Une collectivitĂ©, mĂȘme ultramarine, ne peut instaurer un rĂ©gime dâautorisation prĂ©alable Ă la circulation des navires en mer : cela contrevient aux articles 17 et 24 de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer signĂ©e le 10 dĂ©cembre 1982 Ă Montego Bay, lesquels articles sont dâapplication directe, vient de poser la CAA de Paris.
Cette dĂ©cision prolonge un avis contentieux du Conseil dâEtat rendu cet Ă©tĂ© qui ne portait pas prĂ©cisĂ©ment sur ce point, mais qui confirmait les vastes marges de manĆuvre dont disposent en droit le provinces nĂ©o-calĂ©doniennes.Â
En lâespĂšce, il en rĂ©sulte une censure trĂšs partielle de la dĂ©cision de la province nĂ©o-calĂ©donienne en question, entraĂźnant un traitement diffĂ©renciĂ© entre navires français et étrangers qui peut Ă tout le moins interroger.Â
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La CAA de Paris vient de poser que son dâeffet direct en droit français deux articles de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (signĂ©e le 10 dĂ©cembre 1982 Ă Montego Bay), Ă savoir :
- lâarticle 17 de cette convention relatif au droit de passage inoffensif :
- « Sous rĂ©serve de la Convention, les navires de tous les Ătats, cĂŽtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. »
- lâarticle 24 sur les Obligations de lâĂtat cĂŽtier :
- « 1. LâĂtat cĂŽtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires Ă©trangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prĂ©vus par la Convention. En particulier, lorsquâil applique la Convention ou toute loi ou tout rĂšglement adoptĂ© conformĂ©ment Ă la Convention, lâĂtat cĂŽtier ne doit pas : / a) imposer aux navires Ă©trangers des obligations ayant pour effet dâempĂȘcher ou de restreindre lâexercice du droit de passage inoffensif de ces navires ».
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Source :Â https://www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf
Il peut en rĂ©sulter des complexitĂ©s cela dit notamment quand se succĂšdent Ă peu de milles nautiques de distance, une succession dâEtats cĂŽtiers distincts (pour un exemple Ă©difiant au large du cotentin, voir ici).
NB : sur ces principes conciliĂ©s avec le droit europĂ©en quand se posent des questions de sauvetage en mer MĂ©diterranĂ©e,  voir CJUE, 1er aoĂ»t 2022 â Sea Watch;, affaire C-14/21 (Affaires jointes C-14/21, C-15/21).
En lâespĂšce, les pouvoirs dĂ©volus Ă lâEtat CĂŽtier au sens de cette convention ont Ă©tĂ© exercĂ©s par la province des Ăźles LoyautĂ© de Nouvelle-CalĂ©donie.
Cette collectivitĂ© ultramarine a instituĂ© rien de moins quâun rĂ©gime dâautorisation prĂ©alable de la circulation des navires dans le domaine public maritime.
Cette province se fondait sur les larges pouvoirs qui lui sont attribués par :
- Le point 1.1. du document dâorientation de lâaccord de NoumĂ©a, lequel stipule que :
- « (âŠ) le statut coutumier distinguera les biens situĂ©s dans les  » terres coutumiĂšres  » (nouveau nom de la rĂ©serve), qui seront appropriĂ©s et dĂ©volus en cas de succession selon les rĂšgles de la coutume et ceux situĂ©s en dehors des terres coutumiĂšres qui obĂ©iront Ă des rĂšgles de droit commun « . Le point 1.4. du mĂȘme document prĂ©voit :  » LâidentitĂ© de chaque Kanak se dĂ©finit dâabord par rapport Ă une terre./ (âŠ) Les domaines de lâĂtat et du territoire doivent faire lâobjet dâun examen dans la perspective dâattribuer ces espaces Ă dâautres collectivitĂ©s ou Ă des propriĂ©taires coutumiers ou privĂ©s, en vue de rĂ©tablir des droits ou de rĂ©aliser des amĂ©nagements dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. La question de la zone maritime sera Ă©galement examinĂ©e dans le mĂȘme esprit ».Â
- le 1er alinĂ©a de lâarticle 18 de la loi organique du 19 mars 1999 relative Ă la Nouvelle-CalĂ©donie :
- « Sont régis par la coutume les terres coutumiÚres et les biens qui y sont situés appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier. Les terres coutumiÚres sont constituées des réserves, des terres attribuées aux groupements de droit particulier local et des terres qui ont été ou sont attribuées par les collectivités territoriales ou les établissements publics fonciers, pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre. Elles incluent les immeubles domaniaux cédés aux propriétaires coutumiers ».
