Les effectifs de cétacés plongent, l’Etat aussi. Les Dauphins s’échouent, l’Etat aussi.

dauphin

Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a décidé que cétacé c’est assez : il a condamné l’Etat pour méconnaissance de ses obligations en matière de protection de certains cétacés. Faute de protéger les dauphins, l’Etat boit la tasse… 

 

NB : ce qui suit reprend le communiqué du TA, auquel nous n’avons pas trouvé à ajouter ou retrancher. 

Les textes européens et le code de l’environnement imposent aux autorités françaises de mettre en œuvre des mesures visant à assurer le maintien ou le rétablissement des espèces protégées, dans le cadre de zones dites « Natura 2000 ». Les Etats membres doivent également contrôler les captures et les mises à mort accidentelles de ces mammifères marins  grâce à des programmes de surveillance des navires et des pratiques de pêche commerciale non sélective.

Saisi par l’association Sea Shepherd France, le tribunal a relevé que si la France a mis en place une législation destinée à protéger les cétacés, en particulier le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin, l’état de conservation de ces espèces est toujours insuffisant dans la zone Atlantique. En effet, cette zone est marquée par de nombreux phénomènes d’échouage de dauphins depuis plusieurs années alors que la région connait une activité de pêche commerciale intense.

Si les autorités françaises ont, depuis deux ans, renforcé les mesures d’encadrement de l’activité de pêche par la mise en place d’un régime de déclaration des captures accidentelles, l’augmentation du nombre d’observateurs à bord des navires ou l’obligation d’installation de répulsifs acoustiques pour les chaluts pélagiques dans le golfe de Gascogne, ces mesures ont été mises en œuvre tardivement et restent insuffisantes.

Le tribunal en a conclu qu’il y avait lieu de condamner l’Etat en raison du retard pris pour respecter ses obligations, européennes et nationales, en matière de protection des mammifères marins et de contrôle des activités de pêche. Compte tenu des actions menées par l’association requérante depuis plusieurs années pour la défense des océans et des mammifères marins, le tribunal a estimé que cette carence lui avait causé un préjudice moral et a ainsi accordé une indemnité de 6 000 euros.

En revanche, il  a refusé de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce qu’il soit notamment enjoint aux autorités françaises d’interdire toute activité de pêche dans la zone
« Natura 2000 » située dans le golfe de Gascogne, car il a estimé que les mesures récemment prises par l’Etat, en application du nouveau règlement européen du 20 juin 2019, sont de nature à pallier les effets du comportement fautif dénoncé par l’association.

Voici la décision du TA de Paris :

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N°1901535/4-2

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ASSOCIATION SEA SHEPHERD FRANCE ___________

M. Anthony Duplan Rapporteur

___________

M. Laurent Gauchard Rapporteur public ___________

Audience du 18 juin 2020 Lecture du 2 juillet 2020

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44-007 60-01-03 60-04-01-04 C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris (4ème section – 2ème chambre)

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1804700 du 22 janvier 2019, le président du Tribunal administratif de Bordeaux a transmis au Tribunal administratif de Paris, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête et le mémoire de l’association Sea Shepherd France, représentée par Me Crecent, enregistrés les 25 octobre et 17 décembre 2018.

Par cette requête et ce mémoire, enregistrés le 23 janvier 2019 au greffe du Tribunal administratif de Paris, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 décembre 2019 et les 13 janvier et 4 février 2020, l’association Sea Shepherd France, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 60 000 euros au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017, de 30 000 euros au titre de l’année 2018 et de 30 000 euros au titre de l’année 2019, soit la somme totale de 120 000 euros, en réparation des préjudices qu’elle estime subir du fait de la carence de l’Etat dans la protection des mammifères marins sur la côte atlantique, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d’enregistrement de la requête, à défaut à la date du jugement, et de la capitalisation des intérêts par année de retard échue ;

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2°) d’enjoindre à l’administration de mettre un terme à ces préjudices par la mise en œuvre des mesures visant à maintenir la population de mammifères marins dans un état de conservation favorable ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’association Sea Shepherd soutient que :

– la responsabilité de l’Etat est engagée en raison de sa carence dans la protection des mammifères marins, tels que le Tursiops truncatus et le Delphinus delphis qui connaissent une mortalité extrême causée par les activités de pêche sur la côte atlantique ;

– l’Etat français méconnaît les stipulations de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe de 1979, de la convention de Bonn sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage de 1979, ainsi que les accords sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, du nord-est de l’Atlantique et des mers d’Irlande et du Nord (dits ASCOBANS), conclus le 17 mars 1992, et alors que ces espèces et leurs habitats sont protégés par l’Union internationale pour la conservation de la nature et la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction signée le 3 mars 1973 ;

– il méconnaît également, d’une part, le règlement n°812/2004 du 26 avril 2004 établissant des mesures relatives aux captures accidentelles de cétacés dans les pêcheries, en l’absence notamment de transmission par les autorités françaises d’un rapport annuel sur l’application des obligations posées par ce règlement, d’autre part, la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats », laquelle, par l’arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national, a fait l’objet d’une transposition insuffisante concernant les mammifères marins, en l’absence notamment de système permettant une connaissance efficace des espèces et de leur environnement, et alors que le régime déclaratif ne prévoit aucune mesure coercitive, enfin, la décision d’exécution (UE) 2016/1251 de la Commission du 12 juillet 2016 adoptant un programme pluriannuel de l’Union pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture pour la période 2017-2019 ;

– l’autorité administrative méconnaît les obligations découlant de l’article L. 411-1 du code de l’environnement dès lors que le système mis en œuvre ne permet pas d’encadrer les rejets des captures accidentelles et que le système déclaratif ne permet pas la contribution prévue au programme de recherche scientifique, rendant les connaissances sur l’état de conservation de l’espèce insuffisantes, et alors qu’il n’existe aucun contrôle officiel sur la tenue obligatoire par les pêcheurs professionnels du registre notifiant la nature et le nombre des prises ;

– en s’abstenant de mettre en place le régime d’autorisation, prévu par l’article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime, afin de protéger les zones « Natura 2000 », l’Etat méconnaît la directive précitée du 21 mai 1992, ces manquements ayant d’ailleurs été constatés par la Commission européenne en 2005 ;

– ces carences constituent également une violation de la Charte de l’environnement, en particulier du principe de précaution garanti à son article 5, et à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, de même que le principe de prévention, garanti par ce même article ;

