Quelques quelques grandes règles s’appliquent en matière d’égalité d’accès aux infrastructures, notamment sportives, municipales (I). Très classiquement, en 2025, ces principes viennent d’être rappelés par le TA de la Réunion puis par TA de Cergy-Pontoise d’une manière qui rappelle de près une jurisprudence de 1998 (II).

I. Rappels de quelques grandes règles en matière d’égalité d’accès aux infrastructures, notamment sportives, municipales
Les collectivités sont libres d’aider, ou non, une association. Une commune peut refuser à une association une subvention, puis accorder cet avantage à une autre.
Cette liberté leur permet de dire oui ou non à tel ou telle demande, sauf engagement de cette collectivité (cas des conventionnements pluriannuels, non sans limites d’ailleurs).
Mais ces distinctions doivent alors être justifiées par des différences de situation objectives ou par des nécessités d’intérêt général. Lors de ces réponses positives ou négatives à telle ou telle demande d’aide, la collectivité doit se justifier. Sur ces justifications, en opportunité, le juge n’exercera qu’un contrôle limité. Mais tout de même.
Ainsi le Conseil d’Etat a-t-il censuré une subvention départementale plus généreuse pour une association des personnels du Conseil général que pour une association des personnels de la préfecture, ce qui pourtant n’allait pas de soi.
Sources : art. L. 2144-3 du CGCT ; CE 20/1/89 Finistère n° 73850, rec. T. 458 ; sur l’occupation à fins politiques la jurisprudence est souple mais impose une égalité de traitement. Dans le sens de la liberté des collectivités voir CE 21/3/90 Roque-d’A., n° 76765, Rec. p. 74 et CAA Lyon 30/5/2006 Lyon n° 01LY01853, quoique sur le motif politique il faille prendre quelques mesures de prudence comme le posait CE 30/4/97 Monsoult, n° 157115. Et, surtout, comme toujours, avec égalité de traitement CE 15/3/96 Cavin, n° 137376, rec., 16 et CAA Nantes 24/6/99 Penelle n° 96NT00832.
Autre jurisprudence intéressante : une commune a méconnu le principe d’égalité entre les usagers des services publics en fixant des tarifs de location des salles municipales différents selon que les usagers sont des associations subventionnées par la commune, des associations non subventionnées ou des associations extérieures à la commune. De telles discriminations touchant, cette fois, à l’affichage municipal s’avèrent encore plus sanctionnées par le juge s’il est saisi.
Nombre de cas concernent les installations sportives, avec un exemple intéressant : a également été annulée une délibération par laquelle une commune avait confié l’exclusivité d’un stand de tir à la principale association de ce sport. Une autre, bien plus modeste en adhérents, mais tout autant adhérente à la Fédération sportive correspondante, y a vu malice. Elle a attaqué la décision municipale et, là encore, le Conseil d’Etat lui a donné raison. La commune aurait du partager, plus ou moins au nombre d’adhérents, l’usage du stand de tir :
« Considérant que par une convention signée le 15 décembre 1982 et renouvelable par tacite reconduction le 31 décembre de chaque année, sauf dénonciation expresse de l’une ou l’autre partie susceptible d’intervenir à tout moment, la commune de Malesherbes a mis à la disposition, à titre exclusif, de l’association dénommée « Société de tir de Malesherbes », des locaux communaux à usage de stand de tir, à charge pour l’association d’en assurer l’entretien courant ; que le maire de Malesherbes, après avoir refusé aux pratiquants du tir sportif adhérents de l’association « Ecole de tir de compétition de Malesherbes » l’accès aux locaux susmentionnés en raison des stipulations de la convention conclue avec la « Société de tir de Malesherbes », a rejeté la demande tendant à ce que la commune renonce à la reconduction de cet acte, présentée par M. X… en son nom personnel et au nom de l’association « Ecole de tir de compétition de Malesherbes » qu’il préside ;
« Considérant, d’une part, que la circonstance que l’association « Société de tir de Malesherbes » compte davantage de pratiquants que l’association « Ecole de tir de compétition de Malesherbes » ne constitue pas, au regard de la destination des locaux communaux en cause et dès lors qu’il est constant que lesdites associations sont toutes deux adhérentes à la Fédération française de tir, une différence de situation de nature à justifier que la seconde soit privée de tout accès au stand de tir ; que, d’autre part, si l’association « Société de tir de Malesherbes », dont il n’est pas contesté qu’elle n’utilise le stand de tir que trois soirées par semaine, a donné pleine satisfaction pour l’entretien des locaux, l’exclusivité qui lui a été accordée ne peut être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme justifiée par les nécessités de l’administration des propriétés communales ou tout autre nécessité d’intérêt général ; qu’ainsi la décision attaquée qui a pour effet de permettre que se perpétue une situation qui porte atteinte au principe de l’égalité de traitement entre les usagers, est entachée d’illégalité et doit être annulée ;»
Source : CE 8/4/98 Frequelin n° 165284
Des associations ont même obtenu que des communes soient condamnées à leur verser, à ce titre, des dommages et intérêts. Citons un cas emblématique qui ne saurait être détaché des frasques de son maire d’alors :
« Considérant que si, de 1968 à 1983, le conseil municipal de Levallois-Perret a consenti à l’association l’ENTENTE SPORTIVE LEVALLOISIENNE des subventions afin de contribuer au développement des activités sportives dans la commune, il n’avait à cet effet ni conclu un contrat ni souscrit un engagement pour une durée déterminée ; qu’il s’était borné à ouvrir, dans le budget communal, des crédits qui étaient annuels comme le budget lui-même ; que, par suite, la diminution des subventions, survenue à partir de 1984, ne saurait être constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
« Considérant qu’une personne morale de droit privé ne dispose d’aucun droit au maintien dans un local municipal mis gracieusement à sa disposition ; qu’ainsi, l’expulsion de l’association L’ENTENTE SPORTIVE LEVALLOISIENNE de ce local, demandée par la commune et définitivement prononcée par le juge judiciaire, ne saurait davantage constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique ;
«Mais considérant qu’il résulte de l’instruction que la commune de Levallois-Perret a, notamment au cours de l’année 1985, fait interdire à plusieurs reprises l’accès des installations sportives communales aux seuls membres de l’association L’ENTENTE SPORTIVE LEVALLOISIENNE alors que ni la bonne administration de ces installations, ni les nécessités de l’ordre public ne l’imposaient ; que l’attitude discriminatoire de la commune est ainsi constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de l’association ;»
Source : CAA Paris 20/2/92 Ass. entente sp. leval., n° 89PA02184, rec. p.806 ; voir aussi CE-CAP 29/1/93 Levallois-P. n°136598.
ATTENTION parfois il peut même y avoir des règles de concurrence et de publicité à respecter, même hors marchés publics et même hors, parfois, application des règles du code général des propriétés des personnes publiques. Voir à ce sujet : Contrats et domaine : les apports des arrêts du 2 décembre 2022 [VIDEO et article]
Mais, presque toujours, les associations ont entre elles des différences de secteur d’intervention ou de méthodes de travail qui conduisent la collectivité à avoir le droit de préférer aider l’une plus que l’autre, voire à aider l’une et pas l’autre.
Et il ne faut pas perdre le lien avec la collectivité qui aura souvent beau jeu de trouver une raison aux baisses de subventions. Il importe donc pour l’association de faire état de ses griefs en restant dans un cadre diplomatique très subtil…
De plus en plus souvent, c’est la collectivité elle-même qui tente de rendre moins arbitraire les attributions d’aides aux associations. Se multiplient ainsi (suivant l’exemple, souvent cité, de Brest) les grilles d’analyse des demandes de subventions selon toute une batterie de critères (intervention dans les quartiers délicats ; méthodes utilisées ; etc.).
Cette technique présente parfois l’avantage de réduire le favoritisme « au pifomètre ». Au risque d’une forte complexité opérationnelle…
Autres sources : TA Versailles, 18/05/98, n° 96240, CE 15 oct. 1969, Assoc. Caen-Demain, Lebon 435 ; 8 juill. 1970, Cne de l’Hermitage, Lebon 469 ; CE 21 avr. 1972, Ville de Caen, Lebon 302 ; TA Versailles, 18 mai 1998, Wiltzer c/ Cne de Longjumeau, Lebon T. 708 ; TA Amiens, 31 oct. 1978, Hosten, Lebon T. 689 ; CAA Paris, 22 avr. 2004, Territoire de la Polynésie française, AJDA 2004. 1592, concl. Haïm ; CAA Paris, 20 févr. 1992, Assoc. l’entente sportive levalloisienne, req. no 89PA02184 , Lebon T. 705 ; sur l’égalité de traitement au stade de l’affichage voir CE 31/07/1996, n° 163790.
NB : ô mais des parties entières de ce qui précède ressemble fort à un article publié dans la revue Associations Mode d’Emploi me direz-vous ? Réponse OUI et je n’en rougis guère puisque j’étais l’auteur dudit article.

