Indemnisation en responsabilité administrative : le juge traque les potentiels doublons (d’indemnisation avec le judiciaire ; avec les allocations…)

En matière d’indemnisation en responsabilité administrative, il y a déduction (en montants globaux) des indemnisations déjà accordées au judiciaire. Ce mode d’emploi vient d’être affiné en cas d’assistance par une tierce personne (notamment déduction des allocations correspondantes) et/ou de responsabilités partagées. Dans un sens qui prolonge et précise la jurisprudence antérieure.

Bref, tel Panoramix, le Conseil d’Etat refuse de donner une double ration de la potion magique, notamment à qui en a déjà pris quand il était plus petit.  


En matière de responsabilité de la puissance publique, il est possible que le juge administratif intervienne alors qu’une indemnité avait déjà été allouée par le juge judiciaire.

En pareil cas, il y a bien déduction de ces sommes jugées au judiciaire, avant calcul de ce qui sera versé par l’administration. Ainsi en 2021 le Conseil d’Etat avait-il jugé que :

« la décision du juge administratif ne pouvant avoir pour effet de procurer à la victime une réparation supérieure au montant du préjudice subi, il y a lieu, pour celui-ci, de diminuer la somme mise à la charge de l’hôpital dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d’autres juridictions excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, de l’accident et des conditions de sa prise en charge par l’hôpital.»
Source : CE, 27 décembre 2021, Mme et autres, n° 435632, rec. T. pp. 895-907

NB : pour l’épilogue de cette même affaire, en 2023, avec d’autres apports, voir ici.

Cet arrêt de 2021 conduisait déjà à estimer que de telles déductions ne s’appréciaient sans doute pas de préjudice par chef de préjudice… Mais bel et bien de manière globale.

Cela vient d’être confirmé par la Haute Assemblée, avec par surcroît, des précisions sur :

  • les indemnités allouées au titre des frais d’assistance par une tierce personne. Il y a bien alors déduction d’office des prestations prenant en charge les mêmes frais (voir déjà : CE, 26 juillet 2018, Mme , n° 408806, rec. T. pp. 912-913) –
  • le cas où une personne publique n’est tenue de réparer qu’une fraction du dommage : il y a bien, alors, déduction uniquement dans la mesure requise pour éviter que le cumul de la prestation et de l’indemnité excède les dépenses nécessaires aux besoins d’aide par tierce personne. 

D’où le futur résumé des tables que voici :

1) Lorsque la victime d’un dommage a déjà été indemnisée par une autre juridiction des préjudices qu’elle subit en raison de ce dommage, il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l’indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d’empêcher que sa décision n’ait pour effet de procurer à la victime une double indemnisation. Pour y procéder, il y a lieu de déduire, de manière globale, et non chef de préjudice par chef de préjudice, les indemnités précédemment allouées de la somme mise à la charge de la personne publique responsable. 2) a) Lorsque le juge administratif indemnise la victime d’un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d’abord l’étendue de ces besoins d’aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l’indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu’il résulte de l’instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d’office de l’indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d’instruction pour en déterminer le montant. b) Lorsque la personne publique n’est tenue de réparer qu’une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l’indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d’aide par tierce personne. Une cour commet une erreur de droit en déduisant du montant d’une indemnité le montant annuel de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) que la victime était appelée à percevoir à l’avenir, alors qu’il lui appartenait, dès lors que l’établissement responsable du dommage n’était tenu de réparer qu’une fraction du dommage corporel, de ne procéder à cette déduction que dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette prestation et de l’indemnité versée à ce titre excède les dépenses nécessaires à ses besoins d’aide par tierce personne. »

Source :

 

Conseil d’État, 24 juillet 2025, n° 476397, aux tables du recueil Lebon

Voir aussi les conclusions de M. Florian ROUSSEL, Rapporteur public :

 

 



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