– l’interdiction de la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement intentionnels des espèces de cétacés et de siréniens, posée par l’article 2 de l’arrêté précité du 1er juillet 2011 n’est pas respectée ; en outre, l’organisme, prévu à l’article 4 de cet arrêté, qui devait être mis en place à partir du 1er janvier 2012 dans le but de contribuer aux programmes de recherches scientifiques conduits sur les mammifères marins n’a toujours pas été désigné ; aucune mesure règlementaire n’a été mise en œuvre en vue de minimiser les répercussions des activités de pêche

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non sélective dans le golfe de Gascogne, en particulier la pêcherie du bar sur les frayères qui constitue la cause principale des échouages constatés dans cette zone ;

– le lien de causalité entre le préjudice qu’elle subit et les carences de l’autorité administrative est établi ;

– les fautes commises par l’Etat portent atteinte aux intérêts collectifs qu’elle défend en tant qu’association de préservation des écosystèmes et des mammifères marins, en particulier des grands dauphins, et lui cause un préjudice certain, direct et personnel, ce préjudice revêtant par ailleurs un caractère actuel puisque l’échouage des dauphins sur la côte atlantique se reproduit chaque année ;

– les préjudices matériel et moral qu’elle subit doivent être réparés à hauteur de 60 000 euros pour les dommages subis au titre des années 2014 à 2017, et de 30 000 euros annuels pour les dommages subis en 2018 et 2019 ;

– elle est fondée à demander qu’il soit enjoint à l’autorité administrative de mettre en œuvre une règlementation visant, d’une part, à limiter les activités de pêche durant les périodes de reproduction du bar, d’autre part, à interdire la pêche sur la zone « Natura 2000 » située dans le golfe de Gascogne, notamment sur le plateau de Rochebonne.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 novembre 2019 et le 10 janvier 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

– la carence de l’Etat dans la mise en œuvre des conventions internationales dont se prévaut la requérante n’est pas établie ;

– les moyens tirés de la carence de l’Etat dans la mise en œuvre du droit de l’Union européenne et du droit national, de la méconnaissance des principes de précaution et de prévention, et de l’absence de mise en œuvre effective des prescriptions de l’arrêté du 1er juillet 2011, en vue de minimiser les répercussions des activités de pêche non sélective dans le golfe de Gascogne manquent en fait ;

– en tout état de cause, le lien entre la prétendue carence fautive de l’administration et le préjudice allégué n’est pas établi, de sorte que la responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée ; – le préjudice allégué n’est pas davantage justifié, tant dans son principe que dans le

quantum de la réparation sollicitée.

Par ordonnance du 20 avril 2020, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 4 mai 2020, en application des dispositions de l’article R. 613-1 du code de justice administrative et des articles 2 et 16 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Un mémoire a été enregistré pour l’association Sea Shepherd France le 14 juin 2020, postérieurement à la clôture de l’instruction.

Vu :

– la demande préalable du 12 juin 2018 adressée au ministre de la transition écologique et solidaire, et l’avis de réception de cette demande ;

– les autres pièces des dossiers.

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Vu :
– le traité sur l’Union européenne ;
– la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats

naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
– le règlement (CE) n° 812/2004 du Conseil du 26 avril 2004 établissant des mesures

relatives aux captures accidentelles de cétacés dans les pêcheries et modifiant le règlement (CE) n° 88/98 ;

– le règlement (CE) n°199/2008 du Conseil du 25 février 2008 concernant l’établissement d’un cadre communautaire pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données dans le secteur de la pêche et le soutien aux avis scientifiques sur la politique commune de la pêche ;

– la directive 2008/56/CE du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin ;

– le règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche ;

– le règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques ;

– la décision d’exécution 2016/1251 de la Commission du 12 juillet 2016 adoptant un programme pluriannuel de l’Union pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture pour la période 2017-2019 ;

– le code de l’environnement ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– l’arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le

territoire national et les modalités de leur protection, modifié ;
– l’arrêté du 9 septembre 2019 relatif à la définition du bon état écologique des eaux

marines et aux normes méthodologiques d’évaluation ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020,

modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Duplan,
– les conclusions de M. Gauchard, rapporteur public,
– et les observations de Me Crecent, représentant l’association Sea Shepherd France.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 21 juin 2018, reçu le 25 juin suivant, l’association Sea Shepherd France, dont l’objet social est notamment de promouvoir la conservation et la préservation des mammifères marins, a saisi le ministre de la transition écologique et solidaire d’une demande indemnitaire en réparation des préjudices qu’elle estime subir du fait de la carence de l’Etat dans la protection de ces mammifères sur la côte atlantique. Cette demande étant restée vaine,l’association Sea Shepherd France demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l’Etat à l’indemniser des préjudices qu’elle estime subir à hauteur de la somme totale de 120 000 euros au titre des années 2014 à 2019.

N° 1901535 5 Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. D’une part, aux termes de l’article 2 de la directive 92/43/CEE susvisée du 21 mai 1992, dite directive « Habitats » : « 1. La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique. / 2. Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. (…) ». L’article 3 de cette directive prévoit l’institution par les Etats membres de zones spéciales de conservation dans les sites abritant les habitats des espèces d’intérêt communautaire mentionnées sur une liste figurant à l’annexe II de cette directive, parmi lesquelles figurent le Tursiops truncatus (grand dauphin) et le Phocoena (marsouin commun). L’article 1er de cette directive définit une zone spéciale de conservation comme «un site d’importance communautaire désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné ». Cet article définit l’état de conservation d’une espèce comme « l’effet de l’ensemble des influences qui, agissant sur l’espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance de ses populations (…). / « L’état de conservation » sera considéré comme « favorable », lorsque : /- les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient / et / – l’aire de répartition naturelle de l’espèce ne diminue ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible / et / – il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme ». Aux termes de l’article 6 de la même directive qui définit le régime applicable à ces zones en vue d’assurer la conservation des espèces qui ont justifié leur délimitation, l’ensemble de ces zones constituant un réseau écologique européen cohérent, dénommé « Natura 2000 » : « 1. Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques (…) des espèces de l’annexe II présents sur les sites. / 2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive. / 3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. / 4. Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées. / Lorsque le site concerné est un

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site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. ».

