mois qui ont suivi, pour ce qui est du lieu de réunion lui-même (et non de l’usage de la visioconférence) ne sont plus en vigueur (la liberté de  lieu de réunion, sur ce point, n’existe plus depuis le 31 août 2020, voir la loi ° 2020-760 du 22 juin 2020 2020 ayant, sur ce point, modifié l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020).

 

I.B. Visioconférences : le droit dérogatoire se prolonge encore jusqu’à la fin du mois d’octobre et, ensuite, s’appliqueront des règles parfois plus souples qu’on ne le croit usuellement

 

I.B.1. En visioconférence, le droit dérogatoire se prolonge encore jusqu’à la fin du mois d’octobre

 

Le droit du déconfinement progressif du droit des assemblées locales n’est pas sans quelques (inutiles) subtilités qu’il est bon de rappeler :

  • le régime propre à l’état d’urgence sanitaire, permettant des restrictions en matière de publicité des séances,pour les organes délibérants locaux, a été prolongé jusqu’à la fin août 2020 en vertu de la loi du 22 juin 2020.
    Plus précisément, s’applique jusqu’à fin août l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 (sur la restriction du public).
  • mais c’est sur une durée plus longue que se trouve la dérogation propre aux visioconférences pour les réunions des organes délibérants locaux (art. 6 et 10 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020). Ce régime s’applique en effet jusqu’au 30 octobre 2020 en vertu des dispositions de l’article 11 de cette ordonnance 2020-391 du 1er avril 2020, modifiée par la loi du 22 juin 2020, précitée. 

 

Rappelons les formulations de l’article 6 de ce texte :

« I. – Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président peut décider que la réunion de l’organe délibérant se tient par visioconférence ou à défaut audioconférence.
Les convocations à la première réunion de l’organe délibérant à distance, précisant les modalités techniques de celles-ci, sont transmises par le maire ou le président par tout moyen. Le maire ou le président rend compte des diligences effectuées par ses soins lors de cette première réunion.
Sont déterminées par délibération au cours de cette première réunion :
– les modalités d’identification des participants, d’enregistrement et de conservation des débats ;
– les modalités de scrutin.
« II. – Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. En cas d’adoption d’une demande de vote secret, le maire ou le président reporte ce point de l’ordre du jour à une séance ultérieure. Cette séance ne peut se tenir par voie dématérialisée.
Le scrutin public peut être organisé soit par appel nominal, soit par scrutin électronique, dans des conditions garantissant sa sincérité.
En cas de partage, la voix du maire ou du président est prépondérante. Le maire ou le président proclame le résultat du vote, qui est reproduit au procès-verbal avec le nom des votants.
« III. – A chaque réunion de l’organe délibérant à distance, il en est fait mention sur la convocation.
Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.
« IV. – Les dispositions du I au III sont applicables aux commissions permanentes des collectivités territoriales et aux bureaux des établissements publics de coopération intercommunale. »

 

NB : on notera que la visioconférence est possible pour toutes les collectivités locales et leurs groupements, y compris les syndicats de toute nature donc (I). Mais que le second alinéa du point III prévoit, quant à lui, des souplesses sur le caractère public de la réunion qui ne sont pas étendues aux syndicats… Ce qui est peu compréhensible.

 

 

I.B.2. En visioconférence, le droit commun, qui redeviendra applicable, est parfois plus souple qu’on ne le croit

Et passé fin octobre ? que faire ?

On reviendra alors au droit usuel imposant des réunions en présentiel.

Mais les cas de souplesses sur ce point s’avèrent plus nombreux qu’on ne le croit souvent car des dérogations existent, sur ce point :

 

 

II. Le projet de loi

 

Le projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire a été adopté à l’Assemblée Nationale (A.N.), et a été transmis au Sénat. 

Au début, rien dans ce texte ne venait traiter de ces questions.

Puis vinrent déjà en commission deux amendements qui devraient permettre, dans les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre  :

  • de tenir des séances du conseil sans public ou avec un nombre limité de personnes dans le public, jusqu’au 1er avril 2021
  • de réunir le conseil en tout lieu pour des raisons covidiennes, là encore jusqu’au 1er avril 2021.

 

Ces amendements furent adoptés au sein du projet de loi « Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire » et qui est en cours d’examen en 1e lecture (avec urgence déclarée) à l’Assemblée Nationale (voir le dossier législatif ici  : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/prorogation_urgence_sanitaire).

Les voici :

PUIS (alléluia) virent des amendements en séance plénière :

• ce texte a depuis lors été adopté à l’Assemblée Nationale avec un amendement : cette facilité serait étendue à tous les groupements de collectivités (syndicats de communes, syndicats mixtes — fermés et ouverts — inclus donc).

• de plus, le régime de la visioconférence, qui doit s’arrêter (sauf EPCI à fiscalité propre sous d’autres modalités) fin octobre, sera lui aussi prolongé jusqu’au 30 octobre avec application, là encore, aux syndicats mixtes. 

 

Voir ce texte tel qu’il va être examiné, d’abord en commission, au Sénat :

https://www.senat.fr/leg/pjl20-005.html