Travail dominical au temps du Covid… souvent le TA de Clermont varie, fol qui s’y fie

Pour l’instant, le juge validait les arrêtés fermant les commerces…

Voici maintenant, à Clermont-Ferrand, qu’il invalide les arrêtés les rouvrant (ou, plutôt, les ouvrant) le dimanche (le préfet voulant étaler sur 7 jours la fréquentation des commerces avec des salariés volontaires)… par une série de décisions… PUIS que par une autre décision le même TA de Clermont-Ferrand rétropédale… Certes entre temps le droit a-t-il (un peu) changé et la pandémie a-t-elle (un tout petit peu) évolué. Mais tout de même.   

 

I. Rappel du droit

 

Pour l’instant, le juge :

 

Voici maintenant qu’il invalide les arrêtés les rouvrant.

 

II. La décision du 9 janvier 2021

 

Le raisonnement du Préfet en cause était le suivant : autant autoriser nombre de commerces à rouvrir le dimanche pour étaler leur fréquentation.

Cela n’a pas plu à la CGT, ce qui ne surprendra pas. Laquelle a convaincu le TA de Clermont-Ferrand, ce qui étonne un peu plus tout de même.

Sur les règles d’ouverture dominicales des commerces, usuellement, voir :

Mais le préfet faisait valoir que :

  • cette dérogation exceptionnelle à la règle du repos dominical était justifiée par le préjudice au public et l’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement ; l’ouverture les dimanches permettant ainsi de répartir la clientèle sur 7 jours et non sur 6 jours ;
  • le droit au repos des salariés est respecté, dès lors que seuls les salariés volontaires pourront être amenés à travailler le dimanche, conformément aux dispositions de l’article L. 3132-25-4 du code du travail.

 

Le TA pose certes que :

« Le préfet du Puy-de-Dôme pouvait considérer, de façon mesurée, compte tenu de la baisse d’activité et de chiffre d’affaires en raison de la fermeture au public des établissements commerciaux, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 à l’automne 2020 et aux mesures sanitaires conduisant à limiter de fait le nombre de clients susceptibles d’être accueillis simultanément dans ces établissements depuis leur réouverture (8 m2 de surface de vente pour une même unité familiale), que le repos simultané de l’ensemble du personnel compromettrait, dans ce contexte économique difficile, le fonctionnement normal de ces établissements.»

 

Mais le TA de Clermont-Ferrand pose ensuite que :

« 8. Toutefois, dans ce contexte sanitaire de lutte contre une épidémie mondiale, lui- même exceptionnel, au cours d’une période de couvre-feu jusqu’à 20 heures dans le département du Puy de Dôme qui s’applique aux dits établissements et commerces, au moment où un virus mutant est susceptible d’accélérer la contagiosité, où tous les établissements culturels, les bars, les restaurants et autres salles de sport demeurent fermés, en autorisant l’ouverture de ces établissements et commerces pour tous les dimanches du mois de janvier 2021, risquant d’augmenter ainsi de fait les jours de circulation et donc de contamination de celle-ci par le virus, alors même que la période officielle des soldes ne commence que le mercredi 20 janvier 2021, le préfet du Puy de Dôme a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie au droit au repos des salariés et à la protection sanitaire de la population. »

L’argument, certes plutôt implicite, de l’égalité de traitement avec les salles de sport ou la culture, ne tient pas en droit puisque le Conseil d’Etat (voir les décisions précitées) y a vu des cas de différences de situation justifiant des différences de traitement.

L’argument sur les soldes est amusant, intéressant et révélateur : le juge du TA de Clermont-Ferrand semble penser qu’il n’y a de toute manière pas foule d’ici là dans les commerces. Mais si je fais une plaisanterie à ce sujet sur la désertification du Puy-de-Dôme je vais vexer des clients.. Donc je me tais.

Mais l’argument selon lequel cela risque au contraire de diffuser plus encore la pandémie, alors que la mesures préfectorale vise plutôt à étaler la fréquentation des commerces, peut quant à lui sembler plus contestable.

