Tierce-opposition, syndicat de copropriété et propriétaire… en cas de contravention de grande voirie.

La question de savoir qui peut représenter quoi et qui en cas d’instance en procédure de contravention de grande voirie a toujours eu sa part de complexité, étant rappelé que l’administration puis le juge doivent apprécier « la balance des intérêts en présence » (voir par exemple CE, 23 décembre 2010, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ commune de Fréjus, n° 306544, rec. p. 528).

En cas de tierce opposition et/ou de présence au contentieux de syndicats de copropriétés (alors que le sujet porte sur un propriétaire donné), l’affaire devient plus complexe encore.

Le Conseil d’Etat vient donc de clarifier ce point en posant que, pour citer le résumé des future tables du rec. :

 

« Lorsqu’il est saisi par le préfet d’un procès-verbal constatant une occupation irrégulière du domaine public, et alors même que la transmission n’est ni assortie, ni suivie de la présentation de conclusions tendant à faire cesser l’occupation irrégulière et à remettre le domaine public en l’état, le juge de la contravention de grande voirie est tenu d’y faire droit sous la seule réserve que des intérêts généraux, tenant notamment aux nécessités de l’ordre public, n’y fassent obstacle. Dès lors qu’il ne peut utilement se prévaloir, pour contester une décision juridictionnelle prescrivant la remise en état du domaine public, de ce que cette remise en état est susceptible de porter atteinte à ses propres intérêts privés, les intérêts d’un syndicat de copropriété et ceux du propriétaire des installations litigieuses sont, dans l’instance par laquelle ce dernier a été déféré comme prévenu d’une contravention de grande voirie au titre de l’occupation sans autorisation du domaine public, concordants. Le syndicat doit donc être regardé comme étant représenté devant la cour par cette société au sens de l’article R. 832-1 du code de justice administrative (CJA), de sorte que sa tierce opposition est irrecevable. »

Les faits de l’espèce éclairent la solution ainsi apportée.

Un préfet avait déféré une société et son gérant comme prévenus d’une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l’article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) pour occupation sans autorisation du domaine public maritime.

Le syndicat de la copropriété correspondante n’avait été ni présent, ni régulièrement mis en cause dans l’instance qui avait donné lieu dans cette affaire à un arrêt de la CAA.

Elle forme donc une requête en tierce opposition devant cette cour.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler que :

« 3. Lorsqu’il est saisi par le préfet d’un procès-verbal constatant une occupation irrégulière du domaine public, et alors même que la transmission n’est ni assortie, ni suivie de la présentation de conclusions tendant à faire cesser l’occupation irrégulière et à remettre le domaine public en l’état, le juge de la contravention de grande voirie est tenu d’y faire droit sous la seule réserve que des intérêts généraux, tenant notamment aux nécessités de l’ordre public, n’y fassent obstacle.»

… ce qui est très classique (voir à titre d’illustration CE, 23 décembre 2010, 306544, au rec.).

DONC on a le raisonnement suivant :

  • le juge de la contravention de grande voirie est tenu de faire droit à la demande visant à sanctionner une contravention de grande voirie sauf intérêts généraux y faisant obstacle
  • donc on a un contrôle objectif des conditions de réalisation de la contravention de grande voirie, d’un côté, et des  éventuels obstacles tirés des intérêts généraux, d’autre part
  • ce contentieux est donc objectif et un syndicat de copropriété faisant valoir ses intérêts n’y change rien… donc pas de tierce opposition.

 

D’où le rejet des demandes dudit syndicat faisant valoir par une tierce opposition (puis via un pourvoi) ses intérêts lésés :

« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le syndicat de la copropriété  » La Joie de Vivre  » n’a été ni présent, ni régulièrement mis en cause dans l’instance qui a donné lieu à l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 16 novembre 2018. Au soutien de la requête en tierce opposition qu’il a formée devant cette cour, ce syndicat soutenait que ses intérêts ne concordaient pas, dans l’instance de contravention de grande voirie, avec ceux de la société Westmead Production, propriétaire du lot n°1, dès lors que la destruction des ouvrages implantés sans autorisation sur le domaine public maritime était susceptible d’avoir des conséquences sur les parties communes de la copropriété, en particulier sur un mur de soutènement commun à tous les lots. Toutefois, dès lors qu’il ne pouvait, ainsi qu’il découle de ce qui est dit au point 3, utilement se prévaloir, pour contester le jugement du tribunal administratif de Nice prescrivant la remise en état du domaine public, de ce que cette remise en état était susceptible de porter atteinte à ses propres intérêts privés, le syndicat de copropriété n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel de Marseille aurait entaché son arrêt d’erreur de droit ou d’erreur de qualification juridique des faits en jugeant que, dans l’instance en cause, ses intérêts et ceux de la société Westmead Production étaient concordants, pour en déduire qu’il devait être regardé comme ayant été représenté en appel par cette société, au sens de l’article R. 832-1 du code de justice administrative.»

 

L’épilogue, encore non écrit, devrait dans un monde logique être celui d’une action (judiciaire) dudit syndicat contre ce propriétaire si réellement l’action de celui-ci a conduit à une démolition qui, ensuite, préjudicie aux intérêts du syndicat de copropriété. Mais logique rationnelle et copropriété ne font pas toujours bon ménage.

 

Source :

Conseil d’État, 13 novembre 2023, société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Westmead Production et son gérant, M. A,  n° 474211, aux tables du recueil Lebon