Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a décidé que cétacé c’est assez : il a condamné l’Etat pour méconnaissance de ses obligations en matière de protection de certains cétacés. Faute de protéger les dauphins, l’Etat boit la tasse… 

 

NB : ce qui suit reprend le communiqué du TA, auquel nous n’avons pas trouvé à ajouter ou retrancher. 

Les textes européens et le code de l’environnement imposent aux autorités françaises de mettre en œuvre des mesures visant à assurer le maintien ou le rétablissement des espèces protégées, dans le cadre de zones dites « Natura 2000 ». Les Etats membres doivent également contrôler les captures et les mises à mort accidentelles de ces mammifères marins  grâce à des programmes de surveillance des navires et des pratiques de pêche commerciale non sélective.

Saisi par l’association Sea Shepherd France, le tribunal a relevé que si la France a mis en place une législation destinée à protéger les cétacés, en particulier le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin, l’état de conservation de ces espèces est toujours insuffisant dans la zone Atlantique. En effet, cette zone est marquée par de nombreux phénomènes d’échouage de dauphins depuis plusieurs années alors que la région connait une activité de pêche commerciale intense.

Si les autorités françaises ont, depuis deux ans, renforcé les mesures d’encadrement de l’activité de pêche par la mise en place d’un régime de déclaration des captures accidentelles, l’augmentation du nombre d’observateurs à bord des navires ou l’obligation d’installation de répulsifs acoustiques pour les chaluts pélagiques dans le golfe de Gascogne, ces mesures ont été mises en œuvre tardivement et restent insuffisantes.

Le tribunal en a conclu qu’il y avait lieu de condamner l’Etat en raison du retard pris pour respecter ses obligations, européennes et nationales, en matière de protection des mammifères marins et de contrôle des activités de pêche. Compte tenu des actions menées par l’association requérante depuis plusieurs années pour la défense des océans et des mammifères marins, le tribunal a estimé que cette carence lui avait causé un préjudice moral et a ainsi accordé une indemnité de 6 000 euros.

En revanche, il  a refusé de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce qu’il soit notamment enjoint aux autorités françaises d’interdire toute activité de pêche dans la zone
« Natura 2000 » située dans le golfe de Gascogne, car il a estimé que les mesures récemment prises par l’Etat, en application du nouveau règlement européen du 20 juin 2019, sont de nature à pallier les effets du comportement fautif dénoncé par l’association.

Voici la décision du TA de Paris :

Quel est le régime de la responsabilité des services fiscaux à l’égard des collectivités territoriales, lorsqu’est calculée une dotation compensant la perte de ressources fiscales ?

Autrement formulée, cette question devient : les services fiscaux font une erreur fiscale au détriment de la collectivité qui lève l’impôt. Puis cet impôt est supprimé et compensé par l’Etat. Quel est le régime de responsabilité alors applicable et, surtout, à partir de quand commence le fait générateur de responsabilité (avec de fortes conséquences sur les questions de prescription) ?

Réponse du Conseil d’Etat : une action indemnitaire peut alors être fondée sur les fautes commises lors de l’établissement de l’impôt compensé et de sa rectification.

 

En l’espèce, avait été prévue une compensation relais par le II de l’article 1640 B du code général des impôts (CGI), perçue par les collectivités territoriales en lieu et place de la taxe professionnelle au titre de l’année 2010.

Puis avait été instituée, à compter de l’année 2011, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et avait été créé le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), les montants de la DCRTP et les prélèvements et reversements au FNGIR étant déterminés en tenant compte, notamment, du montant de la compensation relais.

Une commune estimait que l’administration fiscale avait exonéré à tort une société de taxe professionnelle et tardé à rectifier l’imposition en cause et demandant l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’attribution d’une compensation relais trop faible au titre de l’année 2010 et des pertes de recettes résultant de la minoration des versements au titre de la DCRTP et du FNGIR au titre des années suivantes.

Le Conseil d’Etat pose alors que le recours indemnitaire est ouvert dès lors qu’il est fondé, non sur l’illégalité des arrêtés de versement des sommes dues au titre de la compensation relais, de la DCRTP et du FNGIR, mais sur les fautes commises lors de l’établissement de la taxe professionnelle et de sa rectification.

