Le Conseil constitutionnel valide la loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République

Le 21 décembre dernier, en Conseil des Ministres, avait été adopté un projet de loi organique qui vise en fait à aligner le droit de cette élection à ce que sont devenues, au fil de lois ordinaires, nos autres élections.

Voir :

 

Etait maintenant venue l’heure, pour ce texte, d’en passer par les griffes du Conseil constitutionnel… ce qu’il a fait sans encombre, ce jour (validation intégrale ; reconnaissance du caractère de loi ordinaire et non de loi organique pour une disposition, qui se trouve ainsi déclassée). 

Le Conseil constitutionnel a notamment jugé conformes à la Constitution :

– les dispositions de cette loi organique prévoyant que les candidats à l’élection présidentielle veillent à l’accessibilité de leurs moyens de propagande électorale aux personnes en situation de handicap ;

– l’ajout aux catégories de citoyens habilités à présenter un candidat à l’élection du Président de la République du président du conseil exécutif de Corse et du président du conseil exécutif de Martinique, ainsi que des vice-présidents des conseils consulaires ;

– les dispositions organiques fixant les modalités selon lesquelles les personnes détenues, placées en détention provisoire ou exécutant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale, peuvent voter par correspondance, sous pli fermé, à l’élection du Président de la République ;

– l’obligation faite aux candidats, pour la prochaine élection présidentielle, d’une part, d’éditer un reçu pour chaque don versé à un candidat au moyen d’un téléservice mis en œuvre par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et, d’autre part, de déposer leurs comptes de campagne auprès de la commission par voie dématérialisée au moyen de ce téléservice ;

– l’obligation, pour la prochaine élection du Président de la République, d’accompagner toute publication ou diffusion de sondage des marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire, établies sous leur responsabilité.

Le Conseil constitutionnel a constaté que n’ont pas le caractère organique les dispositions imposant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport comprenant une évaluation des moyens mis en œuvre par les candidats pour veiller à l’accessibilité de leurs moyens de propagande électorale aux personnes en situation de handicap ainsi qu’une analyse des évolutions juridiques et techniques nécessaires pour améliorer cette accessibilité, y compris lors des autres consultations électorales. Il juge que ces dispositions ont valeur de loi ordinaire.

 

Voici cette décision :

Décision n° 2021-815 DC du 25 mars 2021 – Loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République
Conformité – déclassement organique

 

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 12 mars 2021, par le Premier ministre, sous le n° 2021-815 DC, conformément au cinquième alinéa de l’article 46 et au premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République.

Au vu des textes suivants :

la Constitution ;
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
le code électoral ;
la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel ;
la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la république ;
la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;
la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 19 mars 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l’article 6 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de son article 46.

2. L’article 1er de cette loi organique est relatif à la convocation des électeurs. Les articles 2 à 6 portent sur la modification de certaines règles applicables aux opérations électorales pour l’élection présidentielle. Enfin, l’article 7 modifie les règles relatives aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection présidentielle.

– Sur la convocation des électeurs :

3. L’article 1er modifie la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus afin de déterminer le calendrier de publication du décret convoquant les électeurs pour l’élection présidentielle. Il prévoit que ce décret est publié au moins dix semaines avant le premier tour de scrutin lorsque l’élection a lieu dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 7 de la Constitution et sans délai lorsque l’élection intervient à la suite d’une vacance de la Présidence de la République ou d’un empêchement du Président de la République.

4. Cet article est conforme à la Constitution.

– Sur la modification de certaines règles applicables aux opérations électorales pour l’élection présidentielle :

5. Le paragraphe I de l’article 2, qui modifie la loi du 6 novembre 1962, dispose que les candidats à l’élection présidentielle veillent à l’accessibilité de leurs moyens de propagande électorale aux personnes en situation de handicap.

6. Le paragraphe II de l’article 2 impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport comprenant une évaluation des moyens mis en œuvre par les candidats pour satisfaire à l’obligation prévue par le paragraphe I ainsi qu’une analyse des évolutions juridiques et techniques nécessaires pour améliorer l’accessibilité de la propagande électorale aux personnes en situation de handicap, y compris lors des autres consultations électorales. Ces dispositions ne relèvent ni des matières que l’article 6 de la Constitution a placées dans le champ de la loi organique, ni d’aucune autre matière que la Constitution a placée dans ce champ. Par suite, le paragraphe II de l’article 2 de la loi organique a valeur de loi ordinaire.

7. Le paragraphe I de l’article 3 modifie l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962.

8. Son 1 ° prévoit que la publication de la liste des candidats intervient désormais au plus tard le quatrième vendredi précédant le premier tour de scrutin ou, en cas de vacance de la Présidence de la République ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, quinze jours au moins avant le premier tour de scrutin.

