Peut-on décider que dans la commune aucun mariage ne sera célébré, des semaines durant ?

Avec divers événements, dont les JO, il peut arriver que des communes décident ou aient envie de décider de ne célébrer AUCUN mariage des semaines ou des mois durant.

Nul doute que la commune a quelques marges de manoeuvre dans l’organisation des mariages. Mais serait-ce légal d’aller aussi loin ?

La question m’a été posée à titre personnel, et non en tant qu’avocat, récemment.

Voici des éléments de réponse en quatre temps.

1/

Le principe reste que le mariage est célébré « le jour désigné par les parties, après le délai de publication » (article 75 du code civil).

2/

Le maire et ses adjoints sont officiers de l’état civil (article L. 2122-31 du CGCT). Dans le cadre de cette mission, le maire agit au nom de l’État sous l’autorité du procureur de la République (article 34-1 du code civil).

DONC sur ce point en cas de problème, les futurs époux peuvent le procureur (à titre civil ; pas de plainte au pénal !), lequel en ce domaine précis peut donner des instructions au maire …

3/

Les seuls cas où le maire peut surseoir au mariage sont prévus :

•  par l’article  175-2 du code civil complété par les points 384 et s. de l’IGREC (Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999, modifiée et régulièrement mise à jour)… est « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 du présent code » (mariage blanc « ou de complaisance » ; absence de consentement).

• par les articles 172 et s. du code civil et 391 et s. de l’IGREC sur l’opposition à mariage

A contrario, cela signifie que en dehors de ces deux cas, point de sursis à la célébration

4/

citons le point suivant de l’IGREC sur la date :

« B. – Jour de la célébration.

395 Le jour de la célébration est fixé par les parties (art. 75 C. civ.), sous réserve que le dossier de mariage soit complet. Toutefois, l’officier de l’état civil ne saurait être contraint – hormis le cas du mariage in extremis – de prêter son ministère les dimanches et jours de fêtes légales.

L’usage de réserver certains jours seulement de la semaine pour la célébration des mariages, ou de réclamer une somme d’argent aux personnes qui demandent à être mariées un jour autre que ceux fixés par l’administration communale est absolument irrégulier.

Le mariage peut avoir lieu à n’importe quelle heure de la journée. L’heure de la cérémonie est fixée par l’officier de l’état civil, après entente avec les parties et en tenant compte, dans toute la mesure possible, de leur desiderata.

Si plusieurs mariages doivent être célébrés au cours de la même journée, l’heure de chaque cérémonie doit être fixée de manière à éviter que les intéressés subissent une attente ou que plusieurs couples soient introduits en même temps dans la salle des mariages.

On rappellera le point 2/ ci-avant selon lequel l’officier d’Etat civil est sous l’autorité du Procureur de la République.

L’IGREC est donc pour l’élu une instruction donnée par l’Etat à un agent de l’Etat. Pas une suggestion.

Et si le problème en mairie repose sur les travaux, là encore des dispositions sont prévues pour pouvoir célébrer ailleurs le mariage (art. 74 et 165 du code civil ; points 392 et s. de l’IGREC).

Avec alors la répartition des compétences ici rappelée par un TA :

« 5. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales : « Le maire délégué remplit dans la commune déléguée les fonctions d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire. (…) » ; qu’aux termes de l’article 34-1 du code civil : « Les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République. » ; qu’aux termes de l’article 75 du code civil : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l’officier de l’état civil, à la mairie, en présence d’au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1er et 2), 214(alinéa 1er), 215 (alinéa 1er) et 220 du présent code. Il sera également fait lecture de l’article 371-1. Toutefois, en cas d’empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l’officier de l’état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l’un des futurs époux, l’officier de l’état civil pourra s’y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune. » ;

« 6. Considérant que, si un mariage doit en principe être célébré à la mairie de la commune, il peut être dérogé à ce principe soit dans les hypothèses visées par l’article 75 du code civil, soit, ainsi que l’a d’ailleurs prévu l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (IGEC), lorsqu’en raison de travaux à entreprendre sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut y être utilisée pour les mariages pendant une période déterminée ; que, dans cette dernière hypothèse, il appartient au conseil municipal, autorité compétente pour déterminer l’organisation des services de la commune et plus particulièrement l’implantation de la mairie, de prendre, après en avoir référé au parquet, une délibération disposant que le local extérieur qui paraît propre à suppléer l’habituelle salle des mariages rendue indisponible, recevra l’affectation d’une annexe de la maison commune, que des services municipaux pourront y être installés et que les mariages pourront y être célébrés ; que, dans ce cas, le procureur donne une autorisation générale pour le déplacement des registres ;»

Tribunal administratif de Dijon, 6 mai 2014, n° 1102626

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DONC la réponse est NON et si le problème est :

• de santé pour l’élu, des délégations existent

• de travaux pour la mairie, des solutions, susmentionnées, existent

• de planning, de sécurité et d’organisation, nul doute que la commune peut différer un peu, prendre en compte son agenda, mais pas adopter des mesures conduisant à repousser tout mariage sur le territoire de la commune pendant des semaines (sauf catastrophe majeure sur le territoire communal bien sûr conduisant à rendre légale cette mesure très très exceptionnelle).