TA Clermont-Ferrand, ord., 9 janvier 20202, n°  2100023 :

 

 

III. Le TA de Clermont-Ferrand persiste et signe par une série de décisions du 23 janvier 2021 alors que le droit change

Saisi par la voie du référé liberté par la CGT commerces, ce même tribunal, avec les mêmes raisonnements globalement (de moins en moins convaincants selon nous) suspend l’arrêté préfectoral autorisant des établissements et des commerces à ouvrir les deux derniers dimanches de janvier 2021 (24 et 31) dans le Puy de Dôme au motif de la situation sanitaire. Le Préfet pourra examiner de nouveau la situation le 1er février. Est aussi suspendu un arrêté municipal du maire de Room et un autre du maire d’Aubière, de même teneur :

 

NB : il nous semble, surtout pour l’arrêté préfectoral, que cette position, très stricte, est discutable au regard des dispositions du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020, modifié, qui sont étrangement peu présentes dans les considérations de ces décisions. 

 

IV. Puis vint le tête à queue du 1er février 2021 (au nom du caractère officiel des soldes, d’une part, et d’une lecture tout de même différente des marges de manoeuvre préfectorales à ce stade, d’autre part, cette nouvelle position étant sans doute plus conforme au droit selon nous)

 

Le tribunal (le même donc…) rejette la demande de référé de l’UD CGT de l’Allier de suspendre l’arrêté de la préfète de l’Allier autorisant l’ouverture de commerces les seuls dimanches 7 et 14 février pendant la période des soldes au vu de la politique adaptée de lutte contre la pandémie arrêtée le 30 janvier 2021 par le Premier ministre (fermeture des centres commerciaux de + 20000 m2 et refus d’un nouveau confinement).

Voici la (nouvelle) doxa (à notre sens plus orthodoxe que les, ou à tout le moins la, précédente[s]) :

8. D’une part, la préfète de l’Allier peut considérer, de façon équilibrée, compte tenu de la baisse d’activité et de chiffre d’affaires en raison de la fermeture au public des établissements commerciaux, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 à l’automne 2020 et aux mesures sanitaires conduisant à limiter de fait le nombre de clients susceptibles d’être accueillis simultanément dans ces établissements depuis leur réouverture (10 m2 de surface de vente pour une même unité familiale), que le repos simultané de l’ensemble du personnel compromettrait, dans ce contexte économique difficile, le fonctionnement normal de ces établissements.

9. D’autre part, la préfète de l’Allier, pour tenir compte de la période des soldes officielles autorisée par le gouvernement, qui risque de provoquer une concentration dommageable de personnes notamment le samedi dans les magasins concernés, du fait d’un couvre-feu fixé à 18 heures, a pu délivrer l’autorisation contestée, sans commettre d’atteinte grave et manifestement illégales aux libertés fondamentales en cause, compte tenu des propos du Premier ministre du 29 janvier 2021 sur la situation prévisible de l’épidémie de Covid-19 au mois de février 2021 et sur la possibilité de la juguler sans confinement, compte tenu des nouvelles mesures annoncées, notamment la fermeture des centres commerciaux de + 20000 m2 dans le département de l’Allier comme dans le reste du territoire métropolitain, « c’est-à-dire ceux qui favorisent le plus de brassage de populations », compte tenu enfin qu’elle n’a accordé cette autorisation dérogatoire que pour les deux seuls premiers dimanches de février 2021. Il convient toutefois de préciser qu’elle devra s’assurer que l’ensemble des nouveaux protocoles sanitaires soit rappelé préalablement et appliqué strictement par les commerces concernés, que seuls les salariés volontaires de ces commerces soient mobilisés et enfin, que des contrôles très fréquents par les forces de l’ordre du respect des jauges et des mesures barrière soient effectués dans ces commerces ouverts les dimanches 7 et 14 février 2021.

 

TA Clermont-Ferrand, red., 1er février 2021, n° 2100177 :

2100177