Passe-sanitaire dans les centres commerciaux : relative confusion en attendant que le Conseil d’Etat ne tranche [MISE À JOUR AU 1/9/21]

MISE À JOUR AU 1ER SEPTEMBRE 2021,
EN RAISON DE 2 NOUVELLES JURISPRUDENCES 

 

En matière de passe sanitaire dans les grands magasins et autres centres commerciaux, tout a commencé par le Conseil d’Etat et tout s’y dénouera. Voyons ceci étape par étape, à l’heure où les solutions retenues par divers tribunaux administratif divergent nettement.
En attendant l’arrivée de ce marathon au Palais Royal…

 

état d'urgence sanitaire EUS

 

I. Tout a commencé au Palais Royal avec l’avis du 19 juillet 2021

 

Tout a commencé par le Conseil d’Etat car c’est bien ce dernier qui avait dans son avis non contentieux sur le projet de loi (qui aboutira à la déjà fameuse loi du 5 août 2021) avait soulevé cette difficulté.

Citons ce qu’avait alors exposé la docte Haute Assemblée et qui avait alors suscité une forte houle médiatique :

« l’application de cette mesure aux grands centres commerciaux, que les éléments communiqués par le Gouvernement, notamment les données épidémiologiques et les avis scientifiques, ne font pas apparaître, au regard des mesures sanitaires déjà applicables et en particulier des exigences qui s’attachent au respect des gestes barrières, un intérêt significatif pour le contrôle de l’épidémie alors qu’elle contraint les personnes non vaccinées, en particulier celles qui ne peuvent l’être pour des raisons médicales, à se faire tester très régulièrement pour y accéder. Il constate que cette difficulté est susceptible de concerner tout particulièrement l’acquisition de biens de première nécessité, notamment alimentaires, et cela alors même qu’aucun autre établissement commercial ne serait accessible à proximité du domicile des intéressés. Il en déduit que cette mesure porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées au regard des enjeux sanitaires poursuivis. Le Conseil d’Etat relève en outre que la différence de traitement qui en résulte pour les établissements similaires selon qu’ils sont inclus ou non dans le périmètre d’un grand centre commercial n’est, en l’état des éléments communiqués, pas justifiée au regard du principe d’égalité, compte tenu des objectifs de santé publique poursuivis. Il ne retient pas, en conséquence, cette disposition

Source :

 

Voir notre analyse alors sur cet avis :

 

II. Les solutions prévues par la loi et le décret consistant à renvoyer, pour l’essentiel, et de manière logique (en droit comme en termes tactiques), la balle aux préfets 

 

Gêné car cet mode d’emploi, logique en droit, risquait d’être fort malaisé à appliquer et pouvait conduire à une forte délicate censure du Conseil constitutionnel (les deux ailes du Palais Royal étant fort proches…) le Gouvernement et le Parlement préférèrent alors renvoyer la balle aux préfets ce qui permettait :

  1. de ne pas transformer ce sujet en boulet bloquant pour la réforme entière.
  2. de s’adapter au terrain… puisque le mode d’emploi fortement suggéré par le Conseil d’Etat dans son avis non contentieux conduisait à imposer un examen au cas par cas, lequel est tout de même plus aisé à ciseler depuis une capitale départementale que depuis Paris.

 

 

 

C’est ainsi que la loi du 5 août 2021 a prévu l’imposition du passe sanitaire ur décision préfectorale motivée, dans les grands magasins et centres commerciaux, au delà d’un seuil défini par décret, mais seulement « lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient […] et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.»

Voir pour accéder au texte de cette loi et à notre commentaire sur celle-ci :

 

 

Le texte d’application prévu par cette loi vint vite, dès le JO du 8 août, avec le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, avec un seuil à 20.000 m2 :

« 7° Les magasins de vente et centres commerciaux, relevant du type M mentionné par le règlement pris en application de l’article R. 143-12 du code de la construction et de l’habitation, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.
« La surface mentionnée au précédent alinéa est calculée dans les conditions suivantes :
« a) La surface commerciale utile est la surface totale comprenant les surfaces de vente, les bureaux et les réserves, sans déduction de trémie ou poteau et calculée entre les axes des murs mitoyens avec les parties privatives, et les nus extérieurs des murs mitoyens avec les parties communes. La surface est prise en compte indépendamment des interdictions d’accès au public ;
« b) Il faut entendre par magasin de vente ou centre commercial tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, y compris lorsqu’ils ont un accès direct indépendant, notamment par la voie publique, et éventuellement d’autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. L’ensemble des surfaces commerciales utiles sont additionnées pour déterminer l’atteinte du seuil de 20 000 m2, y compris en cas de fermeture, même provisoire, de mails clos reliant un ou plusieurs établissements ou bâtiments.