3. Aux termes de l’article L. 414-1 du code de l’environnement qui transpose les dispositions de l’article 6 de la directive « Habitats » du 21 mai 1992 précitée : « I.- Les zones spéciales de conservation sont des sites marins et terrestres à protéger comprenant : / (…) des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; (…) / IV.- Les sites désignés comme zones spéciales de conservation (…) pardécision de l’autorité administrative concourent, sous l’appellation commune de  » sites Natura 2000 « , à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V.- Les sites Natura 2000 font l’objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. / (…) Elles tiennent compte des exigences économiques, sociales, culturelles et de défense, ainsi que des particularités régionales et locales. Elles sont adaptées aux menaces spécifiques qui pèsent sur ces habitats naturels et sur ces espèces. Elles ne conduisent pas à interdire les activités humaines dès lors qu’elles n’ont pas d’effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces. (…) ». Aux termes des dispositions du II bis de l’article L. 414-4 de code : « Les activités de pêche maritime professionnelle s’exerçant dans le périmètre d’un ou de plusieurs sites Natura 2000 font l’objet d’analyses des risques d’atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000, réalisées à l’échelle de chaque site, lors de l’élaboration ou de la révision des documents d’objectifs mentionnés à l’article L. 414-2. Lorsqu’un tel risque est identifié, l’autorité administrative prend les mesures réglementaires pour assurer que ces activités ne portent pas atteinte aux objectifs de conservation du site, dans le respect des règles de la politique commune de la pêche maritime. Ces activités sont alors dispensées d’évaluation d’incidences sur les sites Natura 2000. ».

4. D’autre part, l’article 12 de la directive « Habitats » du 21 mai 1992 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire, figurant à l’annexe IV, parmi lesquelles figurent toutes les espèces de Cetacea (cétacés), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant notamment « toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature », « la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance » et « la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos », et d’interdire pour ces espèces « la détention, le transport, le commerce ou l’échange et l’offre aux fins de vente ou d’échange de spécimens prélevés dans la nature, à l’exception de ceux qui auraient été prélevés légalement avant la mise en application de la [cette] directive», ces interdictions s’appliquant «à tous les stades de la vie des animaux ». Enfin, le paragraphe 4 de cet article dispose : « Les États membres instaurent un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales (…). Sur la base des informations recueillies, les États membres entreprennent les nouvelles recherches ou prennent les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n’aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question. ».

5. Aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement : « I.- Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique,

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d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° (…), la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (…) 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; (…) ». Aux termes de l’article L. 411-2 de ce code : « I. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi que des sites d’intérêt géologique, (…), ainsi protégés ; (…) ». En vertu des articles R. 411-1 et R. 644-2 de ce code, la liste des espèces animales non domestiques faisant l’objet des interdictions définies par l’article L. 411-1 est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.

6. L’article 2 de l’arrêté du 1er juillet 2011 susvisé, pris en application de ces dispositions, prévoit que, pour les espèces de cétacés, parmi lesquelles, le grand dauphin (Tursiops truncatus), le dauphin commun à bec court (Delphinus delphis) et le marsouin commun (Phocoena), « sont interdits sur le territoire national, et dans les eaux marines sous souveraineté et sous juridiction, et en tout temps : / I.- La destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement intentionnels incluant les prélèvements biologiques, la perturbation intentionnelle incluant la poursuite ou le harcèlement des animaux dans le milieu naturel. / II.- La destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation compromette la conservation de l’espèce en remettant en cause le bon accomplissement des cycles biologiques. / III.- La détention, le transport, la naturalisation, le colportage, la mise en vente, la vente ou l’achat, l’utilisation commerciale ou non des spécimens de mammifères marins prélevés dans le milieu naturel : /- du territoire national, et dans les eaux marines sous souveraineté et sous juridiction après le 1er octobre 1995 ; / – du territoire européen, et dans les eaux marines sous souveraineté et sous juridiction des autres Etats membres de l’Union européenne, après la date d’entrée en vigueur de la directive du 21 mai 1992 susvisée. / L’interdiction de capture intentionnelle ne s’applique pas à la capture accidentelle dans les engins de pêche au sens du règlement (CE) n° 812/2004 susvisé. ». Aux termes de l’article 4 de cet arrêté, dans sa rédaction initiale : « A partir du 1er janvier 2012 et à des fins de connaissance, tout spécimen de cétacé (…) capturé accidentellement dans un engin de pêche doit faire l’objet d’une déclaration dès lors qu’un organisme a été désigné par les administrations compétentes dans le but de contribuer aux programmes de recherches scientifiques conduits sur les mammifères marins. ». Aux termes du même article, dans sa rédaction actuellement en vigueur, issue de l’arrêté du 6 septembre 2018 : « A des fins de connaissance scientifique, tout spécimen de mammifère marin capturé accidentellement dans un engin de pêche doit faire l’objet d’une déclaration par les capitaines de navires de pêches dans le journal de pêche électronique, dans les journaux de pêche papier ainsi que dans les fiches de pêche papier. L’utilisation de ces données à des fins de connaissance scientifique est réalisée dans un format ne permettant pas d’identifier la personne physique ou morale. Cette obligation s’applique conformément aux dates limites de début de transmission des données officielles au format ERS en version 3, définies par l’arrêté du 28 juillet 2017 modifié fixant les règles d’emport et d’utilisation des équipements d’enregistrement et de communication électroniques des données relatives aux activités de pêche professionnelle au format ERS en version 3, à bord des navires sous pavillon français, ainsi que des navires sous pavillon étranger qui se trouvent dans les eaux sous juridiction française. ».