II. Rappels en 2025 par deux TA d’un manière qui rappelle l’arrêt Frequelin précité
Comme en écho, à quelques années de distance … et parfois quelques milliers de km, l’arrêt Fréquenlin vient d’être rejoué par deux TA.
II.A. Application réunionnaise… conduisant les gaulois à enfin gagner une guerre
Fort de ces vénérables jurisprudences, le juge des référés du TA de La Réunion n’a guère eu à bouleverser le droit en suspendant la décision du maire de Bras Panon d’interdire l’accès aux terrains sportifs et aux locaux municipaux à une association, dénommée «Jeunesse Sportive Gauloise ».
Par une décision du 14 janvier 2025, le maire de cette commune avait interdit à ladite association l’accès aux terrains sportifs et aux locaux municipaux.
Le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à la demande de l’association et a suspendu la décision du maire de Bras Panon.
Il a estimé, d’une part, que la condition d’urgence était remplie dès lors que la mesure contestée, qui a pour effet de priver l’association requérante de la possibilité pour ses équipes sportives de s’entraîner et de participer aux compétitions régionales dans lesquelles elles sont engagées, porte atteinte de manière grave et immédiate à ses intérêts et à ceux de ses membres.
Le juge a, d’autre part, retenu que la légalité de la décision présentait un doute sérieux au regard du principe du respect d’une procédure contradictoire préalable et de l’atteinte à la liberté d’association.
Le juge a donc fait droit à la demande, en parfait remake de l’arrêt CE 8/4/98 Frequelin n° 165284 précité.
Source :
TA La Réunion, ord., 21 mars 2025, Association Jeunesse sportive Gauloise, n°2500303

II.B. Re-jeu dans les Hauts-de-Seine
C’est à peu près exactement la même affaire qui vient d’être rejouée par le TA de Cergy-Pontoise dans une commune altoséquanaise que je ne citerai pas car j’ai le maire en grande estime.
Voici cette décision :
Dans une affaire de boxe où les coups ont volé bas.

VOIR AUSSI CETTE VIDEO (4 mn 51)

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