 

Voir : Passe sanitaire : sortie des premiers textes réglementaires 

 

 

III. Les décisions du TA de Versailles  et de Strasbourg : pas d’accès spécifique aux services de 1ère nécessité = censure de l’obligation du passe sanitaire (ce qui est logique au regard du texte de loi mais complexe à mettre en oeuvre) 

 

C’est alors que virent les premières censures par le TA de Versailles, avec une première salve contre une partie de l’arrêté ad hoc du préfet des Yvelines :

 

Or, les mesures de restriction imposées dans l’arrêté du Préfet des Yvelines pris en ce domaine, et qui avait été attaqué devant le tribunal, s’appliquaient de façon, selon le juge, trop générale et absolue à l’ensemble des commerces situés dans les grands magasins et centres commerciaux listés dans l’arrêté, sans que n’aient été prévus des aménagements pour permettre aux clients ne disposant pas de passe sanitaire d’accéder à ceux de ces commerces qui vendent des biens et services de première nécessité.

L’arrêté, qui n’était attaqué que sur ce seul point, ne fut donc suspendu que dans cette seule mesure par le juge des référés du TA de Versailles.

Voici cette ordonnance :

Tribunal administratif de Versailles, juge des référés, 24 août 2021, n°2107184-2107186

Voir aussi ici : TA Versailles, ord., 24 août 2021, 2107184

 

Trois jours après, le TA de Strasbourg rendait une décision similaire : le préfet du Haut-Rhin avait, par arrêté du 18 août 2021, fixé la liste des grands magasins et centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire. Le gérant d’un centre commercial du Haut-Rhin avait saisi le tribunal administratif en « référé-liberté » et le le juge des référés de ce TA a ordonné la suspension de l’arrêté préfectoral contesté estimant qu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir.

Avec le même motif que pour le TA de Versailles, le TA estimant que les mesures de restriction imposées dans l’arrêté attaqué s’appliquent de façon générale et absolue à l’ensemble des commerces situés dans les grands magasins et centres commerciaux listés dans l’arrêté, sans que n’aient été prévus des aménagements pour permettre aux clients ne disposant pas de passe d’accéder à ceux de ces commerces qui vendent des biens et services de première nécessité.

Voir : TA Strasbourg, ord., 27 août 2021, 2105891

 

Puis, retour au TA de Versailles, avec cette fois une censure de l’arrêté du Préfet de l’Essonne, ici narré par la presse (nous n’avons pas hélas cette ordonnance) :

 

Dans tous ces cas, l’Etat a formé appel.

 

Ces modes d’emploi sont logiques au regard de la formulation de la loi mais complexes à mettre en oeuvre sur le terrain. Soit cela revient à en réalité supprimer le recours au passe sanitaire, soit à faire des livraisons à part façon drive, soit à faire des couloirs spécifiques d’accès aux produits de 1e nécessité qu’il reste d’ailleurs à définir… bref, compliqué en réalité… 

 

 

IV. les TA de Toulouse et de Lyon ont une autre approche : ils prennent en compte l’existence (ou non) d’accès aux produits de 1e nécessité (via des échoppes non soumises à passe sanitaire) non loin des centres commerciaux (soumis quant à eux au passe sanitaire)

 

Les TA de Toulouse, puis de Lyon ont été plus pragmatiques, dirons les uns, et plus éloignés du texte même de la loi, diront les autres.

 

Commençons, dans l’ordre chronologique inverse, par les décisions lyonnaises.

