Seconde validation, par le CE, de la circulaire de l’éducation nationale sur les élèves transgenres

Par une circulaire du 29 septembre 2021 intitulée ” Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire “, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports avait recommandé de faire :

  • usage de ce prénom plutôt que du prénom inscrit à l’état civil dans le cadre de la vie interne des établissements et pour les documents qui en relèvent,
  • usage du seul prénom inscrit à l’état-civil pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux.

 

Cette circulaire a été attaquée et le Conseil d’Etat a, en 2022, rejeté au fond (pas rien référé) ce recours, en posant qu’en préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, la circulaire attaquée, qui a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, n’a pas méconnu les articles 1er et 4 de la loi du 6 fructidor an II portant qu’aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance.

Avec, en 2022 donc, le résumé aux tables que voici :

« Circulaire par laquelle le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a adressé des recommandations à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale afin de mieux prendre en compte la situation des élèves transgenres en milieu scolaire, de faciliter leur accompagnement et de les protéger. Les termes de la circulaire relatifs à l’usage du prénom choisi par les élèves transgenres recommandent aux personnels de l’éducation nationale de faire usage de ce prénom plutôt que du prénom inscrit à l’état civil dans le cadre de la vie interne des établissements et pour les documents qui en relèvent, tout en précisant que seul le prénom inscrit à l’état-civil doit être pris en compte pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux. En préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, la circulaire attaquée, qui a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, n’a pas méconnu les articles 1er et 4 de la loi du 6 fructidor an II portant qu’aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance.»

Source :

Mais certains requérants s’accrochent. En l’espèce par exemple.

En effet, en mai, puis novembre 2022, puis encore en décembre 2023 (le comique de répétition étant la chose la mieux partagée dans le petit monde des requérants quérulents), l’association SOS Education a demandé au Conseil d’Etat d’annuler la décision implicite de refus par le ministre de retrait de cette même circulaire.

Sans surprise, le Conseil d’Etat n’a pas changé d’avis et à répondu deux pour la seconde fois, le 29 décembre 2023, à la même question :

« 5. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que les termes de la circulaire relatifs à l’usage du prénom choisi par les élèves transgenres recommandent aux personnels de l’éducation nationale de faire usage de ce prénom plutôt que du prénom inscrit à l’état civil dans le cadre de la vie interne des établissements et pour les documents qui en relèvent, tout en précisant que seul le prénom inscrit à l’état-civil doit être pris en compte pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux. En préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, la circulaire litigieuse, qui a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément aux dispositions de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, n’a pas méconnu les dispositions de l’article 1er de la loi du 6 fructidor an II, aux termes desquelles :  » Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni prénom, autres que ceux exprimés dans son acte de naissance (…) « , ni aucune autre règle ou principe. En outre, dès lors que ses recommandations sont sans incidence sur les mentions portées à l’état civil, la circulaire rappelant au contraire les dispositions de l’article 60 du code civil relatives à la procédure de changement de prénom et celles de l’article 61-5 du même code qui réservent aux personnes majeures ou mineures émancipées la possibilité de modifier la mention de leur sexe à l’état civil, les associations requérantes ne peuvent soutenir que les dispositions des articles 57, 60 et 61-5 du code civil auraient été méconnues.

« 6. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la circulaire litigieuse que le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a entendu inviter l’ensemble des personnels de l’éducation nationale à mieux prendre en compte la situation des élèves transgenres en milieu scolaire, en vue de faciliter leur accompagnement, de les protéger, et, ce faisant, de leur ménager un environnement propice à leur réussite scolaire. La circulaire précise que les mesures d’accompagnement tiennent compte de la diversité des situations, en se fondant de manière individualisée sur les besoins exprimés par les élèves et leur famille, dans le respect de l’autorité des représentants légaux et des règles communes à l’institution scolaire, et en laissant aux jeunes concernés  » la possibilité d’explorer une variété de cheminement sans les stigmatiser ou les enfermer dans l’une ou l’autre voie « . En préconisant, dans ce cadre, l’utilisation du prénom choisi par l’élève transgenre dans la vie interne des établissements, avec l’accord de ses représentants légaux lorsqu’il est mineur, la circulaire litigieuse, qui n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation, n’a pas porté illégalement atteinte à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant et des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958.

