Urbanisme : en zone tendue, pas d’appel pour les jugements à la suite de recours contre les décisions refusant de constater la péremption d’une autorisation d’occupation du sol

L’article R. 811-1-1 du CJA prévoit que, en zone tendue, le TA saisi statue en premier et dernier ressort (seul un recours en cassation est possible), et ce encore pour quelques années, en matière d’autorisations de construire, de démolir ou d’aménager.
Le Conseil d’Etat vient de poser que ce régime s’applique également, lorsque ces autorisations ont été accordées, aux recours dirigés contre les décisions refusant de constater la péremption desdites autorisations.

 

 

Lorsqu’une autorisation de construire ou de démolir un bâtiment d’habitation ainsi qu’une autorisation de réaliser un lotissement est contestée devant un Tribunal administratif, la décision de ce dernier n’est pas toujours susceptible d’appel.

Si la commune d’implantation du projet est située en zone dite « tendue » au sens de l’article 232 du Code général des impôts (soit schématiquement lorsque l’offre de logements sur le territoire est insuffisante par rapport aux besoins de la population),  l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative (CJA) précise que le jugement du Tribunal est alors rendu en premier et dernier ressort de sorte qu’il ne peut être contesté que par la voie du recours en cassation devant le Conseil d’Etat :

« A l’exception des autorisations et actes afférents aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mentionnées au 5° de l’article R. 311-2, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre :
1° Les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ;
2° Les actes de création ou de modification des zones d’aménagement concerté mentionnés aux articles L. 311-1 et R. 311-3 du code de l’urbanisme, et l’acte approuvant le programme des équipements publics mentionné à l’article R. 311-8 du même code, lorsque la zone d’aménagement concerté à laquelle ils se rapportent porte principalement sur la réalisation de logements et qu’elle est située en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ;
3° Les décisions suivantes, afférentes à une action ou une opération d’aménagement, au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, située en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application, et dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même code :
a) L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement et l’arrêté portant prescriptions complémentaires en application de l’article L. 181-14 du même code ;
b) L’absence d’opposition à la déclaration d’installations, ouvrages, travaux et activités et l’arrêté portant prescriptions particulières mentionnés au II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ;
c) La dérogation mentionnée au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et l’arrêté portant prescriptions complémentaires en application de l’article R. 411-10-2 du même code ;
d) Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnés aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du code de l’environnement et les arrêtés portant prescriptions complémentaires ou spéciales mentionnés aux articles L. 512-7-5 ou L. 512-12 du même code ;
e) L’autorisation de défrichement mentionnée à l’article L. 341-3 du code forestier.
Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027.»

N.B. : Ce régime a été plusieurs fois modifié et encadré temporellement : en l’état du texte à ce jour, ce régime doit cesser de s’appliquer aux recours introduits après le 31 décembre 2027… sous réserve des textes qui, d’ici là, n’auront pas manqué d’être adoptés. Pour les recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 août 2022, continue de s’appliquer le régime de cet article tel qu’il était rédigé avant le décret n°2022-929 du 24 juin 2022.

Le Conseil d’Etat avait déjà en mai 2022 élargi le champ d’application de cette règle aux recours dirigés contre les retraits et les refus de retrait portant sur l’une des autorisations précitées :

 

Cette disposition est aussi applicable aux recours dirigés contre les permis d’aménager autorisant la création d’un lotissement, et ce même si le projet ne prévoyait pas la constructions d’habitations :

En revanche, cette disposition ne s’applique, ni aux jugements statuant sur les recours dirigés contre un refus d’autorisation d’urbanisme, ni sur ceux contestant un sursis à statuer que la collectivité aurait opposé au pétitionnaire, quand bien même le sursis litigieux devrait être considéré comme opérant le retrait d’un permis tacitement obtenu :

 

NB : en cas d’énergie renouvelable, voir aussi l’application — même en ces domaines — des délais maxima du décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 (voir mon article ici). En cas de contentieux administratif lié aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, voir ici le décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018 et voir là CE, 17 octobre 2022, n° 464620 et n° 459219 [2 aff. distinctes].

Le Conseil d’Etat vient d’affiner ce régime. Il pose que ce régime doit être regardé comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions refusant de constater leur péremption.

 

Source :

Conseil d’État, 22 novembre 2022, n° 461869, aux tables