ATTENTION MISE À JOUR DANS CETTE AFFAIRE : LA CAA DE LYON A INVALIDÉ CETTE POSITION DU TA. Elle a estimé que le département pouvait se retourner, en action récursoire, contre l’Etat en cas de « carence […] avérée et prolongée, c’est-à-dire lorsqu’elle dépasse un mois à compter de la demande de la famille ou de son éviction d’un dispositif d’hébergement social de l’Etat. »
Le département du Puy-de-Dôme prend en charge l’hébergement de familles en grande précarité.
Puis ce département demande indemnisation à l’Etat, estimant que cet hébergement résultait de la carence de celui-ci.
En fait un tel cas avait déjà été tranché par le Conseil d’Etat en 2016, lequel avait posé :
« qu’il résulte des dispositions précitées des articles L. 121-7 et L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles que sont en principe à la charge de l’Etat les mesures d’aide sociale relatives à l’hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l’exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu’elles sont sans domicile, d’un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l’aide sociale à l’enfance en vertu de l’article L. 222-5 du même code ; que, toutefois, cette compétence de l’Etat n’exclut pas l’intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exigent, par des aides financières versées en application de l’article L. 222-3 précité du code de l’action sociale et des familles ; que, dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l’Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l’octroi ou le maintien d’une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu’il incombe en principe à l’Etat d’assurer leur hébergement ; que lorsque, comme dans le cas d’espèce soumis aux juges du fond, un département a pris en charge, en urgence, les frais d’hébergement à l’hôtel d’une famille avec enfants, il ne peut, alors même qu’il appartient en principe à l’Etat de pourvoir à l’hébergement de cette famille, décider de cesser le versement de son aide sans avoir examiné la situation particulière de cette famille et s’être assuré que, en l’absence de mise en place, par l’Etat, de mesures d’hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation, au sens des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles ; qu’il en résulte que la cour a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit ni d’insuffisance de motivation, juger que le refus opposé à Mme A…était illégal dès lors qu’il était motivé par la seule compétence de principe de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence, sans qu’ait été prise en considération la situation des trois enfants mineurs de l’intéressée ; »
Voir surtout CE, 30 mars 2016, Département de Seine-St-Denis, n° 382437.
Bref :
Face à la question posée par le département du Puy-de-Dôme, le rapporteur public du TA de Clermont-Ferrand, M. Philippe Chacot (voir ici ses intéressantes conclusions) a posé que :
« l’hébergement d’urgence relève de la responsabilité première (principale) de l’Etat.
Mais cette compétence est également partagée avec le département qui a la charge, notamment, de l’hébergement d’urgence, en vertu de sa compétence en matière d’aide sociale qu’il tient des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles et qui concernent les femmes enceintes, les mères isolées avec de jeunes enfants, ainsi que les mineurs et jeunes majeurs isolés.Par ailleurs, toujours en vertu des dispositions du code de l’action sociale et des familles (L. 121-3 et L. 121-4 du code), le département peut intervenir en matière d’hébergement d’urgence, dans les conditions qu’il a lui-même définies dans son règlement départemental d’aide sociale.
[…]
Nous précisons enfin que les obligations de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence, résultant de l’article L. 121-7 du code de l’action sociale et des familles sont des obligations de moyens et non de résultats ainsi que cela a été jugé par la Haute juridiction.
– CE 12mars2019,OFIIc/M.F.etMmeA.n428031et428294
Or, en l’espèce le département ne démontre pas la carence de l’action de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence. En effet il ne suffit pas d’arguer que le département a pris en charge un certain nombre de familles pour qu’on en déduise nécessairement et automatiquement une carence de l’Etat. »
« […] Dans ces conditions vous ne pourrez que constater que le département, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas la carence fautive de l’Etat dans ce dispositif ni pour l’ensemble des 102 familles concernées ni pour chaque famille concernée individuellement. Voir CAA Lyon 26 déc. 2013 ministère des affaires sociales c/ département de l’Isère n° 12LY01493 ; TA de Montreuil 7 déc. 2017 département Seine St Denis n°1608099 C+ »
NB nous conseillons vivement la lecture intégrale de ces conclusions.
Bref, la carence de l’Etat est engageable pour faute simple.. mais il y aura rarement de faute, même simple, tant qu’en ce domaine on en restera à une obligation de moyens et non de résultats.
Voir :
Détails
TA Clermont-Ferrand – Département du Puy-de-Dôme – N° 1700790 – 13 juin 2019 – C+
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