Le juge des référés du TA de Lyon a en effet, en référé, rejeté les recours formés par les centres commerciaux « La Part-Dieu » et « Confluence » contre l’arrêté du préfet du Rhône prescrivant une obligation de présentation du passe sanitaire aux personnes majeures souhaitant accéder à ces centres.

Le juge des référés saisi d’une contestation spécifique sur ce point, a d’abord considéré que le centre commercial « Confluence » constitue bien, compte tenu de sa configuration, un établissement « comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente (…) qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos », conformément à la définition du centre commercial susceptible d’être concerné par l’obligation du passe sanitaire.

Il a ensuite — et surtout — estimé, d’une part, que ces deux centres commerciaux sont situés dans des secteurs de la ville de Lyon où il existe de nombreux commerces susceptibles, à titre alternatif, de permettre l’accès des personnes démunies de passe sanitaire aux biens de premières nécessité, alors qu’aucune disposition du décret du 1er juin 2021 n’impose au préfet de garantir cet accès au regard des biens et services de première nécessité se trouvant dans l’enceinte des centres commerciaux eux-mêmes.

D’autre part, le juge des référés a relevé que si au moment de l’arrêté en litige, il existait une certaine stabilisation de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, une dégradation forte et continue de cette situation était alors constatée depuis plusieurs semaines dans le département du Rhône, notamment en raison de la circulation du variant delta. Compte tenu des données sanitaires dans le département du Rhône au 12 août 2021, qui ont éclairé la décision du préfet et confirmaient la circulation active du virus, ainsi que des caractéristiques du variant delta, il a ainsi considéré qu’il convenait de mettre en place des mesures de protection complémentaires contre le virus afin d’en freiner la propagation dans ce département.

Enfin, alors même que l’accès à la station de métro Part-Dieu située au sous sol est impossible depuis le centre commercial aux personnes démunies de passe sanitaire, le juge des référés a relevé qu’un accès et une sortie demeurent possibles pour toutes personnes depuis deux autres accès situées sur la voie publique à l’extérieur du centre. Il a en conséquence estimé que, les dispositions du décret du 1er juin 2021 imposant de garantir l’accès aux moyens de transport n’avaient en conséquence pas été méconnues.

Sources :

 

Cette position du TA de Lyon rejoignait celle, antérieure du TA de Toulouse.

Un autre référé liberté avait en effet été formé, devant le TA de Toulouse, par une société à l’encontre :

  • de l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 août 2021 en ce qu’il impose à la clientèle de l’hypermarché Leclerc de Roques-sur-Garonne venant acheter des produits de première nécessité la présentation du « passe sanitaire » à l’entrée du centre commercial où est situé l’hypermarché
  • de la décision du préfet du 16 août 2021 lui interdisant de laisser entrer et sortir la clientèle de l’hypermarché sans présentation du « passe sanitaire » par une entrée/sortie indépendante du centre commercial.

 

Le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse, a estimé :

  • d’une part, que l’arrêté du représentant de l’Etat est intervenu dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que l’exige la loi. Et là encore on retrouve l’idée de l’existence de produits de 1e nécessité à côté :
    • « Il résulte de l’instruction que le préfet de la Haute-Garonne a pris soin de vérifier que, pour chaque centre commercial concerné dont celui en litige de Roques-sur-Garonne, il existait une offre de proximité équivalente permettant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. Dans ces conditions, l’arrêté intervient dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que l’exige la loi et ne méconnaît donc pas les dispositions de l’article 1er de la loi du 5 août 2021. Ainsi, il ne saurait être valablement soutenu que l’arrêté contesté, au demeurant pris après un examen circonstancié et motivé en droit et en fait, serait entaché d’une illégalité manifeste et qu’il porterait, par suite, une atteinte manifestement illégale à la liberté d’entreprendre et de commerce de la société requérante. Par ailleurs, la seule présence d’un hypermarché d’une surface commerciale inférieure au seuil réglementaire de 20 000 m2 au sein d’un centre commercial ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre de l’obligation de présentation du « passe sanitaire » prévue par la loi pour l’accès à un tel lieu.»
  • et d’autre part, que l’obligation de présentation du « passe sanitaire », à une entrée que la requérante estime indépendante du centre commercial n’était pas entachée d’illégalité manifeste, compte tenu de la configuration des lieux, en particulier de l’absence de séparation physique entre l’hypermarché et les boutiques de la galerie marchande du centre commercial.
    Là encore, au stade des préfectures comme des juridictions, ensuite, on retrouve l’importance d’une analyse au cas par cas…

 

Voir : TA Toulouse, ord., 24 août 2021, 2104928

 

 

V. La solution plus radicale du TA de Montreuil 

 

Le TA de Montreuil a été encore plus clair dans ses ordonnances. Un peu plus éloigné de la formulation de la loi aussi.

