Le Conseil constitutionnel en 2017 avait bouleversé notre régime d’accès aux archives publiques. S’en était fini du droit simple au titre duquel les archives publiques s’ouvraient aux demandeurs une fois passée la période requise à cet effet. Restait à appliquer le nouveau principe d’une mise en balance entre le secret (ou la distance temporelle entre les événements et leur analyse) et la transparence immédiate, si proche des valeurs des générations présentes.

Signe des temps, le Conseil d’Etat relativise le rôle du temps et tranche dans un sens qui privilégie et conduira souvent à privilégier la transparence presque immédiate, avec ses avantages et ses limites.

 


 

 

Deux affaires portaient sur le droit d’accès aux archives du Président François Mitterrand pour la période du génocide intervenu au Rwanda, pour lequel l’attitude de la France donne lieu à des interprétations contradictoires (sauveurs et arrêteurs de massacres ? ou protecteur des massacreurs ? ou un peu des deux ?).

En ces domaines, autrefois, s’appliquait un droit simple : les archives publiques étaient ouvertes au delà d’un certain délai, lui-même un peu complexe. Point.

Puis vint la décision n° 2017-655 QPC, en date du 15 septembre 2017, par laquelle le Conseil constitutionnel a posé qu’est garanti constitutionnellement (art. 15 DDHC ; art. 10 CEDH) le droit d’accès aux documents d’archives publiques, avec possibilité pour le législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

S’en suivit l’adoption de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 conduisant à la formulation actuelle de l’article L. 213-4 du code du patrimoine.

Vient maintenant le moment de donner le mode d’emploi concret de ce texte à la lumière des exigences constitutionnelles posées par le Conseil constitutionnel.

Or, l’affaire qui donne lieu à cette application est tout sauf neutre.

Le requérant, auteur de plusieurs ouvrages consacrés au rôle de la France au Rwanda pendant les événements liés au génocide perpétré en 1994, s’était vu opposer le refus du ministère de la culture pour consulter les documents déposés par le Président de la République alors en fonctions, François Mitterrand, aux Archives nationales. Ce refus tirait les conséquences de l’opposition émise par la mandataire désignée par l’ancien Président de la République.

Ces archives, comprenant notamment des notes rédigées par les conseillers du Président et des comptes-rendus de réunions du Gouvernement, sont en effet couvertes par un protocole qui ne prévoit leur ouverture générale au public que 60 ans après sa signature, en 2055.

Le Conseil d’État rappelle qu’une consultation anticipée est toutefois possible sur autorisation de la mandataire.

Le Conseil d’Etat pose en ce domaine que la protection des secrets de l’État doit être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques. Avec une interprétation plus favorable à la transparence immédiate qu’à l’effet apaisant des distances temporelles entre les événements et leur analyse… Voyons comment.