La préférence nationale n’est pas contraire au droit de l’Union européenne… en sport, dans le cas, très très particulier, des championnats de France individuels

Source : personnage de BD « Superdupont » de Gotlieb ; photo coll. pers. (MOOF Bruxelles 2024)

La préférence nationale est contraire à la plupart des engagements internationaux de la France, au droit de l’Union européenne et au principe d’égalité sous certaines réserves.

Mais il y a des cas où cela est légal.  Des cas en général très particuliers, comme par exemple le droit des fédérations sportives.

Se posait la question de la conformité au droit de l’Union européenne d’une règle réservant aux joueurs de badminton français la participation aux championnats de France individuels.

Les requérants y voyaient une méconnaissance du principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

Qu’un championnat de France individuel discrimine ceux qui vivent en France et ceux qui n’y vivent pas, rien de plus naturel. Qu’il discrimine entre « joueurs et joueuses titulaires d’une carte d’identité ou d’un passeport français » était un tout autre sujet… Bien moins certain en droit, et bien plus symbolique.

Sur ce point, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait estimé que :

« Les articles 18, 21 et 165 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’une fédération sportive nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un citoyen de l’Union européenne, ressortissant d’un autre État membre, qui réside depuis de nombreuses années sur le territoire de l’État membre où est établie cette fédération où il pratique la course à pied en amateur dans la catégorie senior, ne peut pas participer aux championnats nationaux dans ces disciplines au même titre que les nationaux ou ne peut y participer que « hors classement » ou « sans classement », sans avoir accès à la finale et sans pouvoir obtenir le titre de champion national, à moins que cette réglementation ne soit justifiée par des considérations objectives et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.»
Source : CJUE, 13 juin 2019, TopFit eV et Daniele Biffi c/ Deutscher Leichtathletikverband eV, aff. C-22/18.

Cette décision n’interdît donc pas toute discrimnation entre nationaux et autres citoyens, notamment ressortissant de l’Union européenne, mais encore faut-il que cette différence « soit justifiée par des considérations objectives et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi », au regard de critères qu’il appartient assez largement au juge national d’apprécier.

C’est sans doute en raison de cette marge de manœuvre que le Conseil d’Etat a choisi de ne pas donner droit aux requérants (parents d’un jeune britannique vivant en France et pratiquant ce sport ô combien british), qui pourtant se fondent sur des données importantes de l’article 18 du TFUE. Peut-être aussi la relative modicité de la taille de cette fédération a-t-elle joué un rôle (on demande plus d’adaptations à une grande structure qu’à une petite).

Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que la restriction ainsi prévue par cette fédération sportive se trouve justifiée par l’objectif de distinguer les meilleurs joueurs de badminton nationaux en leur décernant les titres de champion de France dans chacune des catégories concernées en individuel et est, au regard de ses effets limités sur la pratique en compétition, nécessaire et proportionnée à cet objectif :

« 5. Il ressort de l’article 3.1 du règlement sur le statut des joueurs étrangers de la FFBaD que la participation de joueurs et joueuses qui ne sont pas titulaires d’un passeport ou d’une carte d’identité française n’est interdite que pour les épreuves individuelles des championnats de France et les étapes des circuits qualificatifs pour ces championnats. La restriction ainsi prévue est justifiée par l’objectif de distinguer les meilleurs badistes nationaux en leur décernant les titres de champion de France dans chacune des catégories concernées en individuel et est, au regard de ses effets limités sur la pratique en compétition, nécessaire et proportionnée à cet objectif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, du principe d’égalité et du principe de libre accès aux activités sportives doit être écarté.»

Par suite, cette restriction ne méconnaît ni l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ni le principe d’égalité, selon le Conseil d’Etat.

Source :

Conseil d’État,27 juin 2024, n° 491138, aux tables du recueil Lebon


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