 

Nulle référence à l’existence d’accès à proximité aux biens de 1e nécessité (qui en Seine-Saint-Denis sont nettes sur tout le territoire départemental, cela dit).

Citons le communiqué de ce tribunal qui résume bien le contenu de ces ordonnances :

« Le juge des référés a estimé que les arguments des requérants n’étaient pas de nature à caractériser l’existence d’une situation d’une urgence, ni à établir l’atteinte manifestement grave et illégale à des libertés fondamentales, dès lors, notamment, qu’ils ne prenaient en compte ni la situation sanitaire, ni l’intérêt de la santé publique ni la lutte contre la propagation de l’épidémie de covid-19.

« Il a également constaté que les mesures prises, au demeurant circonscrites dans le temps, avaient pour objectif, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, compte tenu du fait que les risques de circulation du virus sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test négatif, de limiter la propagation de l’épidémie : l’arrêté contesté doit donc être regardé comme poursuivant l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, que le préfet est tenu de prendre en compte.»

 

Sources :

 

 

VI. La position du TA de Cergy-Pontoise : sur le fond, alignement sur les positions des TA de Versailles  et de Strasbourg… avec en sus une censure d’une rupture d’égalité imputée à l’arrêté du préfet des Hauts-de-Seine

 

Le 14 août 2021, le préfet des Hauts-de-Seine fixait la liste des grands magasins et centres commerciaux dont l’accès était subordonné à la présentation d’un « passe sanitaire ».

Saisi par la société Levallois Distribution et Mme B…, le juge des référés du TA de Cergy-Pontoise a suspendu cet arrêté en tant qu’il subordonnait l’accès au centre commercial So Ouest à la présentation d’un « passe sanitaire ».

 

Le juge des référés a relevé trois moyens le conduisant à cette suspension :

  • 1/ Il a tout d’abord, voire surtout, noté qu’aucun aménagement n’avait été mis en place afin de permettre, ainsi que l’exige le législateur, l’accès des personnes ne disposant pas d’un « passe sanitaire » aux commerces proposant des biens et services de première nécessité situés au sein même du centre commercial So Ouest.
    A cet égard, il a considéré que l’installation de dispositifs de tests de dépistage à l’entrée du centre commercial ne saurait être regardée comme un tel aménagement.
    Il a également estimé qu’était sans incidence l’existence, à proximité du centre, d’une offre alternative de produits et services de première nécessité, ce qui revient à rejeternettement les positions des TA de Toulouse et de Lyon que l’on va supposer connues au jour de l’ordonnance par le TA de Cergy-Pontoise (au moins celle de Lyon, plus tardive mais plus médiatisée ?)…
  • 2/ Le juge des référés a ensuite souligné que l’arrêté litigieux, qui ne subordonne pas l’accès des autres centres commerciaux de plus de 20 000 m2 à la présentation d’un « passe sanitaire », portait atteinte au principe d’égalité , compte tenu de l’objectif poursuivi de contrôle de l’épidémie, dès lors que la situation sanitaire est la même sur l’ensemble du département des Hauts-de-Seine et que les caractéristiques de ces autres centres commerciaux et leurs conditions d’accès sont similaires à celles du centre commercial So Ouest….
  • 3/ De manière plus surprenante, le juge des référés a enfin relevé qu’il n’était pas établi que l’arrêté « présentait un intérêt significatif   pour répondre à l’objectif de contrôle de l’épidémie, le taux d’incidence dans le département des Hauts-de-Seine étant en baisse constante, passant de 196 au 14 août 2021 à 149 au 27 août 2021 ».