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7. En outre, le règlement (CE) n° 812/2004 du Conseil du 26 avril 2004 établissant des mesures relatives aux captures accidentelles de cétacés dans les pêcheries, alors en vigueur, établit des mesures visant à réduire le volume des captures accidentelles de cétacés par des navires de pêche opérant dans les zones définies par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), dites « zones CIEM », dont la sous-zone CIEM VIII et les divisions CIEM VIII a, b et c, couvrant la façade atlantique, en particulier le golfe de Gascogne. L’article 4 de ce règlement impose aux Etats membres de concevoir et de mettre en œuvre « des programmes permettant de surveiller les captures accidentelles de cétacés grâce à la présence d’observateurs à bord des navires battant leur pavillon et d’une longueur hors tout supérieure ou égale à 15 mètres, en ce qui concerne les pêcheries et dans les conditions définies à l’annexe III », ces programmes de surveillance étant « conçus de manière à fournir des données représentatives sur les pêcheries concernées », et de prendre « les dispositions nécessaires pour recueillir des données scientifiques sur les captures accidentelles de cétacés par des navires d’une longueur hors tout inférieure à 15 mètres opérant dans les pêcheries définies à l’annexe III, point 3, au moyen d’études scientifiques ou de projets pilotes appropriés ». Le point 1 de l’annexe III de ce règlement, relatif aux obligations générales de surveillance, précise que : « Des programmes de surveillance sont conçus sur une base annuelle et établis pour étudier de façon représentative les captures accessoires de cétacés dans les pêcheries définies dans le tableau figurant au point 3 ci-après. / Il faut conférer un caractère suffisamment représentatif aux programmes de surveillance en répartissant de manière adéquate les observateurs entre les flottes et les zones de pêche et du point de vue temporel. / En règle générale, les programmes de surveillance sont fondés sur une stratégie d’échantillonnage destinée à permettre l’estimation des taux de captures accessoires de cétacés pour les espèces faisant le plus fréquemment l’objet des captures accessoires pour chaque effort unitaire d’une flotte donnée, afin de parvenir à un coefficient de variation n’excédant pas 0,30. La stratégie d’échantillonnage est conçue sur la base des informations existantes concernant la variabilité des observations précédentes relatives aux captures accessoires. ». Le point 3 de la même annexe précise que, pour la sous-zone CIEM VIII et les divisions CIEM VIII a, b et c, couvrant la façade atlantique, l’obligation concerne les chaluts pélagiques (simples et doubles) et les filets maillants de fond ou filets emmêlants utilisant des mailles d’une dimension égale ou supérieure à 80 mm, à compter du 1er janvier 2005, et les chaluts à grande ouverture, à compter du 1er janvier 2006. L’article 5 de ce règlement impose aux Etats membres de désigner des observateurs indépendants et disposant d’une expérience et des qualifications précisées dans cet article, ayant pour tâche « de surveiller les captures accidentelles de cétacés et de collecter les données nécessaires pour extrapoler à l’ensemble de la pêcherie concernée les captures accessoires observées », notamment « de surveiller les opérations de pêche des navires concernés et d’enregistrer les données pertinentes sur l’effort de pêche (caractéristiques de l’engin de pêche, lieu des activités de pêche, dates auxquelles celles-ci ont effectivement commencé et pris fin) » et « de surveiller les captures accidentelles de cétacés». Ces observateurs peuvent également «être chargés d’effectuer d’autres observations définies par les États membres, afin de contribuer à améliorer les connaissances scientifiques relatives à la composition des prises des navires concernés et à l’état biologique des ressources halieutiques». Aux termes du paragraphe 3 de cet article : « L’observateur envoie aux autorités compétentes de l’État membre du pavillon concerné un rapport où figurent toutes les données collectées sur l’effort de pêche et toutes les observations relatives aux captures accidentelles de cétacés, y compris un résumé de ses principales constatations. / Le rapport contient notamment les informations suivantes se rapportant à la période considérée : / a) l’identité du navire ; / b) le nom de l’observateur et la période pendant laquelle il était à bord ; / c) le type de pêche concerné (y compris les caractéristiques de l’engin, les zones définies conformément aux annexes I et III et les espèces cibles) ; / d) la durée de la sortie en mer et de l’effort de pêche correspondant (exprimée en longueur totale du filet multipliée par le nombre d’heures de pêche pour un engin passif, et en

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nombre d’heures de pêche pour un engin remorqué) ; e) le nombre de cétacés ayant fait l’objet de captures accidentelles, y compris les espèces et, si possible, des informations supplémentaires sur la taille ou le poids, le sexe, l’âge et, le cas échéant, des indications sur les animaux perdus pendant le remorquage de l’engin ou rejetés vivants à la mer ; / f) toute information supplémentaire que l’observateur juge utile pour les objectifs du présent règlement, ou toute observation supplémentaire sur la biologie des cétacés (repérages de cétacés ou comportement particulier lié à l’opération de pêche). (…) ». Enfin, l’article 6 de ce règlement impose aux États membres de transmettre chaque année à la Commission, au plus tard le 1er juin, un rapport annuel complet sur l’application des articles précités pendant l’année précédente. Ce rapport annuel contient, sur la base des rapports des observateurs et de toutes les autres données appropriées, « des estimations de l’ensemble des captures accidentelles de cétacés dans chacune des pêcheries concernées », « une analyse des conclusions formulées dans les rapports des observateurs et toutes autres informations utiles, y compris toutes les recherches menées dans les États membres pour réduire les captures accidentelles de cétacés dans les pêcheries », les États membres devant s’assurer que l’élaboration et la mise en œuvre de ces études ou projets respectent des normes de qualité suffisamment élevées sur lesquelles ils fournissent à la Commission des informations détaillées.

8. Enfin, l’article 2 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du

Conseil du 11 décembre 2013 susvisé, prévoit que la politique commune de la pêche « met en

œuvre l’approche écosystémique de la gestion des pêches afin de faire en sorte que les

incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin soient réduites au minimum »

et « vise en particulier à (…) éliminer progressivement les rejets au cas par cas compte tenu des

meilleurs avis scientifiques disponibles, en évitant et en réduisant autant que possible les

captures indésirées et en faisant en sorte progressivement que les captures soient débarquées »

et « être cohérente avec la législation environnementale de l’Union, en particulier eu égard à

l’objectif visant à réaliser un bon état écologique au plus tard en 2020, comme prévu à l’article er

1 , paragraphe l, de la directive 2008/56/CE, ainsi qu’avec d’autres politiques de l’Union ». Aux termes de l’article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime : « La politique des pêches maritimes, (…) a pour objectifs, en conformité avec les principes et les règles de la politique commune des pêches et dans le respect des engagements internationaux : / 1° De permettre d’exploiter durablement et de valoriser le patrimoine collectif que constituent les ressources halieutiques auxquelles la France accède, tant sur l’estran que dans ses eaux sous juridiction ou souveraineté et dans les autres eaux où elle dispose de droits de pêche en vertu d’accords internationaux ou dans les zones de haute mer, dans le cadre d’une approche écosystémique afin de réduire au minimum les incidences négatives sur l’environnement ; (…) ». Aux termes de l’article 3 du règlement (CE) n°199/2008 du Conseil du 25 février 2008 susvisé, qui, en vertu deson article 15, s’applique à toutes les données collectées, notamment en application du règlement du 26 avril 2004 précité : « 1. Un programme communautaire pluriannuel pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données biologiques, techniques, environnementales et socio- économiques concernant: / a) la pêche commerciale pratiquée par des navires de pêche communautaires (…) / 2. Les programmes communautaires sont établis pour une période de trois ans. (…) ». Aux termes du paragraphe 1 de l’article 14 de ce règlement : « Les États membres sont responsables de la qualité et de l’exhaustivité des données primaires collectées dans le cadre des programmes nationaux, ainsi que des données détaillées et agrégées qui en découlent et qui sont transmises aux utilisateurs finals. ». Le point 3 du programme pluriannuel de l’Union pour la collecte, la gestion et l’utilisation de données dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture pour la période 2017-2019, adopté par la décision d’exécution de la Commission du 12 juillet 2016, qui concerne les données permettant d’évaluer l’incidence des pêcheries de l’Union sur l’écosystème marin dans les eaux de l’Union et en dehors des eaux de l’Union, précise que : « Ces données sont composées (…) : / a) Pour tous les types de pêcheries, les prises