- lâarticle 20 de la mĂȘme loi organique, lequel dispose que :
- « Chaque province est compĂ©tente dans toutes les matiĂšres qui ne sont pas dĂ©volues Ă lâĂtat ou Ă la Nouvelle-CalĂ©donie par la prĂ©sente loi, ou aux communes par la lĂ©gislation applicable en Nouvelle-CalĂ©donie (âŠ) » .
(les répartitions de compétences étant ensuite précisées par les articles suivants, puis pour ce qui concerne ce dossier par les articles 45 et suivants).
- « Chaque province est compĂ©tente dans toutes les matiĂšres qui ne sont pas dĂ©volues Ă lâĂtat ou Ă la Nouvelle-CalĂ©donie par la prĂ©sente loi, ou aux communes par la lĂ©gislation applicable en Nouvelle-CalĂ©donie (âŠ) » .
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Par un jugement n° 2000440 du 17 mai 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-CalĂ©donie a censurĂ© cette dĂ©libĂ©ration de 2020 de la Province des Ăźles LoyautĂ©. La CAA de Paris sur ce point, avant dire droit, a demandĂ© un avis contentieux au Conseil dâEtat, lequel a Ă©tĂ© rendu cet Ă©tĂ© :
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La Haute Assemblée avait donc en juillet 2022 posé, par cet avis contentieux, que :
- « 6. La prĂ©servation de lâenvironnement nâest pas au nombre des compĂ©tences attribuĂ©es respectivement Ă lâEtat ou Ă la Nouvelle-CalĂ©donie par les articles 21 et 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative Ă la Nouvelle-CalĂ©donie et aucune disposition de la lĂ©gislation applicable en Nouvelle-CalĂ©donie ne confie cette compĂ©tence aux communes. Il sâensuit que les provinces de Nouvelle-CalĂ©donie sont compĂ©tentes pour Ă©dicter une rĂ©glementation qui tend Ă la prĂ©servation de lâenvironnement, sous rĂ©serve de ne pas porter atteinte Ă dâautres compĂ©tences attribuĂ©es Ă lâEtat, Ă la Nouvelle-CalĂ©donie ou aux communes.
« 7. En premier lieu, alors mĂȘme que lâEtat est seul compĂ©tent en matiĂšre de garanties des libertĂ©s publiques, en vertu du 1° du I. de lâarticle 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative Ă la Nouvelle-CalĂ©donie, les provinces de Nouvelle-CalĂ©donie, sont compĂ©tentes, en vue de la prĂ©servation de lâenvironnement, pour, le cas Ă©chĂ©ant, adopter une rĂ©glementation qui soumette certaines activitĂ©s susceptibles dâĂȘtre exercĂ©es sur le domaine public maritime, notamment Ă caractĂšre Ă©conomique, Ă un rĂ©gime de dĂ©claration ou dâautorisation.
