Un élu tweete. Qui est responsable ?

Si maire tweete depuis un compte qui n’est pas identifié comme celui de la mairie, c’est, en termes indemnitaires, sa responsabilité qu’il engage et non celle de la commune… Mais au pénal il en va autrement. Un arrêt de la Cour de cassation, concernant le prétendu tournage d’un “porno soft” ou supposé tel dans les locaux d’une commune, permet de détailler ce point : 

 

Twitter ne cesse de soulever des questions juridiques intéressantes. Par exemple :

 

Une autre question est celle des injures ou diffamations commises sur Twitter.

Au pénal, il n’y a pas de doute sur le fait que la personne morale qui est derrière son clavier et qui a commis une injure et/ou une diffamation, sera responsable devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police (selon que l’infraction est publique ou privée) de ses actes. Voir à ces sujets :

 

Mais en termes indemnitaires ? Qui paye ? La question peut sembler simple :

  • c’est l’élu s’il s’exprime à titre personnel hors de tout lien avec ses fonctions communales (pour résumer à très grands traits une question qui en fait en droit s’avère fort complexe)
  • c’est la commune si c’est la commune qui s’est exprimée par la voix de l’élu

 

Sauf que :

  • 1/ les cas intermédiaires sont légion et peuvent donner lieu à des jeux complexes de cumul de fautes, de faute personnelle non dénuée de tout lien avec le service, d’actions récursoires ensuite d’une condamnation de la personne publique pour des fautes en partie personnelles… sujets passionnants mais complexes (voir cependant ici et ).
  • 2/ surtout, sur Twitter, les maires s’expriment-ils en tant qu’élu ou que personnes physiques ? Ce n’est pas clair… et maintenant qu’il y a moins de cumul des mandats, le lien entre le compte Twitter d’un élu et la collectivité dont il est l’élu sera plus souvent univoque. 

 

C’est dans ce cadre qu’il est intéressant de lire cet arrêt de la Cour de cassation qui pose bien que :

  • sauf mention spéciale de la commune en tant que titulaire du compte, le compte Twitter d’un élu local est supposé relever de la personne physique et non de la personne morale
  • dès lors, une diffamation :
    • commise en séance du conseil municipal relève bien de la faute de service (responsabilité de la commune sur le terrain indemnitaire ; la faute personnelle de l’élu étant jugée non détachable du service)
    • commise sur le compte Twitter de l’élu, si ce compte Twitter n’est pas celui de la commune et n’est pas libellé comme l’étant, engagera la responsabilité indemnitaire personnelle de la personne physique, de cet élu personnellement.

 

Voir ces attendus de cette décision (portant donc sur la condamnation civile retenue par la Cour d’appel et non pas sur le volet pénal en lui-même) :

« Attendu que, pour écarter l’exception d’incompétence invoquée par M. X…, sur le fondement de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, l’arrêt énonce que les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison d’un fait dommageable commis par l’un de leurs agents, et que l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ; que les juges retiennent que la publication des propos diffamatoires sur le compte twitter de M. X…, qui lui est propre, distinct de celui de la mairie d’A. ne relève pas de l’exercice de sa fonction d’élu ; qu’en revanche, s’agissant des propos diffamatoires tenus au cours du conseil municipal, ils l’ont été dans le cadre de l’exercice de la fonction de maire de M. X… et qu’il convient donc à ce titre de rechercher si la faute en résultant présente le caractère d’une faute personnelle détachable du service ; qu’ils relèvent qu’au regard du caractère excessif et injustifié des propos tenus, procédant d’une intention malveillante et non de la volonté de défendre l’image de la commune, la faute en résultant présente le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions ;

« Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que d’une part, le compte twitter est libellé au nom de l’intéressé, sans autre précision, de sorte que le moyen pris de ce que ce compte serait celui du maire reste à l’état de pure allégation, d’autre part, les juges ont caractérisé le caractère détachable de la faute commise au regard de l’exercice des fonctions de M. X…, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;»

 

 

Voir :

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 décembre 2018, 17-85.159, Inédit

 

 

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