Vente de boissons alcooliques à emporter : entre 20 heures et 8 heures, le maire peut instaurer une vaste prohibition

En matière de police, il faut prendre des arrêtés avec modération (I).

Mais en matière de ventes de boissons alcooliques, entre 20h et 8h, le maire peut s’adonner à une vaste prohibition, ainsi que le juge vient de le confirmer (II). 

 

I. Rappels généraux sur les pouvoirs de police

 

Un pouvoir de police (tel que l’est l’adoption d’un arrêté du maire en matière de port de masques, par exemple) Les principes, en matière de pouvoirs de police restent ceux posés par le commissaire du Gouvernement Corneille (sur CE, 10 août 1917, n° 59855) : « La liberté est la règle et la restriction de police l’exception».

Il en résulte un contrôle constant et vigilant, voire sourcilleux, du juge administratif dans le dosage des pouvoirs de police en termes :

  • de durée (CE Sect., 25 janvier 1980, n°14 260 à 14265, Rec. p. 44) ;
  • d’amplitude géographique (CE, 14 août 2012, n° 361700) ;
  • de contenu même desdites mesures (voir par exemple CE, Ass., 22 juin 1951, n° 00590 et 02551 ; CE, 10 décembre 1998, n° 107309, Rec. p. 918 ; CE, ord., 11 juin 2012, n° 360024…).
  • avec un nouveau critère, qui est celui de possibles simplifications, limitées, si cela est nécessaire pour l’intelligibilité du dispositif retenu (CE, ord. 6 septembre 2020, n°443750 (Bas-Rhin) et n°443751 (Lyon, Villeurbanne).

Autrement posé, l’arrêté est-il mesuré en termes : de durée, de zonages et d’ampleur, en raison des troubles à l’Ordre public, à la sécurité ou la salubrité publiques, supposés ou réels qu’il s’agit d’obvier .

Il en résulte de nombreux cas d’équilibre difficilement calibré par le juge, au cas par cas, en matière de pouvoirs de police. Voir par exemple :

 

dossiers rapport

 

 

II. Mais en matière de vente de boissons alcooliques à emporter, entre 20 heures et 8 heures, un régime particulier conduit le juge a accepter de vastes prohibitions 

 

L’article 95 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires disposait que :

« Sans préjudice du pouvoir de police générale, le maire peut fixer par arrêté une plage horaire, qui ne peut être établie en deçà de 20 heures et au-delà de 8 heures, durant laquelle la vente à emporter de boissons alcooliques sur le territoire de sa commune est interdite. »

Ce texte a été abrogé par l’article 45 de la loi 2019-1461, dite «  engagement et proximité » du 27 décembre 2019, conduisant à ce jour à un régime où il faut combiner les :

  • art. L. 3331-7 (V), L. 3332-13 (V), L. 3332-15 (V) du Codede la santé publique (CSP)
  • art. L. 332-1 (V) et L. 333-1 (V) du Code de la sécurité intérieure (CSI)

… Mais la formulation est quant à elle inchangée : 

« Sans préjudice du pouvoir de police générale, le maire peut fixer par arrêté une plage horaire, qui ne peut être établie en deçà de 20 heures et au-delà de 8 heures, durant laquelle la vente à emporter de boissons alcooliques sur le territoire de sa commune est interdite. »

Dès lors, nulle surprise que le juge accepte de vastes prohibitions.

Le TA de Dijon avait déjà en référé refusé de censurer un arrêté d’interdiction de ce type (TA Dijon, 1er juill. 2014, n° 1401948).

Voir aussi, mais pour un arrêté plus général : TA Guyane, 24 avr. 2014, n° 1300726. 

Il n’en demeure pas moins que les décisions sont rares.

Rendons donc grâce à l’intéressante dernière 19e édition de la lettre de la CAA de Nancy et des TA de son ressort :

 

… qui nous a donné le plaisir de lire une intéressante décision confirmative.

Voici le jugement tel que retracé par cette lettre :

« Le tribunal administratif de Besançon a considéré que l’arrêté pris par le maire de Montbéliard le 23 janvier 2019, interdisant la vente d’alcool au détail et à emporter dans le secteur du centre-ville de 20h le soir à 8h le matin, n’était entaché d’aucune erreur de fait. Le tribunal estime en outre, que dans les circonstances particulières de l’espèce, le maire de Montbéliard n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans l’édiction de son arrêté, ni porté atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

« Ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel.»

 

Et voici le jugement, lequel est accessible en texte intégral (enfin… il l’était hier et ne semble plus l’être ce jour, cela va être sans doute corrigé sous peu) depuis le lien donné ci-avant pour cette lettre :

TA Besançon, 12 novembre 2020, M. M., n° 1900487.