« 8. En deuxiĂšme lieu, si lâEtat est compĂ©tent en matiĂšre de procĂ©dure pĂ©nale et en matiĂšre pĂ©nale, respectivement en vertu du 2° du I. et du 5° du II. de lâarticle 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative Ă la Nouvelle-CalĂ©donie, il rĂ©sulte des dispositions des articles 86, 87 et 157 de la mĂȘme loi organique quâen matiĂšre de protection de lâenvironnement, les assemblĂ©es des provinces peuvent assortir les infractions Ă leur rĂ©glementation, dâune part, de peines dâamendes dĂšs lors quâelles respectent la classification des contraventions et dĂ©lits et, dâautre part, sous rĂ©serve dâune homologation de leurs dĂ©libĂ©rations par la loi, de peines dâemprisonnement qui respectent la classification des dĂ©lits. De surcroĂźt, ces peines ne doivent pas excĂ©der le maximum prĂ©vu pour les infractions de mĂȘme nature par les lois et rĂšglements de la RĂ©publique et sâagissant des peines dâemprisonnement, jusquâĂ lâentrĂ©e en vigueur de la loi dâhomologation, seules les peines dâamende et les peines complĂ©mentaires Ă©ventuellement prĂ©vues par la dĂ©libĂ©ration sont applicables. Par ailleurs, il est loisible aux provinces de rappeler que, conformĂ©ment Ă lâarticle 86 de la loi organique, les fonctionnaires et agents assermentĂ©s des provinces peuvent constater les infractions Ă cette rĂ©glementation dans les conditions fixĂ©es par la loi sans prĂ©judice du pouvoir gĂ©nĂ©ral de constatation des infractions des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire ou du pouvoir spĂ©cial de constatation des infractions douaniĂšres par les agents des douanes. Aucune disposition de la loi organique ne fait obstacle Ă la compĂ©tence des provinces pour instituer une obligation de signalement. Enfin, elles sont compĂ©tentes pour fixer la date dâentrĂ©e en vigueur de dispositions Ă caractĂšre pĂ©nal, la circonstance quâĂ la date prĂ©vue celles dâentre elles qui prĂ©voient des peines dâemprisonnement nâaient pas Ă©tĂ© homologuĂ©es faisant simplement obstacle Ă ce quâelles puissent ĂȘtre appliquĂ©es.
« 9. En troisiĂšme lieu, les rĂšgles du droit domanial des provinces, sous rĂ©serve de la compĂ©tence attribuĂ©e Ă lâEtat en matiĂšre de dĂ©fense nationale, relĂšvent de la compĂ©tence de la Nouvelle-CalĂ©donie et ressortissent des lois du pays dĂ©libĂ©rĂ©es par le congrĂšs, en application du 31° de lâarticle 22 et du 7° de lâarticle 99 de la loi organique. Sur ce fondement a Ă©tĂ© adoptĂ©e la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-CalĂ©donie et des provinces. Par ailleurs, en application du 1er bis du III. de lâarticle 21 et des articles 26 et 99 de la loi organique, la police et la sĂ©curitĂ© de la circulation maritime sâeffectuant entre tous points de la Nouvelle-CalĂ©donie ainsi que la sauvegarde de la vie humaine en mer dans les eaux territoriales ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es Ă la Nouvelle-CalĂ©donie par la loi du pays n° 2009-10 du 28 dĂ©cembre 2009. Son article 2 prĂ©voit que, dans le respect de la rĂ©partition des compĂ©tences entre lâEtat, la Nouvelle-CalĂ©donie et les provinces, la Nouvelle-CalĂ©donie est notamment compĂ©tente pour rĂ©glementer la circulation maritime, entendue comme la navigation maritime, et assurer la police administrative spĂ©ciale destinĂ©e Ă assurer le respect de cette rĂ©glementation, dĂ©finir les droits et les obligations des navires pilotĂ©s et fixer les rĂšgles relatives aux manifestations nautiques. Toutefois, dĂšs lors que la dĂ©termination de lâautoritĂ© compĂ©tente pour Ă©dicter une rĂ©glementation dans un domaine dĂ©pend de la nature de la finalitĂ© qui lui est assignĂ©e, ces dispositions ne font pas obstacle Ă ce quâune province Ă©dicte, Ă des fins de prĂ©servation de lâenvironnement, ou sur le fondement des compĂ©tences quâelle tire des articles 45 et 46 de la loi organique en matiĂšre de conservation des ressources naturelles des eaux intĂ©rieures et des eaux surjacentes de la mer territoriale, une rĂ©glementation complĂ©mentaire soumettant Ă un rĂ©gime de dĂ©claration ou dâautorisation, selon quâils sont affectĂ©s Ă une activitĂ© de plaisance, de pĂȘche ou de commerce, assorti de sanctions, lâaccĂšs des navires Ă son domaine public maritime, sous rĂ©serve que cette rĂ©glementation soit compatible avec les dispositions de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 et de la loi du pays n° 2009-10 du 28 dĂ©cembre 2009. Nây font pas davantage obstacle les dispositions du 10° de lâarticle 99 de la loi organique, qui fixent le principe selon lequel une loi du pays doit fixer les principes fondamentaux concernant le rĂ©gime de la propriĂ©tĂ©, des droits rĂ©els et des obligations civiles et commerciales.