C’est important car cette interprétation censure la vision stricte par laquelle la CAA avait, comme le TA, rejeté les demandes de la commune (et ensuite de la communauté). Citons la CAA :

« la commune […] n’établit ni même n’allègue que le préfet aurait, pour déterminer la compensation relais et les versements au titre de la DCRTP et du FNGIR de 2011 à 2016, fait une inexacte application des textes pertinents, et notamment de l’article 1640 B du code général des impôts et du I du 1.4 de l’article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dont, au demeurant, elle ne conteste pas la conventionnalité ou la constitutionnalité ; que, dans ces conditions, elle ne peut utilement se prévaloir, pour contester les sommes versées au titre de la compensation relais et de la DCRTP et du FNGIR, des diverses fautes alléguées dans la détermination de la taxe professionnelle 2009 ou dans la tardiveté de sa rectification qui ne présentent pas un lien de causalité directe avec les préjudices subis ; » (source voir ici).

Evidement, en ces temps où d’autres impôts (TH…) sont ou vont être supprimés et remplacés par d’autres mécanismes, l’importance de cette jurisprudence s’en trouve avivée.

Indemnisation d’une collectivité par l’Etat, pour durée excessive d’un contentieux : le préjudice moral est indemnisable ; le préjudice matériel peut l’être à la condition de le démontrer, vient de juger le Tribunal des conflits au titre d’une décision importante.

 

Un contrat de gestion de salle de spectacle conclu avec une commune est-il de droit public ?

Réponse OUI s’il y a une clause valant exécution du service public (ce qui n’était pas le cas en l’espèce… surtout pas)… ou s’il y avait des prérogatives exorbitantes du droit commun au profit de la personne publique.

Cette évidence, la commune du Saint-Esprit a eu besoin de 17 ans pour la faire reconnaître, au grand désespoir de notre cabinet.

Voir :

 

Bonne nouvelle : de cette durée inacceptable, naît un autre apport jurisprudentiel, portant cette fois-ci sur l’indemnisation des communes à la suite de durées excessives de contentieux.

Autre nouvelle : à cette occasion, le Tribunal des conflits impose à ce stade de la collectivité qu’elle démontre, preuves et chiffres à l’appui, son préjudice, ce qui est bien logique.

Un décret a été publié pour lancer enfin, après deux ans de gestation, le projet DATAJUST : l’Etat se lance dans la modélisation, par algorithmes, de l’indemnisation des dommages corporels (en civil mais aussi en administratif). Il s’agit pour l’essentiel d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, fournissant un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels, en droit civil comme en droit administratif. 

Les défenseurs de ce projet y voient une aide pour tous. Et même un évitement des dangers de la justice prédictive et des monopoles d’informations en ces domaines par certains détenteurs privés de bases de données et d’algorithmes. 

Les contempteurs de ce projet (sans doute plus optimistes sur la possibilité d’arrêter ce mouvement…) disent qu’au contraire on accompagne ce mouvement dangereux et que très vite on va remplacer magistrats et avocats par un algorithme (certes public…).  

Passons tout ceci en revue. 

 

En matière de responsabilité, le principe est celui d’un partage des indemnisations si plusieurs personnes ont concouru au dommage. 

Le Conseil d’Etat vient d’appliquer ce principe aux cas des responsabilités des communes en matière d’assistance et de secours avec quelques précisions qui appellent à la vigilance. 

Une Régie des eaux prélève, de manière discontinue, de l’eau dans un canal exploité par EDF. Un dommage se produit. Mais à un moment où la régie des eaux n’était pas en train de prélever des eaux brutes dans ce canal.

Une Cour administrative d’appel en déduit que la régie des eaux n’était pas à considérer comme une usagère de cet ouvrage qu’est le canal, mais comme une partie tierce à celui-ci. Par un arrêt à publier aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat ne l’a pas entendu de cette oreille. Ce qui lui a donné l’occasion de revenir sur une distinction (usager/partie tierce) qui, en ce domaine, est tout sauf anodine et qui soulève un problème juridique intéressant sur le régime juridique de responsabilité applicable en cas d’usage irrégulier, dans le temps, d’un ouvrage.

Ne pas intervenir pour exécuter une décision de justice, par exemple en cas d’occupation illégale du domaine public portuaire, peut entraîner la responsabilité de l’Etat même sans faute (ce qui n’est pas nouveau) même au terme d’une inaction de 24h (ce qui est un délai suffisamment bref pour être souligné).