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accessoires accidentelles de tous les oiseaux, mammifères et reptiles et poissons protégés en vertu de la législation de l’Union et d’accords internationaux, y compris les espèces énumérées dans le tableau1D, et y compris leur absence dans la capture, au cours de missions d’observateurs scientifiques sur les navires de pêche ou par les pêcheurs eux-mêmes au moyen des journaux de bord. Lorsque des données collectées lors de missions d’observateurs ne sont pas considérées comme offrant suffisamment d’informations sur les prises accessoires accidentelles pour répondre aux besoins des utilisateurs finaux, d’autres méthodes sont mises en œuvre par les États membres. La sélection de ces méthodes est coordonnée au niveau de la région marine et se fait en fonction des besoins des utilisateurs finaux ; / b) Les données permettant d’évaluer l’incidence de la pêche dans les eaux de l’Union et en dehors des eaux de l’Union sur les habitats marins. (…) ». Le tableau 1D auquel il est renvoyé mentionne notamment toutes les espèces de cétacés dans l’ensemble des régions de pêche.

9. Il résulte de la combinaison de l’ensemble des dispositions citées précédemment que le grand dauphin et le marsouin commun constituent des espèces d’intérêt communautaire dont l’habitat doit être protégé dans le cadre de zones spéciales de conservation faisant partie du réseau écologique « Natura 2000 », tenant compte notamment des exigences économiques et ne pouvant conduire à interdire les activités humaines dès lors qu’elles n’ont pas d’effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces. Ces espèces, et plus largement l’ensemble des cétacés, dont le dauphin commun à bec court, doivent par ailleurs faire l’objet de mesures de protection stricte dans leur aire de répartition naturelle, consistant notamment à interdire toute forme de destruction, de mutilation, de capture, d’enlèvement ou de mise à mort intentionnels et de toute perturbationintentionnelle de ces espèces incluant la poursuite ou le harcèlement des animaux dans leur milieu naturel, cette interdiction ne s’appliquant pas à la capture accidentelle dans les engins de pêche.

10. Il incombe également à l’autorité administrative de mettre en œuvre un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles, sous la forme notamment d’un régime déclaratif, ainsi que, s’agissant en particulier des zones de pêche de la façade atlantique, des programmes de surveillance scientifique des captures accidentelles de cétacés grâce à la présence d’observateurs à bord des navires, présentant des garanties d’indépendance et des compétences requises, cette obligation s’appliquant, dans les zones en question, à compter du 1er janvier 2005 pour les chaluts pélagiques et les filets maillants de fond ou filets emmêlants utilisant des mailles d’une dimension égale ou supérieure à 80 mm, et à compter du 1er janvier 2006 pour les chaluts à grande ouverture. A cette fin, il appartient à l’autorité administrative de mettre en œuvre une méthode de collecte de données permettant d’évaluer l’incidence des pêcheries sur l’écosystème marin, dont elle doit vérifier la qualité et l’exhaustivité. Enfin, sur la base des informations recueillies, l’autorité administrative doit entreprendre de nouvelles recherches ou prendre les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n’aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question.

En ce qui concerne la responsabilité de l’Etat :

11. Il résulte de l’instruction, en particulier des données du système d’observation pour la conservation des mammifères et oiseaux marins, dit « observatoire Pelagis », lequel coordonne le programme « réseau national d’échouage » (RNE) depuis les années 1970, sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, que des épisodes d’échouage de plus d’une centaine de cétacés, essentiellement de dauphins communs, et, dans une moindre mesure, de grands dauphins et de marsouins communs, très supérieurs à la norme saisonnière et concentrés sur la période hivernale, sont régulièrement constatés depuis les années 1990, sur la

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façade atlantique, soit en moyenne plus de 900 par an, et en forte augmentation depuis 2016. Certains de ces animaux portent des traces laissant suggérer des captures par engins de pêche. L’association Sea Shepherd France qui estime que ces épisodes de surmortalité sont liés à la carence de l’Etat dans la mise en œuvre de ses obligations découlant notamment des textes précités issus du droit de l’Union européenne et des mesures nationales en matière de protectiondes mammifères marins et de contrôle des activités de pêcheries, soutient que la responsabilité de l’autorité administrative est engagée.

12. Il résulte de l’instruction que, si les cétacés sont classés parmi les espèces animales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte depuis la directive « Habitats » du 21 mai 1992, laquelle devait être transposée au plus tard le 10 juin 1994, ce n’est qu’à partir de 2011 que le grand dauphin, le dauphin commun à bec court et le marsouin commun ont été inscrits par dans la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national. Si les autorités françaises ont également mis en place à ce jour le «système de protection stricte » exigé par l’article 12 de la directive du 21 mai 1992, transposé par les dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement et celles, citées au point 6, de l’arrêté du 1er juillet 2011, il résulte de l’instruction que, à la suite du constat en 2014 par la Commission européenne, de l’insuffisance des désignations de sites dans les eaux sous juridiction française au-delà des eaux territoriales, de nouvelles zones de protection ont dû être créées, à partir de 2017 seulement, en particulier sur la façade maritime sud-atlantique, tel le site «Mers celtiques – Talus du golfe de Gascogne», reconnu comme site d’importance communautaire en décembre 2018 et qui n’est pas encore désigné comme « zone spéciale de conservation » au sens de cette directive.

