L’omission d’une publicité, pourtant obligatoire, en amont de l’adoption d’un acte, sera, parfois, « Danthonysable »

Un vice de procédure (et, par extension, de forme) peut parfois ne pas entraîner l’illégalité d’un acte. En ce domaine, les juristes jargonnent désormais en s’interrogeant, au cas par cas, sur le point de savoir si tel ou tel vice est, ou n’est pas, « danthonysable » :

« si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE Ass., 23 décembre 2011, Danthony, n°335033, publié au Rec. p. 649 ; GAJA 21e éd. n°112).

Il en résulte une grille de lecture simple. Un vice de procédure n’entraîne l’illégalité d’une décision que :

  • soit s’il a privé les intéressés d’une garantie
  • soit s’il a été susceptible d’influencer le sens de la décision…

 

NB : voir Jurisprudence Danthony : 11 ans… et quel bilan ? [VIDEO] 

En matière par exemple de changement de nom ayant « pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré » (au sens de l’article 61 du code civil), par exemple, il avait été jugé qu’omettre « la formalité de publication au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales de l’arrondissement de résidence du demandeur des demandes de changement de nom patronymique » n’était pas Danthonysable car « cette irrégularité ne peut être regardée comme insusceptible d’avoir eu une incidence sur le sens de la décision prise » (j’y aurais quant à moi plutôt vu la privation d’une garantie quitte à élargir la notion « des intéressés » dans la formulation désormais sacramentelle de l’arrêt Danthony mais bon…).

Source : Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 29/04/2013, 359472

Mais il est intéressant (quoique non totalement surprenant) de voir que le juge administratif reste souple et continue de privilégier une approche au cas par cas en ce domaine.

Car si en revanche dans une procédure relevant schématiquement  du même régime, il peut arriver que l’omission de cette publicité soit Danthonysable.

Voici à ce sujet un extrait du futur résumé des tables du rec. tel que préfiguré par celui de la base Ariane (le soulignement est de nous)  :

«  ejet par la garde des sceaux, ministre de la justice de la demande de Mme X tendant à adjoindre à son nom celui de « de Rouffignac ». Rejet par le tribunal administratif du recours présenté par Mme X contre cette décision. Annulation du jugement par un arrêt de la cour administrative d’appel, devenu définitif, et injonction au garde des sceaux, ministre de la justice de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant le changement de nom sollicité. Décret autorisant Mme X à changer son nom en « Arbellot de Rouffignac ». Opposition à ce décret devant le Conseil d’Etat. 1) Demandeur résidant en France et ayant fait procéder à la publication d’insertions comportant les indications prévues par l’article 3 du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994, d’une part, au Journal officiel de la République française (JORF) et, d’autre part, à la Gazette du Palais. S’il est soutenu que la Gazette du Palais, diffusée à Paris, dans l’arrondissement de résidence du demandeur, n’était pas un journal désigné pour les annonces légales dans cet arrondissement pour l’année en cause, une telle irrégularité, à la supposer établie, ne saurait toutefois, eu égard aux raisons ayant conduit à l’intervention du décret, avoir eu d’influence sur le sens de la décision, ni, dans les circonstances de l’espèce, avoir privé l’auteur du recours en opposition d’une garantie. »

 

Cette décision (intéressante aussi en termes de recours en opposition au titre de ce régime ; voir ici), sera utile pour ceux qui, au contentieux, auront à argumenter à propos de tel ou tel vice, allégué, tiré d’une absence de publication à un JAL (journal d’annonces légales) ou d’une autre mesure de publicité en amont de l’adoption d’un acte administratif.

 

Source :

Conseil d’État, 24 février 2023, n° 465061, publié au recueil Lebon

Conclusions de M. Philippe RANQUET, Rapporteur public :