Mineurs en danger : compétence du juge administratif et responsabilités du Président du Conseil départemental ; application aux appels passés au 119

Le 119 est le numéro national d’appel au Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (prévu par l’article L. 226-6 du CASF). Voir :

Les enfants, adolescents et jeunes majeurs jusqu’à l’âge de 21 ans, ainsi que les adultes confrontés ou préoccupés par une situation de maltraitance d’un enfant, peuvent contacter ce numéro « 119 », et ce 24h/24, 7j/7. Un tel appel est gratuit (fixes, mobiles, cabines…) et intraçable (invisible sur les factures détaillées, il n’apparaît sur aucun relevé de téléphone).

C’est donc simple. En aval, la simplicité est moins de mise et c’est logique puisque peuvent intervenir tant l’ASE et, donc, le Président du Conseil départemental, que l’institution judiciaire. Avec des régimes de responsabilité et de compétence juridictionnelle qui, bien sûr, diffèrent.

D’où l’importance d’une nouvelle décision du Conseil d’Etat qui :

  • pose que le juge administratif est (logiquement) compétent pour connaître des  actes pris (même si c’est en amont d’une éventuelle intervention de l’autorité judiciaire) par l’autorité administrative pour l’exercice des missions de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui lui sont confiées. Le litige opposant des parents au service d’accueil téléphonique prévu par l’article L. 226-6 du CASF (119) relève donc de la compétence du juge administratif, dès lors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation de leur enfant mineur, participe à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au PCD concerné de recueillir, traiter et évaluer cette information.
  • rappelle les compétences du Président du Conseil départemental dans ces procédures.

 

Voici le futur résumé des tables du recueil Lebon, en ce domaine, tel que préfiguré par la base Ariane :

Abstrats :
« Actes non détachables d’une procédure judiciaire (1) – 1) Inclusion – Signalement à l’autorité judiciaire par le PCD d’un mineur en danger (I. de l’art. L. 226-4 du CASF) – 2) a) Exclusion – Transmission au PCD, par le service d’accueil téléphonique national, d’informations préoccupantes sur un mineur- b) Conséquence – Compétence de la juridiction administrative pour statuer sur le litige dirigé contre cette transmission.

Résumé :
« Il résulte des articles L. 226-6, L. 221-1 et L. 226-3 et du I de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et de l’article 375 du code civil que le président du conseil départemental (PCD) a compétence pour organiser la procédure de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs et qu’à cette fin, le service d’accueil téléphonique mentionné à l’article L. 226-6 du CASF doit lui transmettre immédiatement les informations qu’il recueille dans l’exercice de sa mission de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger. Il en résulte également que le PCD doit aviser sans délai l’autorité judiciaire lorsqu’un mineur est en danger au sens de l’article 375 du code civil, soit lorsque ce danger est grave et immédiat, soit lorsque les actions qu’il peut mettre en place à l’issue de cette évaluation ne permettent pas de remédier à la situation du mineur ou se heurtent à l’opposition de sa famille ou à l’impossibilité de celle-ci de collaborer avec le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), soit enfin lorsque l’évaluation de la situation est impossible. Dans ces hypothèses, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par l’autorité judiciaire, qui apprécie si la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. 1) Si l’avis donné en application de ces dispositions par le PCD à l’autorité judiciaire relatif à la situation de danger dans laquelle se trouve, selon lui, le mineur, n’est pas détachable de la décision prise par l’autorité judiciaire, 2) a) il n’en va pas ainsi des actes pris en amont par l’autorité administrative pour l’exercice des missions de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui lui sont confiées. b) Le litige opposant des parents au service d’accueil téléphonique prévu par l’article L. 226-6 du CASF relève de la compétence du juge administratif, dès lors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation de leur enfant mineur, participe à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au PCD concerné de recueillir, traiter et évaluer cette information.»

(1) Rappr., pour des signalements en application de l’article 40 du code de procédure pénale (CPP), TC, 23 avril 2007, Mme c/ CHU de Dijon, n° 3451, p. 596 ; TC, 8 décembre 2014, M. c/ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, n° 3974, p. 475.»

 

 

Voici cette décision :

Conseil d’État, 20 juillet 2023, n° 463094, aux tables du recueil Lebon