 

Il a en conséquence jugé que la mesure de restriction en cause portait atteinte à la liberté d’entreprendre ainsi que la liberté d’aller et venir. Il a ainsi décidé, après avoir relevé l’impact financier de l’arrêté pour les établissements concernés, justifiant qu’il intervienne en urgence, de suspendre partiellement l’arrêté du 14 août 2021 du préfet des Hauts-de-Seine.

 

> Lire l’ordonnance n°210762 sur le site de ce TA

Voir aussi ici en pdf :

 

 

 

VII. La position du TA de Montpellier, quant à elle, combine la position des TA de Toulouse et de Lyon (prise en compte le fait qu’existent des solutions alternatives de proximité pour lesdits produits de 1e nécessité) avec un examen scrupuleux de l’urgence pour le motif économique allégué par le requérant quand celui-ci est l’exploitant économique 

 

Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, par ordonnance du 28 août 2021, le référé liberté tendant à suspendre, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, l’exécution de l’arrêté préfectoral n° 221-0001 du 9 août 2021 en tant qu’il subordonne l’accès au centre commercial Espace Polygone à Perpignan à la présentation du passe sanitaire ; à titre subsidiaire, de suspendre les effets de cet arrêté en ce qu’il subordonne l’accès à l’ensemble des centres commerciaux de plus de 20 000 m² dans le département des Pyrénées-Orientales à la présentation du passe sanitaire.

Or, cette décision est intéressante à deux titres :

  • d’une part, elle reprend la position des TA de Lyon et de Toulouse (prise en compte le fait qu’existent des solutions alternatives de proximité pour lesdits produits de 1e nécessité) mais avec une formulation différente et, pour tout dire, assez tranchée :
    • « M. S, qui réside à x, commune limitrophe de celle de Perpignan, ne démontre nullement que l’arrêté attaqué le priverait de la possibilité d’accéder aux produits de première nécessité, notamment alimentaires. Dès lors, l’intéressé ne justifie pas d’une atteinte qui serait portée par l’arrêté préfectoral en cause à sa liberté d’aller et venir de nature à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir. »

  • d’autre part, la formulation sur l’urgence, du point de vue de l’entreprise, est aussi approfondie, in concreto, que stricte (nous sommes en référé liberté, après tout) :
    • « 5. D’autre part, si la société B justifie d’une baisse significative de son chiffre d’affaires en août 2021 par rapport à la même période de l’année précédente, susceptible d’être liée à l’entrée en vigueur de l’arrêté préfectoral litigieux, il ne ressort pas de l’attestation établie par le commissaire aux comptes, expert-comptable, que le déséquilibre financier de la société qui en résulte serait tel qu’il mettrait en péril son activité et, si la société se prévaut de ce qu’elle serait dans l’impossibilité de renouveler 57 contrats saisonniers, à durée déterminée, arrivant à échéance le 31 août 2021, elle ne produit aucun élément au soutien de ses allégations, relatives notamment à ses prévisions quant au renouvellement de ces contrats. Eu égard à ces éléments et à l’intérêt général qui s’attache à combattre la propagation de l’épidémie de covid-19, la société B n’établit pas l’existence d’une situation d’urgence, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qui exigerait, afin de préserver la liberté du commerce et de l’industrie et la liberté d’entreprendre, que le juge des référés prononce la suspension de l’arrêté attaqué, en tout ou partie, dans le délai de quarante-huit heures. »

Consultez l’ordonnance du 28 Août 2021, ici, sur le site de ce TA

Voir aussi ici en pdf :

 

NB sur l’appréciation de l’urgence du point de vue du requérant quand celui-ci est l’exploitant du grand magasin ou du centre commercial; cette position est proche de celle du TA de Montpellier, précitée.

Voici cette décision du 1er septembre 2021 :

 

Crédits photographiques : TA de Montpellier

 

VIII. Epilogue à venir : en France, tout finit en décisions (du CE)

 

Ce sera donc au Conseil d’Etat de trancher. Les paris sont lancés : vu les enjeux de santé publique et le légendaire pragmatisme dudit Conseil, et vu l’appréciation in concreto normale en matière de police administrative, nous parions sur la solution toulouso-lyonnaise.

A vos paris !