Quelle indemnisation d’une commune, non cocontractante donc, en cas de méconnaissance d’un contrat de plan Etat-Région ? Et peut-elle se faire indemniser de travaux engagés sur la foi de ce contrat, d’une part, et de promesse faites — mais non tenues — par la région, d’autre part ?
Réponse du TA de Lyon : indemnisation au titre du contrat de plan Non car elle n’en est pas cocontractante, mais au titre de promesses non tenues, oui.
A la base, un contrat de plan entre l’Etat et une région dans le droit des années 1980 pouvait « engager, le cas échéant, la responsabilité d’une partie vis-à-vis de son co-contractant », même si ce contrat ne pouvait pas être utilement invoqué comme moyen de légalité à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision administrative par ailleurs (CE, Ass., 8 janvier 1988, Min. du Plan c/ Strasbourg, affaire du Synchrotron, n° 74361, au rec..).
Une telle responsabilité pouvait d’ailleurs, en cas d’abandon d’un projet par l’Etat, être engagée (voir par exemple CE, 7 mars 2008, 290259, aux tables).
Et bien sur un tel contrat sera administratif relevant du juge administratif (voir par extension de TC, 21 mars 1983, Union des Assurances de Paris, n° 02256).
Les jurisprudences en matière de contrats de plan Etat-Région semblent aller dans le même sens :
- ce qui est prévu au contrat ne peut être réclamé par les tiers et méconnaitre les stipulations d’un tel contrat ne sera pas un moyen de droit contre les actes unilatéraux de ces collectivités (CE, 25 octobre 1996, Association Estuaire-Ecologie, n°169557, au rec. ; à comparer avec l’arrêt d’Assemblée de 1988 précité).
- mais méconnaître les stipulations d’un tel contrat peut engager la responsabilité de celui des deux cocontractants publics qui ne respecte pas ses engagements (TA Lyon, 4e ch., 14 avr. 2025, n° 2309212), mais sans que la jurisprudence soit très stabilisée sur ce point (en sens inverse voir TA Marseille, 6e ch., 31 mars 2023, n° 2009980).
Or, voici qu’une affaire concernant la commune de Givors éclaire d’un jour intéressant ces litiges.
Dans le cadre du contrat de plan Etat-Région 2015-2020 piloté par la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de Givors devait bénéficier d’un financement pour une opération de renouvellement urbain du quartier des Vernes. Par une délibération du 18 mai 2017, la commission permanente du conseil régional a adopté la liste définitive des sites relevant d’une politique régionale confirmant que le quartier des Vernes était retenu pour une intervention financière de la région. Enfin, par une délibération du 24 février 2021, la commission permanente du conseil de la région Auvergne-Rhône-Alpes a approuvé la signature d’une convention de partenariat entre la ville de Givors, la Métropole de Lyon et la région incluant l’opération de réhabilitation du quartier des Vernes et un engagement de la région à hauteur de 2,4 millions d’euros, tout en fixant la date limite du 30 juin 2021 pour engager les travaux faisant l’objet de la subvention.
La commune de Givors ayant engagé les travaux et la région Auvergne-Rhône-Alpes n’ayant en définitive pas versé la subvention attendue, elle a demandé au tribunal de condamner la région à l’indemniser de cette absence de versement.
OUI mais la commune était tierce au contrat de plan Etat Région. Conformément aux jurisprudences précitées (CE, Ass., 8 janvier 1988, Min. du Plan c/ Strasbourg, affaire du Synchrotron, n° 74361 et par analogie CE, 25 octobre 1996, Association Estuaire-Ecologie, n°169557, au rec)… elle ne pouvait donc se plaindre à titre indemnitaire (ou de légalité) des violations, par la région, des engagements conclus entre elle et l’Etat.
C’est pourquoi le tribunal a tout d’abord exclu la responsabilité contractuelle de la région en l’absence de signature du contrat de partenariat approuvé par la délibération du conseil régional du 24 février 2021.
En revanche, le TA de Lyon considère que les différentes délibérations que la région Auvergne-Rhône-Alpes a adoptées concernant la réhabilitation du quartier des Vernes à Givors révèlent un engagement précis et formel de la région de financer le projet à hauteur de la somme de 2,4 millions d’euros.
Le tribunal, qui relève que les travaux de réhabilitation ont été engagés avant le 30 juin 2021, date limite pour pouvoir bénéficier de la subvention, retient dès lors que l’absence de versement de cette subvention à la commune de Givors constitue une promesse non tenue.
En conséquence, il juge que la commune de Givors est fondée à demander l’indemnisation du préjudice subi du fait d’une promesse non-tenue, à hauteur du montant de la subvention envisagée soit 2,4 millions d’euros.
Ce qui est intéressant mais un peu hardi quant à la détermination du quantum de cette indemnisation… car le juge, pour les indemnisations pour promesses non tenues, a l’habitude de prendre en compte le degré de connaissance de ceux qui croient aux promesses qui leurs sont faites.
Voir par exemple TA Cergy-Pontoise, 16 janvier 2025, Groupe Duval et al., n°2105690; Sur le cas des engagements contractuels mâtinés de promesses voir CE, 18 janvier 1985, Aix-en-P., n° 51534, rec. T p. 686.
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