Hier, 22 juin 2022, le Conseil d’État a rendu une décision n° 450398, à mentionner aux tables du recueil Lebon, dont il ressort que le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation sur la décision du ministre de l’intérieur refusant, sur le fondement de l’article R. 315-5 du code de la sécurité intérieure (CSI), de faire droit à une demande d’autorisation de port d’une arme dont le port est interdit en vertu de l’article L. 315-1 du même code.

NB : cette jurisprudence est logique au regard de CE, 1er juillet 1987, n° 74418, rec. T. p. 899 et de CE, 29 avril 2015, n° 372356, rec. T. pp. 783-833.

Mais cette décision mérite d’être lue car il s’agissait en l’espèce d’un maire et les faits, autant que l’étude du contrôle de la décision ministérielle, ne sont pas sans intérêt :

Voici deux exemples, un qui remonte à il y a quelques années et l’autre qui date d’il y a quelques jours, et qui démontrent que pour bâtir un arrêté de police en matière d’accès ou d’activités sur les plages, mieux vaut d’abord justifier du caractère proportionné des mesures que l’on veut adopter, et donc en tout premier constituer un solide dossier sur la réalité des difficultés à obvier.

Sinon, la moindre vaguelette contentieuse fera s’écrouler l’arrêté de police tel  le moins solide des châteaux de sable. Sous le rire des usagers de la plage. 

Avec une nouvelle décision, ce soir, du Conseil d’Etat, il apparaît que le juge des référés de cette institution maintient ses exigences en matière de proportionnalité visant à ce que le port du masque à l’extérieur reste ajusté territoire par territoire :

  • I. Principes séculaires 
  • II. L’ajout, en 2020, du critère de l’intelligibilité conduit à permettre des interdictions un brin plus larges qu’on ne l’aurait supposé si on y gagne en compréhension… La décision rendue ce jour conduit à une reformulation de ce critère complémentaire (mais nullement à son abandon). 
  • III. Rappel des décisions antérieures, sous et hors état d’urgence sanitaire 
  • IV. Accessoirement (sujet qui fâche…) se pose la question de savoir quelle liberté fondamentale serait potentiellement atteinte par le  port du masque en extérieur  
  • V. La décision de ce jour confirme en réalité les décisions antérieures, à quelques bémols près (et encore)

En matière de passe sanitaire dans les grands magasins et autres centres commerciaux, tout a commencé par le Conseil d’Etat et tout s’y est dénoué.

Car hier (comme nous l’avions prévu — désolé pour cette mini autocélébration manquant d’humilité) le Conseil d’Etat a tranché dans un sens qui n’est :

  • ni l’acceptation générale qui avait été promue par le TA de Montreuil,
  • ni la censure faute d’accès aux produits de première nécessité au sein du centre commercial (qui avait fondé les décisions des TA de Cergy-Pontoise, de Pau, de Versailles, de Nice, de Strasbourg….).

Le Conseil d’Etat a, de manière plus nuancée, adopté une solution proche de celle de Montpellier, de Lyon et de Toulouse. OUI, pose le juge des référés de la Haute Assemblée le passe sanitaire est légal, cumulativement :

  • si la pandémie l’exige en l’espèce…
  • et si l’éventuel refus d’accès aux produits de première nécessité au sein de ce centre commercial peut être compensé par l’accès auxdits produits non loin dudit centre , pour ceux qui seraient rétifs à ce passe sanitaire…

 

état d'urgence sanitaire EUS

 

Détaillons tout ceci étape par étape.

I. Tout a commencé au Palais Royal avec l’avis du 19 juillet 2021

II. Les solutions prévues par la loi et le décret consistant à renvoyer, pour l’essentiel, et de manière logique (en droit comme en termes tactiques), la balle aux préfets 

III. Revenons étape par étape sur les diverses décisions de TA, plus ou moins tâtonnantes 

IV. La solution du Conseil d’Etat

 

Le tribunal administratif de La Guadeloupe a eu à connaître en référé de la légalité, ou non, du maintien, même pour les personnes vaccinées, des mesures de restriction de déplacement dans le département de la Guadeloupe établies par les arrêtés préfectoraux des 3 et 4 aout 2021.

En matière de distance d’épandage de produits phytosanitaires/phytopharmaceutiques (pesticides) entre les champs, les jardins ou les espaces verts, d’une part, et les habitations, d’autre part, des règles nationales existent, et elles sont claires depuis décembre 2019.

Mais les maires pouvaient-ils prendre des arrêtés de police en ce domaine, notamment au second semestre 2019, quand l’Etat était officiellement en situation de carence, juridique, sur ce point ?

Réponse du Conseil d’Etat il y a trois mois : NON (II).

Alors les maires ont changé de tactique : ils ont pris des arrêtés de restriction des modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de cette commune… mais sous l’angle des déchets. En prenant soin de ne pas interdire les épandages, mais d’en sanctionner possiblement les écoulements. L’astuce ? Interdire « tout rejet de produits
phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés » sous peine sinon d’être assimilé à un « dépôt de déchet […]  interdit ». 

Or, au TA de Nantes, cet arrêté n’a pas été censuré en référé préfectoral au sens de l’article L. 554-3 du CJA  (I.A.)…. avant que d’être censuré en déféré suspension classique (I.B.).

  • I. Nantes censure… mais pas dans l’urgence absolue 
    • I.A. Petit miracle Nantais en déféré-liberté

    • I.B. Mais la nouvelle ordonnance, petite, lue, nantaise, grille l’arrêté 

       

  • II. Rappel de la saga précédente, relative aux arrêtés anti-épandages de pesticides  
    • II.A. Arguments, au fond, des maires, notamment pendant le second semestre 2019 (période où l’exercice des pouvoirs de police de l’Etat était en situation, juridiquement, de carence) 
    • II.B. Deux TA avaient accepté en tout ou partie le raisonnement des maires ; l’immense majorité des autres décisions avaient été en sens inverse  
    • II.C. Ce qu’il restait de débat juridique avait été fermé par une décision très stricte du Conseil d’Etat, en décembre 2020, refusant tout pouvoir de police des maires en ce domaine  

Nous avons signalé récemment les tribulations des arrêtés (préfectoraux ou municipaux) d’ouverture dominicale de commerces, plusieurs fois censurés, puis validé(s)  devant le TA de Clermont-Ferrand au nom et/ou en dépit du Covid-19. Voir :

  • TA Clermont-Ferrand, ord., 9 janvier 20202, n°  2100023
  • TA Clermont-Ferrand, ord., 23 janvier 2021, n° 2100124,  n° 2100122 et n° 2100120
  • TA Clermont-Ferrand, ord., 1er février 2021, n° 2100177

 

Ces ordonnances sont accessibles depuis notre article les commentant :

 

Grâces soient rendues à M. Sébastien Brameret, Maître de conférences (droit public ; www.brameret.eu) qui a trouvé une intéressante décision du TA de Strasbourg qui va à rebours des premières décisions du TA de Clermont-Ferrand (et qui rejoint plutôt celle de ce même tribunal en date du 1er février 2021)-.

Ceci dit, on rappellera que le droit alsacien et mosellan diffère de celui de la France de l’intérieur pour ce qui est du travail dominical (mais pas pour ce qui est des pouvoirs des maires ou des préfets face à la pandémie) :

 

Voici cette décision :

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE STRASBOURG

N° 2100441
___________

L’UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CGT DU BAS-RHIN
SYNDICAT DÉPARTEMENTAL COMMERCE ET SERVICES CGT 67
___________

Mme Julienne Bonifacj
Juge des référés
___________

Ordonnance du 27 janvier 2021