« 7. En quatrième lieu, en indiquant que  » la prise en considération de l’identité de genre revendiquée de la part d’un ou d’une élève ne doit pas être conditionnée à la production d’un certificat ou d’un diagnostic médical ou à l’obligation d’un rendez-vous avec un personnel de santé « , la circulaire n’a eu ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions de l’article L. 541-1 du code de l’éducation qui confient en priorité aux personnels médicaux, infirmiers, assistants de service social et psychologues de l’éducation nationale la mission d’assurer des actions de promotion de la santé des élèves. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut, dès lors, qu’être écarté, tout comme celui tiré de la méconnaissance du droit fondamental à la protection de la santé et du droit de tout individu de recevoir les traitements les plus appropriés à son état de santé définis aux articles L. 1110-1 et L. 1110-5 du code de la santé publique, la circulaire étant sans incidence à cet égard.

« 8. En cinquième lieu, les termes de la circulaire litigieuse recommandant aux personnels de l’éducation nationale de veiller à l’emploi du prénom d’usage de l’élève transgenre, avec l’accord de ses représentants légaux lorsqu’il est mineur ne sont pas de nature à porter une atteinte illégale à la liberté de conscience des enseignants, des élèves ou de leurs parents. Ils ne méconnaissent pas, en tout état de cause, le principe de neutralité des services publics, pas davantage que l’autorité parentale. Par suite, les moyens tirés de ce que la circulaire violerait le principe de neutralité des services publics et la liberté de conscience des enseignants et des élèves, méconnaissant ainsi l’article 1er de la Constitution, l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat et l’article L. 141 2 du code de l’éducation, ne peuvent qu’être écartés. Par ailleurs, les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance du paragraphe 1 de l’article 14 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 et du paragraphe 4 de l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont les stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés.

« 9. En sixième lieu, il ressort des termes mêmes de la circulaire litigieuse qu’elle se borne à identifier différentes options susceptibles d’être envisagées par les établissements concernant l’usage des espaces d’intimité par les élèves transgenres dans le but de tenir compte des préoccupations exprimées par ces élèves, la circulaire relevant à cet égard que, dans ces espaces,  » tous les élèves, et a fortiori les jeunes transgenres, se sentent plus vulnérables et se trouvent plus particulièrement exposés aux risques de violences et de harcèlement « . Les options éventuelles ainsi identifiées par la circulaire sont présentées comme devant être adaptées aux circonstances particulières de l’établissement, en fonction notamment de la disponibilité des lieux, et mises en oeuvre en concertation avec l’ensemble des élèves concernés. Dès lors, les termes en cause de la circulaire ne sauraient, en tout état de cause, porter atteinte au droit des autres élèves au respect de leur vie privée et de leur intimité ainsi qu’au devoir des parents, au titre de l’autorité parentale, de protéger, dans leur intérêt, leurs enfants. Les moyens invoqués à ce titre doivent, par suite, être écartés. Ces mêmes termes, qui visent à prendre compte la situation particulière des élèves transgenres, ne méconnaissent pas, par ailleurs, le principe d’égalité.»

Allez soyons fous.

Avec une prédiction qui vaut quelles que soient, cher ami lecteur, vos convictions sur le fond de cette question (moi à titre personnel cette circulaire me sied mais je comprends très bien qu’on ne soit pas d’accord) : encore 25 recours du même tonneau avec répétition de la même question et le requérant aura peut-être dix centimes d’amende pour recours abusif. Et les défenseurs deux euros de frais irrépétibles.

Bonne année.

Source :

Conseil d’État, 29 décembre 2023, n° 463697


En savoir plus sur

Subscribe to get the latest posts sent to your email.