Responsabilité hospitalière : comment réparer un préjudice futur d’une victime dont on ne sait pas encore quand elle sera hébergée, ou non, en établissement spécialisé ?

A cette question, le juge vient logiquement de répondre par un régime fixant des alternatives, dans la lignée de sa jurisprudence antérieure  (CE, 25 juin 2008, CPAM de Dunkerque, n° 235887, rec. p. 232 ; voir aussi CE, 30 septembre 2022, n° 460620, au rec.).

Dans sa décision, précitée, de 2008, le Conseil d’Etat avait posé (pour citer les tables), que :

« Lorsque le juge ne peut déterminer si l’enfant, victime de dommages dus à la faute commise par un centre hospitalier, sera placé dans une institution spécialisée ou s’il sera hébergé au domicile de sa famille, il accorde à l’enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, calculée sur la base d’un taux quotidien, et condamne le responsable du dommage à rembourser à l’organisme de sécurité sociale les frais d’hébergement en institution spécialisée sur frais justificatifs présentés à ce responsable. »

C’est donc ce même mode d’emploi qui est affiné désormais par le même Conseil d’Etat, lequel pose que si le juge n’est pas en mesure de déterminer, lorsqu’il se prononce sur l’indemnisation du préjudice résultant pour la victime d’un dommage corporel de la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, si cette victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient :

  1. de lui accorder :
    1. d’une part une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre,
    2. et d’autre part une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l’indemniser des frais liés à son hébergement dans l’institution spécialisée.
  2. de prévoir l’actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l’exécution :
    1. au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l’évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu’au titre de l’assistance par une tierce personne. 
    2. mais en posant que cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondant à l’indemnisation qui lui est due.

 

On le voit, au lieu d’un régime de remboursement sur justificatifs pour la part  « hébergement », on glisse vers une rente à ce sujet avec actualisation, régime qui évite au moins pour cette part « hébergement » des difficultés d’avance de trésorerie pour les familles concernées.

 

Source :

Conseil d’État, 21 mars 2023, n° 435632, aux tables du recueil Lebon

Voir les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public :