13. Il est constant que, nonobstant le régime de protection institué à partir de 2011, l’état de conservation des espèces de cétacés en question n’a pas retrouvé un caractère favorable au sens de l’article 1er de la directive du 21 mai 1992, celui-ci étant qualifié, selon l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN), institué par l’article L. 411-1 A du code del’environnement, de « défavorable mauvais » s’agissant du dauphin commun et du marsouin commun dans la région atlantique, et de « défavorable inadéquat » s’agissant du grand dauphin, dans cette même région. A cet égard, si le ministre fait valoir que l’Etat a défini, parmi les critères et normes méthodologiques d’évaluation de l’atteinte du bon état écologique concernant le milieu marin, un critère D1C1, relatif au « taux de mortalité par espèce dû aux captures accidentelles inférieur au niveau susceptible de constituer une menace pour l’espèce, de sorte que la viabilité à long terme de celle-ci est assurée » qui s’applique notamment aux petits cétacés dans le golfe de Gascogne, et s’est fixé un objectif ambitieux d’un taux inférieur à 1%, ce critère d’évaluation, posé par l’arrêté du 9 septembre 2019 susvisé, concerne la définition du bon état écologique des eaux marines au sens de l’article L. 219-9 du code de l’environnement, transposant la directive 2008/56/CE du 17 juin 2008, dite « directive-cadre stratégie pour le milieu marin » et telle que rappelée par les dispositions, citées au point 8, du règlement du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, et non celle du bon état de conservation des espèces de mammifères marins protégées, au sens de la directive « Habitats » du 21 mai 1992, ce bon état écologique du milieu marin devant, selon les régions maritimes, être réalisé ou maintenu, au plus tard en 2020. En outre, si la directive précitée du 17 juin 2008 fixe, parmi les critères de « pressions et impacts » des perturbations biologiques dues aux activités humaines, l’« extraction sélective d’espèces, y compris les prises accidentelles et accessoires (due à la pêche commerciale et récréative par exemple) » pour évaluer le bon état écologique du milieu marin, lequel indicateur a été intégré dans les documents stratégiques de façades adoptés par les préfets coordinateurs, cet indicateur est complémentaire et non exclusif de l’obligation pour l’Etat, posée par l’article 12 de la directive du 21 mai 1992, d’instaurer un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales.

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14. Il résulte de l’instruction que le golfe de Gascogne, dont le plateau de Rochebonne, et plus largement la façade atlantique, connaissent une activité importante de pêche professionnelle, notamment par des chalutiers pélagiques pêchant selon la pratique dite « en bœuf » et des chalutiers industriels à grande ouverture verticale, ciblant spécifiquement le bar dont les études ont mis en évidence un régime alimentaire comparable à celui des dauphins communs, et dont les principales zones de capture se situent près des côtes de Charente-Maritime et de Vendée et à proximité du talus continental du golfe de Gascogne. Dans ce dernier secteur, exclusivement marin, qui a été désigné « site Natura 2000 », en tant que « zone de protection spéciale », en application non pas de la directive « Habitats » du 21 mai 1992, mais de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, se concentrent, en raison de conditions hydrologiques particulières, des marsouins, essentiellement en été, dans la partie nord, et des grands dauphins, toute l’année, le long du talus, particulièrement dans sa partie centrale.

15. Il ressort du rapport d’activité 2017 de l’observatoire Pelagis précité, que 1 642 cétacés, dont 800 dauphins ont été retrouvés morts échoués sur la côte atlantique au cours de l’année 2017, et près de 500 sur les seules côtes de Vendée et de Charente-Maritime. Il ressort de la note de synthèse publiée par cet observatoire en mars 2017, qu’une grande majorité des dauphins échoués portait des traces d’une capture accidentelle dans un engin de pêche, causées « soit directement par les engins de pêches (traces de maillages), soit par la manipulation des animaux lors de leur remontée à bord des navires (fractures, amputations antérieures à l’échouage) », les investigations complémentaires menées sur 134 animaux ayant permis de confirmer, dans près de 90% des cas, cette cause de la mort. Selon les données de ce même observatoire, 1 383 échouages de cétacés ont été recensés en 2018, principalement des dauphins communs, lesquels présentaient, dans plus de 80% des cas, sur la période entre janvier et avril, un état de décomposition peu avancé et des lésions compatibles avec une mort par capture accidentelle. Sur le début de l’année 2019, selon les données fournies par l’observatoire dans le cadre du groupe de travail national sur les captures accidentelles en Atlantique, mis en place parle ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 1 233 échouages de petits cétacés, dont plus 70% de dauphins communs, ont été enregistrés, le taux de captures accidentelles par engin de pêche étant estimé à 85%. Il ressort enfin des études produites par l’association requérante, non sérieusement contestées, que seulement près de 20% des dauphins morts par capture accidentelle s’échouent sur les côtes, les autres animaux tués se décomposant en mer. A partir des échouages constatés, les captures accidentelles ont été estimées entre 2 000 à 8 000 animaux par an entre 2000 et 2009 sur la façade atlantique. Au cours des hivers 2017 et 2018, entre 3 500 et 4 000 dauphins communs seraient morts en mer par capture accidentelle uniquement dans le golfe de Gascogne, et jusqu’à 10 000 selon les estimations hautes de l’observatoire Pelagis. Si le ministre fait valoir qu’aucune des données scientifiques disponibles à ce jour ne permet toutefois d’établir un lien avéré entre les mortalités des cétacés et un type de pêcherie en particulier, il reconnaît qu’il existe au moins une corrélation spatiale entre les activités de certaines pêcheries et la population de dauphins communs.

16. En premier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 4, que les Etats membres devaient instaurer un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales protégées au plus tard le 10 juin 1994, date d’expiration du délai de transposition de la directive « Habitats ». Or il n’est pas contesté que l’organisme, prévu à l’article 4 de l’arrêté précité du 1er juillet 2011, auprès duquel devait être déclaré à compter du 1er janvier 2012, tout spécimen de cétacé capturé accidentellement dans un engin de pêche à des fins de connaissance, n’a jamais été désigné, un système de déclaration obligatoire par les professionnels de pêche, n’ayant finalement été mis en place qu’à compter du 1er janvier

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2019. Au 30 avril 2019, seulement trois déclarations de captures accidentelles avaient été enregistrées, concernant quatre individus de dauphin commun. Il ressort certes des éléments produits par le ministre que, depuis 2018, des actions visant à rendre effective cette obligation déclarative ont été mises en œuvre par les services de l’Etat, lesquels ont notamment édité, en novembre 2018, un «guide d’aide à la déclaration des captures accidentelles et à lareconnaissance des mammifères marins ». Ainsi, les préfets coordinateurs des façades maritimes, notamment celle du sud-Atlantique, ont intégré, dans leur plan de contrôle et de surveillance de l’environnement marin, un objectif de contrôle de ces déclarations, dont le non-respect est puni d’une amende prévue par l’article L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime, et ont adopté, le 23 juillet 2018, une « stratégie de contrôle et de surveillance de l’environnement marin », afin de coordonner les différents services de contrôle intervenant en mer. Il ressort toutefois du compte-rendu du comité de pilotage sur le contrôle des pêches dans le sud-Atlantique, du 20 mars 2019, produit en défense, que si le nombre des inspections a progressé en 2018, des disparités demeurent selon les secteurs, le nombre de contrôle en mer dans le sud du golfe de Gascogne étant jugé déficitaire.