9. Ce même 1 ° et l’article 4 ajoutent aux catégories de citoyens habilités à présenter un candidat à l’élection du Président de la République le président du conseil exécutif de Corse et le président du conseil exécutif de Martinique, ainsi que les vice-présidents des conseils consulaires. Le 1 ° précise également les modalités selon lesquelles, pour les conseillers régionaux du Grand Est, les conseillers d’Alsace et les conseillers régionaux élus sur la section départementale d’une liste de candidats correspondant à la métropole de Lyon, est appréciée la répartition entre départements et collectivités d’outre-mer des citoyens ayant présenté un candidat. Le législateur organique a ainsi étendu le droit de présentation dans des conditions qui ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi.

10. Ce même 1 ° et le paragraphe IV de l’article 3 abrogent les dispositions de la loi du 6 novembre 1962 et de la loi organique du 25 avril 2016 mentionnée ci-dessus qui permettent d’adresser au Conseil constitutionnel les présentations des candidats par voie électronique. Le paragraphe III de l’article 3 de la loi organique déférée prévoit de rétablir certaines des dispositions abrogées de la loi du 6 novembre 1962 à compter d’une date fixée par décret et au plus tard à compter du 1er janvier 2027.

11. Le 2 ° du même paragraphe I de l’article 3 rend applicables à l’élection présidentielle certaines dispositions du code électoral. L’article 5 modifie l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 afin de prévoir que ces dispositions sont celles en vigueur à la date de publication de la loi objet de la présente décision, à l’exclusion de l’article L. 72 du code électoral.

12. Le 6 ° du même paragraphe I de l’article 3 fixe à 200 000 euros le montant de la somme que l’État verse à chacun des candidats au premier tour, à titre d’avance sur le remboursement forfaitaire de leurs dépenses de campagne.

13. Le 7 ° du même paragraphe I organise les modalités selon lesquelles les personnes détenues, placées en détention provisoire ou exécutant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale, peuvent voter par correspondance, sous pli fermé, à l’élection du Président de la République.

14. Le paragraphe II de l’article 3 prévoit que, pour la prochaine élection présidentielle, la durée de la période pendant laquelle le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses engagées en vue de l’élection est, par dérogation, réduite de trois mois et court pendant les neuf mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat.

15. Les paragraphes V et VI de l’article 3 rendent obligatoires pour la prochaine élection présidentielle, d’une part, l’édition d’un reçu pour chaque don versé à un candidat au moyen d’un téléservice mis en œuvre par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et, d’autre part, le dépôt des comptes de campagne de ces mêmes candidats auprès de la commission par voie dématérialisée au moyen de ce téléservice.

16. Ces dispositions s’imposeront de manière générale lors de la prochaine élection présidentielle. Dès lors, elles n’ont donc pas, en tout état de cause et en dépit de la mention faite par le législateur qu’elles interviendraient « à titre expérimental », le caractère de dispositions à caractère expérimental au sens de l’article 37-1 de la Constitution, la circonstance qu’elles s’appliquent à la seule prochaine élection étant à cet égard indifférente.

17. L’article 6 prévoit que, pour la prochaine élection présidentielle, toute publication ou diffusion de sondages, régie par la loi du 19 juillet 1977 mentionnée ci-dessus, doit être accompagnée des marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés.

18. Ces dispositions, dont l’objet est de garantir une information claire et transparente sur les sondages publiés ou diffusés au cours de la prochaine campagne électorale présidentielle présentent un lien, au moins indirect, avec les dispositions du code électoral régissant cette campagne et les opérations électorales, dont le 2 ° de l’article 2 du projet de loi organique initial prévoyait expressément l’application à l’élection présidentielle.

19. Celles des dispositions des articles 2, 3, 4, 5 et 6 qui ont le caractère organique sont conformes à la Constitution.

– Sur les modifications apportées à la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus :

20. L’article 7 adapte le fonctionnement et la composition des commissions de contrôle de la régularité des listes électorales consulaires. Il supprime l’attestation sur l’honneur exigée des Français établis hors de France pour voter par procuration. Enfin, il précise le dernier état de rédaction dans lequel sont applicables à la loi organique du 31 janvier 1976 les dispositions du code électoral auxquelles elle renvoie.

21. Cet article est conforme à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – N’a pas le caractère organique le paragraphe II de l’article 2 de la loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République.

Article 2. – Les autres dispositions de la loi organique déférée, qui ont le caractère organique, sont conformes à la Constitution.

Article 3. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 mars 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le 25 mars 2021.

ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.815.DC