S’ouvrent les portes du recours du contribuable contre les décisions des CCAS ayant une incidence financière [VIDEO et article]

Nouvelle diffusion 

Le Conseil d’Etat ouvre grandes* les portes de la recevabilité des contribuables communaux contre les délibérations des CCAS ayant une incidence financière. Voyons cela au fil d’une vidéo et d’un article, tous deux fort brefs.


* oui « grandes » s’accorde. Il s’agit (comme pour « bon ») d’une exception à la règle d’invariabilité de l’adjectif employé comme adverbe. Voir ici par exemple


 

I. VIDEO (58 secondes)

 

https://youtube.com/shorts/6ozNHdN1PO0

 

 

II. ARTICLE

 

Un contribuable communal a intérêt à agir, au contentieux, pour demander l’annulation d’une délibération du CCAS ayant accordé la protection fonctionnelle à l’un de ses agents.

Bref, le Conseil d’Etat ouvre grandes* les portes de la recevabilité des contribuables communaux contre les délibérations des CCAS ayant une incidence financière.


 

Depuis 1901, lorsqu’une délibération a pour objet l’inscription d’une dépense au budget de la commune, tout contribuable a intérêt à engager un recours contre cette délibération.

Source : CE, 29 mars 1901, Casanova, Canazzi et autres, n° 94580, rec. p. 33. Pour un exemple récent s’agissant des contentieux sur la légalité, ou non, des subvention aux associations oeuvrant pour secourir des migrants en Méditerranée, voir CE, S., 13 mai 2024, n° 474652.

Le Conseil d’Etat avait même par exemple en 2020 admis que l’auteur d’un recours « Tarn-et-Garonne » puisse fonder son intérêt à agir sur sa qualité de contribuable local, si le contrat en cause est susceptible d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité (CE, 27 mars 2020, M. , n° 426291, rec. p. 164).

NB : régime de recevabilité à ne pas confondre avec la procédure propre à l’action contentieuse du contribuable au nom de la commune ou de l’EPCI [voir ici à ce sujet une VIDEO et un article], même si bien sûr ces deux sujets ont de nombreuses problématiques communes. Rappelons aussi que les élus ont un intérêt à agir en propre qui est plus largement admis (pour l’intérêt à agir d’une élue communale contre une décision de CCAS, voir par exemple TA de Nice, 27 février 2024, n° 2101999).

Or, voici que le Conseil d’Etat vient d’admettre qu’un contribuable communal a intérêt à demander l’annulation d’une délibération du CCAS ayant accordé la protection fonctionnelle à l’un de ses agents.

Ce contribuable ne finance pas directement le CCAS : il paye ses impôts à la commune qui finance le CCAS…. qui dépense ensuite. Mais ce lien reste donc assez direct pour le Conseil d’Etat.

Des juridictions l’avaient déjà admis mais avec des exigences particulières en matière de montant de dépenses. Citons par exemple :

« 2. En premier lieu, lorsque la délibération d’un établissement public communal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de la commune dont dépend cet établissement n’est recevable à en demander l’annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d’une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir. »
source : TA La Réunion, 2e ch., 31 janv. 2023, n° 2100713. 

Cette position du TA de La Réunion exigeant un montant significatif pour que puisse agir le contribuable pouvait sembler concorder avec les exigences de l’arrêt 426291 précité. Mais ce dernier étant en matière de recours « Tarn-et-Garonne »… il fallait y voir sans doute une exigence portant moins sur le principe des actions des contribuables que sur le régime de ce type particulier de recours.

Mais la formulation du TA de La Réunion a été durcie encore par la CAA de Bordeaux avec une formulation plus restrictive, imposant une incidence directe et certaine à prouver par le requérant :

« lorsque la délibération d’un CCAS emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de la commune dont dépend cet établissement public communal n’est recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir d’une délibération d’un tel établissement que s’il établit que cette décision a une incidence suffisamment directe et certaine sur les finances de la commune.
4. M. C…, qui invoque sa qualité de contribuable de la commune de La Possession, fait valoir notamment que la situation financière du CCAS est fragile et que les délibérations en cause ne fixent aucune limite quant aux actions et au quantum de la prise en charge dont bénéficient Mmes M. et L. Toutefois, il n’établit pas que lesdites délibérations comportent nécessairement une incidence directe et certaine sur les finances de la commune.»
source : CAA Bordeaux, 22 octobre 2024, 23BX01202

Cette CAA avait déjà adopté la même position par sa décision n°19BX03009 du 25 avril 2022… et cet arrêt qui vient d’être invalidé par le Conseil d’Etat, lequel a admis plus largement cet intérêt à agir du contribuable communal contre une décision du CCAS engageant des dépenses.

La Haute Assemblée a ainsi posé que :

« Dès lors que l’équilibre du budget du CCAS est assuré par une subvention du budget communal, la décision litigieuse, mettant à la charge du CCAS des dépenses supplémentaires, a par elle-même une incidence directe sur le budget communal, qui suffit à conférer à un requérant établissant sa qualité de contribuable communal un intérêt pour agir.»

En l’espèce, la dépense était certaine quoiqu’indirecte, puisque la délibération attaquée était celle par laquelle le CCAS accordait la protection fonctionnelle à sa présidente et à sa vice-présidente dans le cadre des poursuites pour harcèlement moral engagées par M. C…, ancien directeur du même établissement.

 

Source :

Conseil d’État, 20 décembre 2024, n° 466130, aux tables du recueil Lebon


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