Publication de la « loi PFAS »

Les pollutions aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) soulèvent de très nombreuses difficultés, pour les services des eaux et la santé publique notamment.

Les députés Nicolas THIERRY et autres avaient déposé une proposition de loi en ce sens (voir ici le projet ; et cf. là pour le dossier législatif).

Citons le début de l’exposé des motifs de cette proposition :

«Les PFAS représentent entre 4 000 et 12 000 substances. Ils sont un vaste groupe de composés, développés pour accroître la résistance des produits aux processus de dégradation. Emballages alimentaires, poêles anti‑adhésives, textiles, cosmétiques mais aussi mousses anti‑incendie, batteries, peintures, pesticides : tous ces produits peuvent contenir des PFAS, utilisés notamment pour leur imperméabilité, leur résistance à la chaleur ou à la lumière, leurs propriétés antiadhésives ou anti‑tâches.
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Les PFAS sont extrêmement persistants dans l’environnement. Leurs liaisons carbone‑fluor comptent parmi les liaisons chimiques les plus stables, ce qui les rend fortement résistantes aux dégradations biologiques naturelles et explique leur accumulation dans l’environnement et dans les organismes vivants, au point que les PFAS sont aujourd’hui également connus sous le nom de « polluants éternels ». Les PFAS sont retrouvés dans tous les milieux et plusieurs études ont montré leur présence dans le sang de pratiquement toute la population. En France, le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100 % du sang des adultes et des enfants testés ([1]).
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Les PFAS présentent des risques graves pour la santé humaine. La littérature scientifique sur les effets de l’exposition aux PFAS sur la santé humaine est abondante et dynamique. Plusieurs PFAS ont fait l’objet d’un nombre particulièrement important d’études ((acide perfluorooctanoïque (APFO ou PFOA en anglais), sulfonate de perfluorooctane (PFOS), Perfluorononanoic Acid (PFNA), PHxS) et les travaux abordent progressivement d’autres substances. Dans une synthèse sur le sujet ([2]), l’Agence européenne pour l’environnement expose de nombreux risques sanitaires préoccupants pour lesquels le niveau de certitude est élevé : maladies thyroïdiennes, taux élevés de cholestérol, lésions au foie, cancers du rein, cancers des testicules, retards de développement de la glande mammaire, réponses réduites aux vaccins, faibles poids à la naissance. L’Agence évoque, avec un niveau plus faible de certitude, d’autres risques pour la santé : cancers du sein, maladies inflammatoires de l’intestin, délais de grossesse plus longs, hypertension, obésité, pubertés précoces, risques accrus de fausses‑couches, nombre et mobilité plus faible des spermatozoïdes. S’agissant des deux molécules les plus étudiées, le PFOA et le PFOS, le Centre international de recherche sur le cancer les a classées « cancérogène pour les humains » et « cancérogène possible ». Dans un rapport de référence sur les PFAS, le Conseil nordique des ministres montre finalement que le coût annuel lié aux effets de ces substances sur la santé atteint 52 à 84 milliards d’euros en Europe ([3]).

 

La version initiale de la proposition visait à :

  • réduire l’exposition de la population aux PFAS en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS, tenant compte de la disponibilité d’alternatives aux PFAS pour les produits considérés (avec des échéances à 2025 et d’autres à 2027, avec des dérogations très limitées)
  • prévoir que le Gouvernement proposera au Parlement des normes sanitaires actualisées pour tous les PFAS.
  • appliquer le principe pollueur‑payeur à l’effort de dépollution (ajout des PFAS à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau.
  • créer une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les industries rejetant des PFAS dans l’environnement.

 

Cette proposition a depuis évolué, mais elle a abouti et la voici ce matin au JO :

En voici le texte :

  • I. – Le titre II du livre V du code de l’environnement est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

    « Chapitre IV
    « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées

    « Art. L. 524-1. – I. – Sont interdites, à compter du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de :
    « 1° Tout produit cosmétique contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées ;
    « 2° Tout produit de fart contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées ;
    « 3° Tout produit textile d’habillement, toute chaussure et tous agents imperméabilisants de produits textiles d’habillement et de chaussures destinés aux consommateurs contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, à l’exception des textiles d’habillement et des chaussures qui sont conçus pour la protection et la sécurité des personnes, notamment dans l’accomplissement des missions de défense nationale ou de sécurité civile, et dont la liste est précisée par décret.
    « II. – Sont interdites, à compter du 1er janvier 2030, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de tout produit textile contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, à l’exception des produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles, de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution et des textiles techniques à usage industriel, dont la liste est précisée par décret.
    « III. – Les interdictions prévues aux I et II ne s’appliquent pas aux produits contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées présentes en concentration inférieure ou égale à une valeur résiduelle définie par décret.

    « Art. L. 524-2. – Les articles L. 521-12 à L. 521-20 sont applicables à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions du présent chapitre.
    « Pour les besoins de leurs missions de recherche et de constatation de ces infractions, les fonctionnaires et les agents mentionnés à l’article L. 521-12 peuvent procéder aux opérations prévues à l’article L. 521-11-1 dans les conditions définies au même article L. 521-11-1. »

    II. – Après l’article L. 1321-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1321-9-1 ainsi rédigé :

    « Art. L. 1321-9-1. – Le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables inclut le contrôle, dans les eaux destinées à la consommation humaine, de la présence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées définies par décret. Il inclut également le contrôle des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées qui ne sont pas listées par le décret mentionné au présent alinéa, lorsque ces substances sont quantifiables et que leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales.
    « Le ministre chargé de la prévention des risques élabore, conjointement avec le ministre chargé de la santé, une carte, mise à la disposition du public par voie électronique et révisée au moins tous les ans, de l’ensemble des sites ayant émis ou émettant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans l’environnement. Cette carte comporte, lorsqu’elles sont disponibles, des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux. Les actions de dépollution et les seuils maximaux d’émissions de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sur l’ensemble des sites émetteurs sont fixés par arrêté. »

    III. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine.

  • Après l’article L. 523-6 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 523-6-1 ainsi rédigé :

    « Art. L. 523-6-1. – La France se dote d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles, de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.
    « Cette trajectoire, la liste des substances concernées ainsi que les modalités de mise en œuvre du présent article sont précisées par décret. »

  • Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement se dote d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables des services publics d’eau potable et d’assainissement, que cette gestion soit en régie ou déléguée. Ce plan présente les différentes ressources à la disposition des collectivités pour leur politique de dépollution, le rôle et les missions des agences de l’eau, le rôle de l’Etat dans l’accompagnement de ces politiques publiques ainsi qu’un calendrier prévisionnel.

  • L’article L. 213-10-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
    1° Au I et à la fin de la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « au IV » sont remplacés par les mots : « aux IV et IV bis » ;
    2° Après le IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
    « IV bis. – La redevance due par une personne exploitant une installation soumise à autorisation en application de l’article L. 512-1 et dont les activités entraînent des rejets de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées est assise sur la masse de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées rejetée par an en raison de ces activités dans l’eau, directement ou par un réseau de collecte. Le seuil de perception de la redevance est fixé à cent grammes. Le tarif de la redevance est fixé à 100 euros par cent grammes.
    « La liste des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sur lesquelles est assise la redevance prévue au premier alinéa du présent IV bis est définie par décret. »

  • Les agences régionales de santé rendent publics le programme des analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine, notamment les eaux conditionnées en bouteille, ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional. A partir de ces résultats, le ministre chargé de la santé publie chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France au regard des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.


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