Un contrat entre une SEML, concessionnaire de ZAC, et un de ses cocontractants, ne sera que rarement un contrat de droit public : le TA de Rennes, sur ce point, vient d’apporter une spectaculaire confirmation de ce principe qui avait été forgé par la jurisprudence du tribunal des conflits, bâtie en 2015 et en 2017 à ce sujet… avec une réticence à admettre les cas où le contrat, pour cause de mandat, pourrait rester de droit public.
Une personne privée peut dans certains cas conclure un contrat administratif, mais dans des cas devenus rares depuis la décision du tribunal des conflits (TC), 9 mars 2015, n° 3984 (en matière de concessions d’autoroute, n° 112 dans la 23e édition du GAJA ; il s’agissait donc d’un revirement par rapport à la traditionnelle jurisprudence TC, 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, n° 01804).
Par une décision en date du 11 décembre 2017, le Tribunal des conflits (TC) a ensuite jugé que les contrats de travaux passés par un concessionnaire dans le cadre d’une concession d’aménagement sont par défaut des contrats de droit privé.
TC, 11 décembre 2017, n° 4103, à consulter ici. Voir notre article d’alors : Concession d’aménagement : le juge judiciaire compétent en cas de conflit entre l’aménageur et les constructeurs
Dans la lignée de cette décision de fin 2017, le TA de Rennes a posé que si une commune confie une concession d’aménagement de ZAC à une SEML (en l’espèce la SADIV, société d’aménagement et de développement d’Ille-et-Vilaine), puis si cette société confie des contrats de maîtrise d’oeuvre à une entreprise ou à un groupement d’entreprises… le contrat sera de droit privé sauf si la concession d’aménagement valait mandat d’agir au nom et pour le compte de la commune concédante, ce que le juge a refusé de voir en l’espèce dans le contrat.
D’où une compétence judiciaire pour connaître du contrat entre la SEML et ses cocontractants et des litiges pouvant en naitre… Citons le TA de Rennes :
« 3. Le titulaire d’une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d’une opération d’aménagement ne saurait être regardé comme un mandataire de cette collectivité. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du cocontractant de la collectivité publique ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci, telles que le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l’opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats, que la convention doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publique demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure les contrats nécessaires.»
Au delà de la simple application des jurisprudences précitées du TC de 2015 et de 2017, il semble falloir voir aussi dans cette affaire une difficulté de plus en plus grande du juge à trouver des traces de mandats dans des contrats de concessions d’aménagement. De nouveau, citons ce jugement :
« 4. Il résulte de l’instruction que, par une concession d’aménagement, conclue le 20 juin 2007, la commune de Saint-Erblon a chargé la SADIV de réaliser l’opération d’aménagement décrite au point 1 du présent jugement. Ni la définition des missions confiées à la SADIV, qui prévoient entre autres la réalisation de bâtiments à usage d’habitation destinés à la vente ou à la location au profit du concessionnaire, ni les conditions prévues pour leur exécution, notamment les conditions financières de l’opération, la SADIV assumant un risque financier, ne permettent de regarder cette convention comme ayant en réalité pour objet de confier à la SADIV le soin d’agir au nom et pour le compte de la commune. Ainsi, les contrats passés par cette société pour les opérations de construction au sein de la zone d’aménagement, et notamment le contrat de maîtrise d’œuvre en cause, sont des contrats de droit privé et il appartient au seul juge judiciaire de connaître des litiges nés de leur exécution.»
N.B. : notons que cette évolution n’est pas isolée. En matière de sous-occupation domaniale par une personne privée, là encore la compétence peut être, de plus en plus, judiciaire (voir sur ce point, ici, notre commentaire sur CAA Nancy, 9 février 2017, n° 16NC00397, SARL Salaisons Muller-Weber ; voir sur le maintien de la possibilité pour des personnes privées d’être gestionnaires d’ouvrages publics (notion à ne pas confondre avec celle de domaine public…) : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 15-28.812, Publié au bulletin ; voir notre article : Quand un ouvrage d’une personne privée peut-il être qualifié d’ouvrage public ? ).
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