Fonction publique : la décision de retrait d’un arrêté de détachement non encore exécuté doit être motivée.

Par un arrêt Mme B. c/ Garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 15 mars 2024 (req. n° 22NT04121), la cour administrative d’appel de Nantes a considéré que la décision de retrait d’une décision accordant à un fonctionnaire un détachement qui n’a pas encore pris effet doit être motivée.

Mme B… A…, titulaire de la fonctionnaire publique d’État, exerce les fonctions de conseillère pénitentiaire à l’insertion et à la probation (CPIP) en étant affectée au service pénitentiaire d’insertion et de probation d’Ille-et-Vilaine (SPIP). Le 16 décembre 2021, elle a sollicité son détachement pour une durée d’un an auprès du département d’Ille-et-Vilaine dans le corps des attachés territoriaux, en qualité de chargée de mission développement social local. Par une première décision du 1er février 2022, le directeur de l’administration pénitentiaire a refusé de faire droit à sa demande de détachement. Son exécution a été suspendue par une ordonnance n° 2200680 du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2022 enjoignant également de procéder au réexamen de la demande de détachement de Mme A…. Par un deuxième arrêté du 1er mars 2022, le directeur de l’administration pénitentiaire a fait droit au détachement de l’intéressée pour une période d’un an à compter du 15 mars suivant. Toutefois, cet arrêté a été retiré par un troisième arrêté du directeur de l’administration pénitentiaire du 9 mars 2022. Le référé-liberté dirigé contre ce dernier arrêté a été rejeté par une ordonnance n° 2201271 du 14 mars 2022. Par une quatrième décision du 17 mars 2022, le directeur de l’administration pénitentiaire a procédé au retrait des deux arrêtés des 1er et 9 mars 2022. Par des ordonnances n° 2201306 et n°2201480 prises respectivement les 21 mars et 23 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a constaté le non-lieu à statuer à l’encontre de la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 mars 2022 et a suspendu l’exécution de l’arrêté du 17 mars 2022 en tant qu’il a procédé au retrait de l’arrêté du 1er mars 2022 pour méconnaissance de l’autorité de la chose décidée et défaut du respect du principe du contradictoire préalablement au retrait d’une décision créatrice de droit, et a enjoint à l’administration de procéder au réexamen de la demande de Mme A…. Par une cinquième décision du 13 avril 2022, le directeur de l’administration pénitentiaire a, de nouveau, refusé de faire droit à la demande de détachement de l’intéressée. L’exécution de cette décision a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du 20 juin 2022 enregistrée sous le n°2202734.

Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du directeur de l’administration pénitentiaire des 1er février, 9 et 17 mars et du 13 avril 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de détachement de Mme A… dans un délai de 15 jours. Le Garde des Sceaux, ministre de la justice, a alors relevé appel de ce jugement.

Parmi les différents moyens sur lesquels la cour administrative d’appel de Nantes a statué, il y avait celui tiré du défaut de motivation de la décision de retrait d’un arrêté de détachement. Or sur ce point, la cour a fait droit à l’argumentation du fonctionnaire intéressé.

Pour ce faire, elle rappelle tout d’abord qu’aux termes d’une part, de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « doivent être motivées les décisions qui (…) 4° retirent ou abrogent une décision créatrice de droits » et, d’autre part, de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la demande ».

Puis, la cour poursuit en considérant que « la décision du 1er mars 2022 conférait à Mme A… le droit d’être détachée dans une autre administration de sorte que, alors même que ce détachement n’avait pas encore pris effet, l’administration ne pouvait retirer cette décision créatrice de droit que par une décision motivée conformément aux exigences de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. »

Or, constate-t-elle « il ressort des pièces du dossier que l’arrêté de retrait du 9 mars 2022 se borne, après avoir visé notamment l’arrêté du 1er mars 2022 autorisant le détachement de son agent, à mentionner à son article 1er que  » l’arrêté du 1er mars 2022 portant détachement sortant de Mme A… est rapporté « . De telles mentions ne sauraient satisfaire aux exigences de motivation prévues par les dispositions citées ci-dessus de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. »

Cet arrêt peut être consulté :

– dans le cahier n° 44 de la CAA de Nantes (p. 14 avec un commentaire) à partir du lien suivant :

Cahiers de jurisprudence n°44

– ou sur le site Légifrance à partir de ce lien :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049336475?init=true&page=1&query=22NT04121+&searchField=ALL&tab_selection=all


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