Par un arrêt qui aura les honneurs des tables du recueil Lebon, le Conseil d’État précise les régimes juridiques applicables aux dommages permanents de travaux publics et aux dommages présentant un caractère accidentel :
- Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur le caractère accidentel ou permanent d’un dommage causé par un ouvrage public.
- Le maître de l’ouvrage (et ce n’est pas nouveau) est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers :
- tant en raison de leur existence
- que de leur fonctionnement.
- Le maître de l’ouvrage (et c’est une confirmation) ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent soit :
- de la faute de la victime
- soit d’un cas de force majeure.
- Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
- et surtout, les faits de l’espèce éclairent la frontière entre dommage permanent ou accidentel.
En l’espèce, il s’agissait de dommages consistant dans l’envasement des systèmes de pré-filtration des eaux perturbant le fonctionnement d’une usine hydroélectrique exploitée par une société sur l’Isère.
Cet envasement était la conséquence directe des opérations de chasse pratiquées par la société EDF en mai et juin 2008 alors que, d’une part, la précédente chasse ayant été réalisée plus de quatre ans auparavant, l’accumulation en amont de sédiments était d’une ampleur exceptionnelle et, d’autre part, le débit du Rhône diminuait, réduisant ainsi la dilution et l’évacuation des sédiments relâchés et augmentant le risque de leur accumulation et de l’envasement des installations situées en aval.
Les dommages subis par la société, qui a la qualité de tiers par rapport aux ouvrages hydroélectriques exploités par EDF sur l’Isère, ne sont, dès lors, pas liés à l’existence même, ni au fonctionnement ou à l’entretien normal de ces ouvrages.
En conséquence, ils ne présentent pas, selon le Conseil d’Etat, le caractère de dommage permanent de travaux publics.
Voir aussi CE, 7 août 2008, Société anonyme de gestion des eaux de Paris, n° 289329.