17. En deuxième lieu, l’association requérante reproche à l’autorité administrative de ne pas avoir mis en place un régime d’autorisation des activités de pêche, comme le permet l’article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime, et relève, par exemple, que le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a autorisé la pêche au chalut pélagique du 1er décembre 2017 au 31 janvier 2018 sur le plateau de Rochebonne après avoir estimé que les incidences de cette pratique de pêche sur les captures accidentelles de cétacés et sur celles relatives à l’habitat de type récifal étaient compatibles avec les objectifs de conservation de ce site définis par la directive « Habitats » du 21 mai 1992. Il résulte de l’instruction que les services du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation ont adopté, le 5 août 2019, une « note technique relative à la prise en compte des activités de pêche maritime professionnelle pour la gestion des sites Natura 2000 », qui définit une méthode d’analyse des risque d’atteinte aux objectifs de conservation de ces sites, prévue par l’article L. 414-4 et suivants du code de l’environnement, liés en particulier aux activités de pêche maritime professionnelle. Si cette analyse prévoit qu’en cas de risque fort ou modéré, des mesures réglementaires peuvent être adoptées, telles que l’encadrement de la pratique de la pêche, tenant compte des spécificités locales, et pouvant aller jusqu’à la mise en place de mesures d’autorisation, il ressort des écritures en défense qu’une méthode similaire d’analyse des risques sur les espèces d’intérêt communautaire, dont font partie les cétacés, qui est encore en cours d’élaboration, sera d’abord menée à l’échelle des façades maritimes, et dont les résultats ne seront intégrés dans les plans d’action des documents stratégiques de façade qu’en 2021.

18. En dernier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 7, du règlement du 26 avril 2004 alors en vigueur, que les autorités françaises devaient mettre en œuvre, dès le 1er janvier 2005 ou le 1er janvier 2006, selon le type de navires, dans les zones de pêche couvrant la façade atlantique, un programme de surveillance des captures accidentelles de cétacés grâce à la présence d’observateurs à bord. Ce système a été mis en place en 2009 au niveau national par les services de la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, en lien avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), dans le cadre de l’observatoire des ressources et usages halieutiques, une action d’observation à bord des navires de pêche, dite « OBSMER », consistant en la collecte de données de capture à bord des navires de pêche commerciaux.

19. Si le règlement du 26 avril 2004 prévoit que ce programme de surveillance doit être conçu pour étudier de façon représentative les captures accessoires de cétacés dans les pêcheries concernées, il ressort des éléments produits par l’association requérante que les

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données recueillies par l’observatoire OBSMER s’avèrent insuffisantes et ne reflètent pas la mortalité réellement constatée due aux captures accidentelles, ainsi qu’il a été dit a point 15. Le niveau des données concernant l’état de l’espèce du grand dauphin est ainsi jugé médiocre par l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Si l’observatoire Pelagis indique, dans sa note d’analyse publiée en mars 2018, que les « informations manquent toujours (…) pour évaluer réellement l’impact de cette mortalité », et qu’« une diminution d’abondance de cétacés ne peut être mise en évidence avec certitude que lorsque cette diminution est drastique », il ressort des études scientifiques produites par l’association requérante que les estimations de mortalité fournies par les échouages de dauphins communs et de marsouins communs indiquent, en tout état de cause, une mortalité de l’ordre de 1,7% supérieure au seuil soutenable pour la population, estimé à 1% par différents accords internationaux, notamment l’accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, du nord-est de l’Atlantique et des mers d’Irlande et du Nord (dit ASCOBANS), publié sous le décret n° 2006-53 du 16 janvier 2006, l’observatoire estimant quant à lui que « le taux de mortalité additionnel observé chaque année dans le golfe de Gascogne pourrait ne pas être soutenable à terme pour la population de dauphins communs », « pour ces espèces à faible fécondité, (…) et ayant une faible capacité à se rétablir ».

20. Le ministre qui produit un rapport trimestriel 2018 de l’observatoire OBSMER, fait valoir que le nombre d’engins dotés d’observateurs a été significativement augmenté afin d’améliorer la connaissance sur les interactions entre la flottille des chalutiers pélagiques « en paire » et les populations de mammifères marins, le nombre de navires concernés ayant été multipliés par trois à compter du 1er décembre 2018, représentant un taux d’observation du nombre de jours d’activité de pêche observés de 28%, et que les animaux rejetés en mer sont par ailleurs désormais bagués afin de préciser le taux d’échouage. Si le ministre fait également valoir que, grâce à l’ensemble des données recueillies auprès du Centre d’appui au contrôle pour l’environnement marin (CACEM), les chalutiers pélagiques en paire du golfe de Gascogne sont désormais équipés, depuis le 1er décembre 2018, de répulsifs acoustiques de type « pingers » pour diminuer les prises accidentelles de cétacés, un tel dispositif qui n’est certes pas rendu obligatoire par le règlement du 26 avril 2004, relève d’une simple initiative des professionnels de pêche, et alors que certaines études scientifiques estiment au contraire que ce dispositif présente un effet pervers de harcèlement compte-tenu du niveau de décibel émis. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a finalement, par arrêté du 26 décembre 2019, imposé aux navires français d’une longueur de plus de douze mètres, pour la campagne de pêche 2019-2020, l’installation de dispositifs acoustiques à l’ensemble des chaluts pélagiques dans le golfe de Gascogne. Si cette mesure qui, selon les premiers résultats des études auxquelles participent d’ailleurs l’observatoire Pelagis, aurait permis une diminution de 65% des captures accidentelles, sans diminution de la capture des espèces économiquement ciblées, entre le 1er janvier et le 30 avril de chaque année, il n’est pas contesté que ce dispositif n’est pas adapté à toutes les techniques de pêche, par exemple en cas d’utilisation de filets maillants. Un projet de « limitation des captures accidentelles de dauphins communs en golfe de Gascogne – test d’efficacité », dit projet « LICARDO », mis en œuvre depuis le 1er juin 2019, doit ainsi perfectionner les répulsifs acoustiques pour le chalut pélagique déjà mis en œuvre pour cette flottille et développer de nouveaux moyens d’éloignement des dauphins communs pour chaque type d’engin de pêche.

21. Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que les autorités françaises doivent être regardées comme ayant tardé à mettre en œuvre des actions concrètes au regard du constat d’épisodes récurrents, depuis les années 1990, accentués depuis 2016, de surmortalité de cétacés sur la façade atlantique, en particulier dans le golfe de Gascogne. Ce retard constitue une carence de l’Etat dans le respect de ses obligations découlant du droit de l’Union européenne, en particulier son obligation de protection des cétacés et de contrôle des activités de pêcherie. Dans

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ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’association Sea Shepherd France est fondée à soutenir que cette carence constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

En ce qui concerne les préjudices :

22. Aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement : « Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. (…) ». Ces dispositions ne dispensent pas l’association qui sollicite la réparation d’un préjudice, notamment moral, causé par les conséquences dommageables d’une carence fautive de l’autorité administrative de démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain résultant, pour elle, de la faute commise par l’Etat.

