Pour le Conseil d’Etat, un camping, qui pourtant peut être un service public (avec la fameuse règle de continuité…), serait cependant légalement dans une situation moins favorable qu’un hôtel au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation. Au terme d’un arrêt certes portant sur un camping privé, mais avec une formulation qui à tout le moins n’ouvre pas la porte à la moindre distinction sur ce point. Certes ne mélangeons pas règles du service public et paramètres propres à l’usage des pouvoirs de police. Mais tout de même, la continuité semble être ici un paramètre commun utilisé à rebours dans un cadre juridique de ce qu’il est dans l’autre….
Information repérée par M. N. Hervieu :
Information cruciale : N'en déplaise aux campeurs passionnés, le @Conseil_Etat juge solennellement que les #campings ne contribuent pas à "la continuité de la vie de la Nation".
A la différence des "hôtels et hébergements similaires".
=> https://t.co/NIPQPsapGZ pic.twitter.com/cggrRCCteM
— Nicolas Hervieu (@N_Hervieu) February 18, 2022
Et en effet le Conseil d’Etat valide cette différence et trouve une différence de situation justifiant une différence de traitement en des termes surprenants (surtout si l’on prend en compte le fait que les risque de contamination en plein air sont plus faibles qu’en hôtel couvert !?) :
« 4. La requérante exploite un camping et demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 20 mai 2020 modifiant le décret du 11 mai 2020 cité au point ci-dessus, en ce qu’il interdit aux terrains de camping et de caravanage de recevoir du public.
[…]
« Sur le principe d’égalité :
« 8. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
[…]
« 10. En second lieu, l’annexe 3 du décret du 11 mai 2020 précise que les hôtels et hébergements similaires peuvent recevoir du public, à l’exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives. Il ressort des pièces du dossier que le maintien de l’accueil du public dans ces établissements avait pour but de permettre la poursuite des activités professionnelles qui nécessitent des déplacements et ainsi la possibilité d’un hébergement sur place. Au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation, les hôtels et hébergements similaires se trouvaient ainsi, par rapport à l’objet de la mesure, dans une situation différente de celle des campings qui ont une visée principalement touristique. Eu égard aux circonstances exceptionnelles rappelées ci-dessus, la dérogation à l’interdiction de recevoir du public accordée aux hôtels et établissements similaires, alors qu’aucune dérogation n’était prévue pour les campings n’était pas, à la date où elle a été édictée, manifestement disproportionnée et la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle serait constitutive d’une atteinte au principe d’égalité qu’elle invoque.
« 11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société De Camp doit être rejetée.»
Source : CE, 17 février 2022, n° 440842
Rappelons qu’un camping peut être un service public dans certains cas (certes pas dans celui du requérant).
Sources entre autres : CE S., 17 avril 1964, Commune de Merville-Franceville, n°57680, rec. p. 231 ; CE, 30 juin 1976, 97659 ; Cass. civ. 1e 31 mars 2010, n° 09-12.821 et n° 09-10.560…
Et aux services publics s’appliquent les lois de Rolland dont la continuité.
Un hôtel ne sera que rarement un service public.
MAIS (même si là le requérant n’était pas un service public, mais les formulations impérieuses du Palais Royal ne vont pas dans le sens de la moindre distinction justement) un camping serait donc légalement dans une situation moins favorable que les hôtels au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation ?
Diable.
Certes ne mélangeons pas règles du service public et paramètres propres à l’usage des pouvoirs de police. Mais tout de même, la continuité semble être ici un paramètre commun utilisé à rebours dans un cadre juridique de ce qu’il est dans l’autre… Décidément, les vents de la pandémie font s’envoler les bases juridiques que l’on croyait bien fichées au sol…
Et c’est bien connu, le grand vent et la tempête font mauvais ménage avec le camping.
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