« 10. En quatriĂšme et dernier lieu, si la Nouvelle-CalĂ©donie est compĂ©tente en matiĂšre de statut civil coutumier, de terres coutumiĂšres et palabres coutumiers ainsi que de limites des aires coutumiĂšres, en vertu du 5° de lâarticle 22 de la loi organique, en matiĂšre de dĂ©termination des principes directeurs du droit de lâurbanisme, sur le fondement du 21° de lâarticle 22 de la loi organique, ainsi quâen matiĂšre de droit civil, compĂ©tence transfĂ©rĂ©e par lâEtat Ă la Nouvelle-CalĂ©donie, en application des articles 26 et 99 de la loi organique, par la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012, ces dispositions ne font pas obstacle Ă ce quâune province, en vue de prĂ©server lâenvironnement dans le respect des usages coutumiers de jouissance, institue des servitudes Ă©cologiques et coutumiĂšres ayant pour objet de rĂ©glementer lâaccĂšs Ă la nature dans des zones situĂ©es sur le domaine public maritime ou sur des terres coutumiĂšres mises Ă la disposition de la province.»
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De larges compétences donc.
Mais ces compétences ont-elles été légalement exercées ? NON car la province doit respecter diverses rÚgles de droit à ce titre :
« 4. Dans lâexercice des compĂ©tences qui leur sont ainsi dĂ©volues par les dispositions prĂ©citĂ©es, les provinces sont tenues de respecter, dâune part, la Constitution, et notamment son prĂ©ambule et son titre XIII, les engagements internationaux de la France et les principes gĂ©nĂ©raux du droit et, dâautre part, les rĂšgles Ă©dictĂ©es par lâĂtat dans lâexercice de ses compĂ©tences propres. Les provinces sont Ă©galement tenues de respecter les rĂšgles Ă©dictĂ©es par la Nouvelle-CalĂ©donie dans lâexercice des compĂ©tences qui lui sont limitativement dĂ©volues par la loi organique statutaire et, Ă ce titre, celles Ă©dictĂ©es par les lois du pays. Dans lâexercice des compĂ©tences quâelles tiennent des dispositions de la mĂȘme loi, les provinces peuvent librement instituer des rĂ©gimes juridiques nouveaux et mettre en oeuvre des politiques qui leur sont propres, alors mĂȘme quâils diffĂšrent de ceux dĂ©cidĂ©s par lâĂtat ou par la Nouvelle-CalĂ©donie, pourvu que, ce faisant, elles respectent les rĂšgles et principes rappelĂ©s ci-dessus. »
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La CAA Ă©numĂšre toutes les rĂšgles qui ont Ă©tĂ© respectĂ©es par ladite province, en rĂ©ponse aux moyens soulevĂ©s, et ce dâune maniĂšre prĂ©cise (ce qui est logique sâagissant dâune censure seulement partielle de la dĂ©libĂ©ration en cause).
