La dissolution est attaquée. Mais… est-elle attaquable ? [réponse non… sauf possible — quoique problématique — revirement]

Pas moins de 15 recours ont à ce jour été formés, devant le Conseil constitutionnel, contre le décret de convocation des électeurs pour les prochaines élections législatives (décret n° 2024-527 du 9 juin 2024),

Certains de ces recours portant aussi sur le décret de dissolution lui-même, du même jour. S’y ajoute un recours ne portant que sur ce dernier.

Sauf que dans le passé le Conseil constitutionnel a toujours estimé qu’il n’était pas compétent sur ce point :

« Vu la requête et le mémoire complémentaire […] dirigés contre le décret du 22 avril 1997 portant dissolution de l’Assemblée nationale ;
[….]
1. Considérant qu’aucune disposition de la Constitution ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer sur la requête susvisée,»

Source : Décision 97-14 ELEC – 10 juillet 1997 – Décision du 10 juillet 1997 sur une requête présentée par Monsieur Jean-Michel ABRAHAM – Rejet ; voir antérieurement et dans le même sens, décision n°88-4 ELEC du 4 juin 1988, Décision du 4 juin 1988 sur une requête de Monsieur Rosny MINVIELLE de GUILHEM de LATAILLADE.

Et puis, il y aurait-il contrôle du juge qu’il y a peu de choses à contrôler puisque :

  • la procédure est simple (consultations très informelles et dont l’éventuelle absence sera dure à prouver)
  • a priori il ne devrait pas y avoir de contrôle sur le fond sauf à vraiment faire une énorme entorse dans le régime de séparation des pouvoirs… même si s’agissant de la dissolution qui est en soi une relation entre pouvoirs plus qu’une séparation, l’argument peut sembler limité. Mais de là à admettre qu’un juge, fût-il constitutionnel et… un peu… politique,  puisse contrôler l’opportunité d’une dissolution, il y a un pas dont le franchissement mériterait triple ration de réflexion.

Sur tout ceci voir l’analyse du Professeur R. Rambaud :

 

A mon sens :

  • le plus probable est que le Conseil constitutionnel s’en tiendra à sa jurisprudence traditionnelle (en droit séparation des pouvoirs et incompétence du juge ; en opportunité après tout il s’agit de redonner la parole au Peuple et peu de choses à contrôler)
  • une possibilité serait que le Conseil constitutionnel s’estime compétent pour un contrôle uniquement des éventuels vices de procédure (avec rejet en l’espèce sans doute)
  • les chances d’une compétence de principe avec censure en l’espèce me semblent très faibles.

Ceci dit, la dernière hypothèse serait cocasse : retour en fonctions des députés… Annulation par conséquence du décret de convocation des électeurs (ce qui serait moins catastrophique qu’un maintien de la dissolution avec report des élections au milieu de l’été cela dit).

Au total, combinons maintenant ceci avec les moyens contentieux déployés contre le décret de convocation des électeurs :

 

Et au total jouons à bâtir des scénarios :

  • si la dissolution est annulée (improbable) alors la convocation des électeurs pour les législatives le serait aussi sans doute avec reprise en fonction des députés, etc.
  • si la dissolution n’est pas annulée mais que la convocation des électeurs pour les législatives l’est… pour cause de calcul de dates… nous aurions des législatives au milieu de l’été et des JO !!!
  • si la dissolution n’est pas annulée mais que la convocation des électeurs pour les législatives l’est mais uniquement pour la Polynésie française et les départements français des Amériques (DFA)… nous aurions sans doute un vote le dimanche pour tout le monde avec des résultats uniquement le lundi matin pour ne pas fausser l’élection là bas par les résultats du reste du territoire national

Dans tous les cas de censure, nous aurions une situation à tout le moins originale.