Mur de soutènement d’une voirie : il y a en général accessoire indispensable au domaine public, et donc inclusion dans le domaine public routier… à la condition que le bien appartienne à une personne publique. En cas de doute sur ce dernier point, il existe même une présomption de propriété publique… mais c’est une présomption simple : s’il est clair que le bien n’appartient pas à une personne publique, alors le mur ne peut relever du domaine public. Le Tribunal des conflits vient de nous le confirmer.

En octobre 2018, la chute d’un arbre a provoqué l’effondrement partiel du mur de soutènement d’un chemin menant à un réservoir (château d’eau) et à un surpresseur.
Ce chemin, propriété de Mme S., est grevé d’une servitude de passage au profit notamment de la commune d’Argens-Minervois, à laquelle appartiennent le château d’eau et le surpresseur.
Le 25 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne a condamné Mme S. à effectuer les réparations nécessaires, mais a déclaré les juridictions de l’ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur l’appel en garantie formé par cette dernière à l’encontre de la commune.
Mme S. a alors saisi les juridictions administratives d’une demande de condamnation de la commune à lui verser une somme correspondant à 80 % du coût des réparations. Par arrêt du 1er octobre 2024, la cour administrative d’appel de Toulouse a, et en application de l’article 32 du décret du 7 février 2015, renvoyé au Tribunal le soin de décider de la question de compétence.
Le Tribunal des conflits avait donc à trancher les questions suivantes :
- quel est l’ordre de juridiction compétent pour connaître de la demande indemnitaire formée par le propriétaire d’une parcelle supportant un chemin, condamné à devoir réparer le mur de soutènement de ce chemin, à l’encontre de la commune qui peut emprunter ce chemin par l’effet d’une servitude de passage pour accéder à un château d’eau communal implanté sur une parcelle voisine ?
- Si le château d’eau est un ouvrage public et appartient au domaine public, le chemin et son mur de soutènement peuvent-ils être regardés comme en étant les accessoires ?
On le sait, un muret sera souvent un accessoire indispensable aux voies faisant partie du domaine public, au point d’être considéré comme étant une dépendance du domaine public à l’image des talus (CE, 29/10/31, de Chillaz, rec. T. p. 924 ; CE, 22/02/61, Dpt du Cantal, rec. T. 1045).
Bien sûr, pour qu’il y ait domanialité publique en pareil cas, cet accessoire indispensable devra être édifié sur une propriété publique, mais le Conseil d’Etat a même en ce domaine, sauf titre contraire, érigé une présomption de propriété publique en présence d’un mur de soutènement d’une voirie :
« 2. Considérant qu’en l’absence de titre en attribuant la propriété aux propriétaires des parcelles en bordure desquelles il est édifié ou à des tiers, un mur situé à l’aplomb d’une voie publique et dont la présence évite la chute de matériaux qui pourraient provenir des fonds qui la surplombent doit être regardé comme un accessoire de la voie publique, même s’il a aussi pour fonction de maintenir les terres des parcelles qui la bordent ;»
Source : CE, 15 avril 2015, n°36339
NB : pour une intéressante analogie avec le cas des chemins ruraux, voir CAA Marseille, 26 mai 2011, n° 10MA03424.
Mais cette présomption n’est pas sans limites. Le bien n’appartiendra pas au domaine public de la voirie si un titre de propriété ou un autre élément de preuve vient la contredire.
Ainsi, déjà, en 1970, le Conseil d’Etat avait eu à traiter des pouvoirs de l’administration sur un mur longeant la voie publique, mais implanté par un particulier, sur un terrain situé en contrebas de ladite voie lui appartenant. La Haute Assemblée avait posé que ce mur, « bien qu’il comporte une légère anticipation sur la route, n’appartient pas à une collectivité publique ; il ne fait pas partie du domaine public».
Source : CE, Sect. 8 mai 1970 Société Nobel-Bozel n°69324, rec. p. 312).
NB : ce qui ne veut pas dire que l’ouvrage n’est pas un ouvrage public (soit mitoyen soit irrégulièrement édifié sur domaine privé)… Voir par exemple CE, 16 décembre 2024, n° 490013. Voir : Rappel qu’on peut avoir un ouvrage public hors domaine public… illustration en matière de mur de soutènements de la voirie
54 après, bis repetita… le Tribunal des conflits a confirmé cette jurisprudence. Au point qu’on se demande un peu pourtant ce dossier est remonté si haut au lieu qu’on aie été chercher plus loin en jurisprudence pour y répondre.
Tout d’abord, rappelant qu’un bien ne peut appartenir au domaine public que s’il est la propriété d’une personne publique, le Tribunal retient que le chemin et son mur de soutènement, qui sont la propriété de Mme S., ne font pas partie du domaine public.
Ensuite, constatant que le chemin et le mur de soutènement ne sont pas incorporés à l’ouvrage public que constitue le château d’eau et ne peuvent être regardés comme étant affectés directement au service public de l’alimentation en eau potable, le Tribunal en déduit qu’ils ne présentent pas le caractère d’ouvrages publics.
Enfin, le Tribunal relève que la servitude grevant le chemin au bénéfice de la commune a été établie, sur le fondement de l’article 686 du code civil, par acte de droit privé. Il retient dès lors la compétence du juge judiciaire pour connaître du litige opposant Mme S à la commune.
CQFD.
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