Citons notamment les intéressants points 22 et 23 :
« 22. En premier lieu, les atteintes Ă la libertĂ© dâaller et de venir, notamment sur le domaine public, Ă la libertĂ© dâentreprendre et Ă la libertĂ© du commerce et de lâindustrie, constitutionnellement garanties, doivent ĂȘtre justifiĂ©es par un motif dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et proportionnĂ©es Ă lâobjectif poursuivi, en tenant compte de lâorientation Ă valeur constitutionnelle fixĂ©e par les points 1.1. et 1.4. du document dâorientation de lâaccord de NoumĂ©a, citĂ©s ci-dessus au point 2 du prĂ©sent arrĂȘt.
« 23. En lâespĂšce, le rĂ©gime dâautorisation ou de dĂ©claration prĂ©alable applicable aux activitĂ©s sur le domaine public maritime de la province des Ăźles LoyautĂ© instituĂ© par la dĂ©libĂ©ration litigieuse en dehors des servitudes Ă©cologiques et coutumiĂšres vise Ă assurer la prĂ©servation de lâenvironnement et le respect des usages coutumiers, en tenant compte de la situation particuliĂšre et des caractĂ©ristiques gĂ©ographiques, dĂ©mographiques et culturelles propres des Ăźles qui la composent. Eu Ă©gard Ă lâinstauration dâun systĂšme de servitudes Ă©cologiques et coutumiĂšres destinĂ© Ă concilier tant, selon les termes de lâarticle 232-7 du code de lâenvironnement de la province des Ăźles LoyautĂ©,  » lâaccĂšs de tous Ă la nature  » que les pratiques culturelles qui lui sont associĂ©es, le rĂ©gime ainsi crĂ©Ă© opĂšre une conciliation qui nâest pas manifestement disproportionnĂ©e entre ces diffĂ©rents objectifs et ne mĂ©connait ainsi pas les dispositions constitutionnelles garantissant les libertĂ©s susmentionnĂ©es. Le moyen doit donc ĂȘtre Ă©cartĂ©.»
Mais lĂ oĂč lâarrĂȘt nouveau sâavĂšre vraiment notable, câest lorsquâil aborde le moyen tirĂ© de la mĂ©connaissance de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 dĂ©cembre 1982 :
28. Le haut-commissaire de la RĂ©publique soutient que la dĂ©libĂ©ration litigieuse, en instituant un rĂ©gime dâautorisation prĂ©alable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des Ăźles LoyautĂ©, mĂ©connait les stipulations de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer relatives au droit de passage inoffensif des navires Ă©trangers.
29. Lâarticle 232-3 du code de lâenvironnement de la province des Ăźles LoyautĂ©, tel quâil rĂ©sulte de la dĂ©libĂ©ration litigieuse, prĂ©voit que :  » tout accĂšs de navires au domaine public maritime provincial est soumis Ă dĂ©claration ou Ă autorisation  » et que les navires doivent communiquer Ă chaque mouvement leur itinĂ©raire et leur manifeste aux autoritĂ©s portuaires. Lâarticle 232-5 du mĂȘme code prĂ©voit que tous les navires autres que les navires de transport rĂ©gulier de personnes et de marchandises entre la grande terre et les Ăźles et entre les Ăźles et les bateaux de croisiĂšres sont soumis Ă autorisation, la demande dâautorisation devant ĂȘtre dĂ©posĂ©e par voie Ă©lectronique, accompagnĂ©e de la production  » de la carte de la navigation, de la dĂ©claration de lâĂ©tat du navire, des marchandises transportĂ©es  » et de la prĂ©cision  » du nombre de personnes Ă bord « , et lâautorisation Ă©tant dĂ©livrĂ©e dans le dĂ©lai dâun mois.
