En marché de travaux, en cas de groupement solidaire, une société peut aisément se retrouver condamnée à indemniser intégralement le maître d’ouvrage (et ce après une condamnation in solidum). Quel est le juge compétent ensuite pour les litiges entre sociétés pour que chacun paye sa quote-part, pour connaître d’une action du codébiteur ayant payé l’intégralité de la somme dirigée contre un autre des codébiteurs (art. 1317 du code civil) ?

Un particulier construit sa maison, hors toute autorisation de construire selon la commune.

Celle-ci assigne donc cet habitant devant le juge judiciaire, via une action en démolition sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme.

Oui mais l’habitant déclare qu’il bénéficie d’un permis tacite. 

Que se passe-t-il alors ?

Le Tribunal des conflits, par une décision n° C4190 en date du 8 juin 2020, a ventilé le contentieux des droits d’eau (qui concerne de nombreux types de dossiers, notamment nombre de moulins ou anciens moulins) entre les deux ordres de juridiction.

Voir notamment :

 

Les droits fondés en titre constituent des droits d’usage de l’eau et ont le caractère de droits réels immobiliers. Si elles en ont confirmé l’existence, les dispositions législatives du code de l’environnement les ont cependant inclus dans leur champ d’application, de sorte que les installations et ouvrages fondés en titre doivent être réputés avoir été autorisés ou déclarés au titre de la police de l’eau et que l’autorité administrative peut constater la disparition d’un droit d’eau ou en modifier la portée en imposant le respect de prescriptions.

Le Tribunal déduit de ce constat que la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur l’existence ou la consistance d’un droit d’usage de l’eau fondé en titre. En revanche, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de toute contestation relative au titulaire du droit.

A cette répartition de principe des compétences entre les deux ordres de juridiction, le Tribunal ajoute une précision : lorsqu’un litige quelconque est engagé devant le juge judiciaire et que, à l’occasion de ce litige, l’existence ou la consistance d’un droit d’eau est contestée, le juge n’est tenu de poser une question préjudicielle sur ce point au juge administratif qu’en cas de difficulté sérieuse, notamment lorsque le débat porte sur une décision affectant l’existence ou la consistance du droit en cause que l’administration a prise ou qu’il pourrait lui être demandé de prendre dans l’exercice de ses pouvoirs de police de l’eau.

Magie des chiffres : le 25 mars 2020, 25 ordonnances étaient adoptées, puis promulguées au JO. Or, ordonnance après ordonnance, le juge administratif valide les ordonnances ou à tout le moins refuse de les suspendre.

Après l’ordonnance sur le pénal (I), c’est l’ordonnance sur le judiciaire hors pénal qui vient, ainsi, de donner lieu à une décision de refus de suspension du Conseil d’Etat (II). Face aux requérants, la position du Conseil d’Etat devient en effet claire et cohérente, qu’on l’apprécie ou qu’on la critique (III).

Schématiquement, cette dernière peut être ainsi résumée : tant que le Gouvernement fait ce qu’il peut en fonction des moyens mis à sa disposition, et tant que les libertés ne sont pas trop malmenées au regard des enjeux de la lutte contre le covid-19, le Conseil d’Etat ne veut pas malmener l’action publique en ces temps difficile.

Il met en balance, non pas par principe, mais au terme d’un examen à chaque fois assez poussé, sa vision du possible, d’une part, et de l’équilibre entre contraintes (sur nos libertés, sur notre fonctionnement usuel) et nécessités (de maintenir l’Etat de droit mais aussi de lutter contre le virus en fonction des moyens en notre disposition, collectivement), d’autre part. 

L’Autorité de la concurrence peut décider de restreindre ou non la publicité de ses décisions en fonction des règles de secret des affaires. Ces décisions relèvent-elles du juge administratif ? ou judiciaire ? En l’état, et notamment en l’état d’un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 20 mars 2020, le sujet reste encore débattu. Voici les éléments de ce débat, en attendant que le tribunal des conflits ne tranche. 

Un assureur est subrogé dans les droits de la victime d’un accident causé par un véhicule participant à une opération de travaux publics (TP). Il veut agir contre l’entrepreneur et le maitre d’ouvrage. Quel juge doit-il saisir ? Le juge judiciaire (accident de véhicule ; loi de 1957) ? Le juge administratif (dommage de travaux public ; responsabilité administrative) ?

Réponse du Tribunal des conflits : le juge administratif (même si l’accident est causé par un véhicule donc) au moins si l’organisation du chantier de TP est en cause.

Selon une décision importante dudit tribunal, le Tribunal des conflits (TC) est compétent pour connaître des actions engagées aux fins de réparation des préjudices résultant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles non seulement lorsque les parties ont saisi successivement les deux ordres de juridiction, du fait d’une difficulté pour identifier l’ordre de juridiction compétent, le cas échéant tranchée par le Tribunal, mais aussi lorsque le litige a dû être porté devant des juridictions des deux ordres en raison des règles qui gouvernent la répartition des compétences entre eux. 


 

Certes, l’article 16 de la loi du 24 mai 1872 (créé par la loi n°2015-177 du 16 février 2015 – art. 13 [V]) dispose que :

Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d’une action en indemnisation du préjudice découlant d’une durée totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui.

 

Ledit TC en a déduit, par une décision importante rendue le mois dernier, que ce texte lui donne compétence, à titre exclusif,  pour connaître des actions engagées aux fins de réparation des préjudices résultant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles :

  • a) non seulement lorsque les parties ont saisi successivement les deux ordres de juridiction, du fait d’une difficulté pour identifier l’ordre de juridiction compétent, le cas échéant tranchée par le Tribunal… ce qui va de soi
  • b) mais aussi lorsque le litige a dû être porté devant des juridictions des deux ordres en raison des règles qui gouvernent la répartition des compétences entre eux, ce qui pouvait être débattu

 

Cette décision précise par ailleurs que le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier :

Le lent déclin de la voie de fait continue, en matière d’abattage d’une haie cette fois, et ce en raison des pouvoirs de police du maire. Ce qui est important pour les travaux d’élagage d’office pour des raisons de sécurité. Rappelons cette notion (I) de la voie de fait, et certains éléments récents de son déclin (II) en dépit d’une récente tentative, restée sans lendemain, de résurrection (III), afin de mieux apprécier la nouveauté de l’arrêt  rendu par la cour de cassation en matière d’abattage de haie et les indications contentieuses qu’il fournit en matière d’élagage d’office ou de débroussaillement / débroussaillage d’office au titre des pouvoirs de police du maire (IV).

Est bien conforme à la Constitution la règle interdisant de prendre des photos, des enregistrements ou des vidéos durant les audiences judiciaires ou administratives… vient de poser le Conseil constitutionnel, ce matin. Mais cette décision semble valider le “live-tweet”) en ce qu’il n’est pas une captation.