23. En l’espèce, l’association Sea Shepherd France a notamment pour objet, selon ses statuts, « de promouvoir la conservation et la préservation de organismes vivants, notamment mais non exclusivement aquatiques », « de promouvoir une éthique humaine à l’égard des animaux, notamment mais non exclusivement des mammifères marins, de défendre le droit de générations futures à un environnement sain », et « de défendre et représenter y compris en justice notamment les victimes directes ou indirectes des atteintes environnementales et/ou animales », « plus particulièrement obtenir, au besoin, par une action en justice devant toute juridiction compétente en la matière (…) une stricte application des lois et des règlements ayant trait à la défense des différences espèces animales ou végétales, quel que soit leur statut juridique ou de conservation » et « la défense de leurs milieux et la garantie de la stricte application des lois et des règlement ayant trait à la faune ou à la flore ainsi que les écosystèmes dont elles dépendent ». L’association Sea Shepherd, créée en 1977, est investie de longue date et de manière active dans la préservation des mammifères marins et la protection des océans. L’association mène ainsi chaque hiver, depuis plusieurs années, des campagnes en mer, dites « Dolphin Bycatch », notamment sur le plateau de Rochebonne, consistant à filmer les remontées des filets de chaluts afin d’alerter l’opinion publique sur le sort des mammifères marins et l’existence des captures liées à l’usage d’engins de pêche non sélective, qui connaissent une certaine audience dans les médias. L’association requérante produit notamment plusieurs factures concernant les frais d’entretien de ses navires lui permettant de mener ses campagnes en mer et la taxe de francisation et de navigation qu’elle acquitte. Ainsi, eu égard à son objet, à son ancienneté, et à l’importance des actions menées, la faute commise par l’Etat a porté atteinte aux intérêts collectifs que défend cette association et lui a causé un préjudice moral certain, direct et personnel, dont elle est fondée à demander réparation pour la période allant de 2014 à 2019. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui accordant une indemnité d’un montant de 6 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

24. L’association Sea Shepherd France a droit aux intérêts sur la somme de 6 000 euros à compter de la date d’enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, le 25 octobre 2018, avant son renvoi au tribunal administratif de Paris.

25. La capitalisation des intérêts a été demandée le 25 octobre 2018. En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 octobre 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

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Sur les conclusions à fin d’injonction :

26. D’une part, aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même

décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. (…) ».

27. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d’un préjudice imputable à un comportement fautif d’une personne publique et qu’il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets.

28. D’autre part, le règlement précité n° 812/2004 du 26 avril 2004 a été abrogé par le règlement (UE) 2019/1241 susvisé du 20 juin 2019 qui établit des mesures techniques concernant la capture et le débarquement des ressources biologiques de la mer, l’exploitation d’engins de pêche et l’interaction entre les activités de pêche et les écosystèmes marins, lequel est entré en vigueur le 14 août 2019. En vertu de l’article 2 de ce règlement, ces mesures visentnotamment à « veiller à ce que les captures accidentelles d’espèces marines sensibles, y compris celles énumérées dans les directives 92/43/CEE et 2009/147/CE, imputables à la pêche, soient réduites au minimum et si possible éliminées de telle sorte qu’elles ne représentent pas une menace pour l’état de conservation de ces espèces » et à « veiller, en recourant notamment à des mesures incitatives appropriées, à ce que les incidences environnementales néfastes de la pêche sur les habitats marins soient réduites au minimum ». L’article 11 de ce règlement, relatif notamment à la capture de mammifères marins, prévoit que la capture, la détention à bord, le transbordement ou le débarquement des espèces marines visés aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE « Habitats » du 21 mai 1992 précitée sont interdits et que, lorsqu’elles sont capturées, ces espèces ne doivent pas être blessées et les spécimens capturés sont rapidement relâchés. Cet article prévoit qu’il est cependant permis de détenir à bord, de transborder ou de débarquer des spécimens de ces espèces capturés accidentellement, « pour autant qu’il s’agisse d’une activité nécessaire afin de prêter assistance aux animaux concernés et de permettre des activités de recherche scientifique sur les spécimens tués accidentellement, à condition que les autorités nationales compétentes en aient été dûment informées au préalable, le plus tôt possibleaprès la capture et dans le respect du droit de l’Union applicable ». Le paragraphe 4 de cet article prévoit que : « Sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles, l’État membre peut, pour les navires battant son pavillon, mettre en place des mesures d’atténuation ou des restrictions relatives à l’utilisation de certains engins de pêche. Ces mesures réduisent au minimum et, si possible, éliminent les captures des espèces (…) et sont au moins aussi strictes que les mesures techniques applicables en vertu du droit de l’Union. ». Enfin, le paragraphe 5 de cet article prévoit que ces mesures visent à atteindre l’objectif spécifique établi à l’article 4, paragraphe 1, point b), à savoir veiller à ce que « les captures accidentelles de mammifères marins (…) ne dépassent pas les niveaux prévus dans la législation de l’Union et les accords internationaux qui lient l’Union ».

29. L’association Sea Shepherd France demande à ce qu’il soit enjoint à l’autorité administrative de mettre en œuvre des mesures visant à maintenir la population de mammifères marins dans un état de conservation favorable, en particulier de limiter les activités de pêche durant les périodes de reproduction du bar, et d’interdire la pêche sur la zone « Natura 2000 » située dans le golfe de Gascogne, notamment sur le plateau de Rochebonne. Toutefois, compte

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tenu, d’une part, des nouvelles obligations, découlant du règlement précité du 20 juin 2019, pesant sur les autorités françaises, depuis le 14 août 2019, en matière de capture de mammifères marins, d’autre part, des actions, évoquées aux points 17 et 20, déjà engagées par ces autorités sur la base de ce nouveau règlement, et enfin, des éléments produits par la requérante avant la clôture de l’instruction, le présent jugement n’implique aucune mesure particulière d’exécution. Les conclusions à fin d’injonction de l’association Sea Sheperd France doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à verser à l’association Sea Shepherd France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C ID E :

Article 1er : L’Etat est condamné à payer à l’association Sea Shepherd France la somme de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2018. Les intérêts échus à la date du 25 octobre 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L’Etat versera à l’association Sea Shepherd France la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’association Sea Shepherd France et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

 

 

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