30. Aux termes des stipulations de lâarticle 17, lesquelles sont dâeffet direct, de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a Ă©tĂ© ratifiĂ©e en vertu de la loi n° 95-1311 du 21 dĂ©cembre 1995 et publiĂ©e au Journal officiel de la RĂ©publique française par le dĂ©cret n° 96-774 du 30 aoĂ»t 1996 et qui ne comporte aucune restriction quant Ă son application en Nouvelle-CalĂ©donie :  » Droit de passage inoffensif. Sous rĂ©serve de la Convention, les navires de tous les Ătats, cĂŽtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. « . Aux termes de lâarticle 24 de ladite convention :  » Obligations de lâĂtat cĂŽtier. / â 1. LâĂtat cĂŽtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires Ă©trangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prĂ©vus par la Convention. En particulier, lorsquâil applique la Convention ou toute loi ou tout rĂšglement adoptĂ© conformĂ©ment Ă la Convention, lâĂtat cĂŽtier ne doit pas : / a) imposer aux navires Ă©trangers des obligations ayant pour effet dâempĂȘcher ou de restreindre lâexercice du droit de passage inoffensif de ces navires ; [âŠ] « . Ces stipulations garantissent ainsi un droit de passage inoffensif aux navires Ă©trangers, et non pas seulement une tolĂ©rance, sans prĂ©judice des mesures, prĂ©vues par le 1 lâarticle 21 de la convention, susceptibles dâĂȘtre mise en oeuvre par lâĂtat cĂŽtier dans les domaines suivants :  » a) sĂ©curitĂ© de la navigation et rĂ©gulation du trafic maritime ; / (âŠ) / d) conservation des ressources biologiques de la mer ; / e) prĂ©vention des infractions aux lois et rĂšglements de lâĂtat cĂŽtier relatifs Ă la pĂȘche ; / f) prĂ©servation de lâenvironnement de lâĂtat cĂŽtier et prĂ©vention, rĂ©duction et maĂźtrise de sa pollution. « . Lâarticle 8 de lâordonnance n° 2016-1687 du 8 dĂ©cembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souverainetĂ© ou de la juridiction de la RĂ©publique française, applicable en Nouvelle-CalĂ©donie en vertu du I de lâarticle 55 de la mĂȘme loi, dispose en outre que :  » Le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale est rĂ©gi par les articles L. 5211-1 Ă L. 5211-5 du code des transports. « .
31. Le rĂ©gime dâautorisation prĂ©alable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des Ăźles LoyautĂ© instituĂ© par la dĂ©libĂ©ration litigieuse doit, eu Ă©gard aux contraintes administratives quâil fait peser sur les navires Ă©trangers, ĂȘtre regardĂ© comme ayant pour consĂ©quence dâentraver le passage inoffensif des navires Ă©trangers dans la mer territoriale et de leur imposer des obligations ayant pour effet dâempĂȘcher ou de restreindre lâexercice de ce droit de passage inoffensif au sens et pour lâapplication des stipulations, citĂ©es au point 30, de lâarticle 24 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
32. Le haut-commissaire de la RĂ©publique en Nouvelle-CalĂ©donie est donc fondĂ© Ă soutenir que les dispositions des articles 232-3 et 232-5 du code de lâenvironnement de la province des Ăźles LoyautĂ©, rĂ©sultant de lâannexe Ă la dĂ©libĂ©ration n° 2020-45/API du 30 juin 2020 de lâassemblĂ©e de la province des Ăźles LoyautĂ© auquel renvoie lâarticle 1er de cette derniĂšre, sont illĂ©gales en tant quâelles sâappliquent aux navires Ă©trangers et doivent, dans cette limite, ĂȘtre annulĂ©es.
DâoĂč une censure trĂšs partielle, fondĂ©e seulement sur ce point prĂ©cis (censure partielle cependant qui entraĂźne une distorsion, une rupture dâĂ©galitĂ©, entre navires français et Ă©trangers, ce qui Ă tout le moins interroge).
Source :
CAA de Paris, 10 janvier 2023, n° 21PA04622, C+
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