Le mandat municipal qui commencera en 2026 pourrait être allongé d’un an, et ce afin de ne pas percuter l’élection présidentielle (avec de possibles législatives en sus) de 2032… tout comme celui des élus départementaux et régionaux qui seront normalement réélus en 2028 et non en 2027, pour les mêmes raisons.
Voir :
Profitons-en pour rediffuser le texte d’un article déjà rédigé à ce propos au sein du présent blog :
A quelles conditions peut-on prolonger ou réduire un mandat en cours ?
Prolonger ou réduire un mandat en cours ne peut se faire que :
- par un acte juridique clair de même nature que celui qu’il s’agit de modifier…
Par exemple, une loi a fixé à mars 2026 la date des prochaines élections municipales, et donc si d’aventure on voulait changer cette date (ce qui ne semble pas être le cas à ce jour), une loi serait requise (voir ici).
De même est-ce nécessairement par une loi organique que sont prolongées les durées des mandats des parlementaires (ou du Congrès de Nouvelle-Calédonie, etc.
Sources à titre d’illustrations : décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 ; décision n° 2024-872 DC du 14 novembre 2024
Pour un cas où les actes n’étaient « que » une ordonnance et un décret, parce qu’il s’agissait des élections prud’homales, voir décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014. - « à titre exceptionnel […] dans un but d’intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, notamment ceux résultant de l’article 3 de la Constitution (voir par exemple décision n° 2024-864 DC du 11 avril 2024, paragr. 7).
Le Conseil constitutionnel assure-t-il un contrôle des lois et des lois organiques en la matière ?
Oui bien sûr.
Mais sur le fond de la décision, il ne s’octroie pas « un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » :
- « 8. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s’est assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif. »
Le Conseil constitutionnel se contente de vérifier sur le fond :
- que ce report d’élections avec prorogation des mandats est bien « à titre exceptionnel et transitoire », « […] dans un but d’intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle » qui « impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage »
- « que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif », ce qui le conduit à apprécier le caractère excessif, ou non, du report.
Sources : Cons. Const., 6 juillet 1994, n° 94-341 DC ; décision n° 2010-603 DC du 11 février 2010, cons. 12 ; décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, paragr. 18 ; Décision n° 2024-864 DC du 11 avril 2024. Voir aussi 2020-802 DC, 30 juillet 2020, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ; 96-372 DC, 6 février 1996, cons. 4…
Quels sont les motifs de tels reports ?
Le mandat municipal a ainsi pu être prolongé pour éviter de percuter l’élection présidentielle :
« le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d’éviter des difficultés de mise en oeuvre de l’organisation de l’élection présidentielle prévue en 1995; que cette prorogation, et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire, a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel; que le choix opéré par le législateur n’est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu’il s’est fixés; que ce choix ne crée, dans son principe ni dans ses modalités matérielles d’organisation de confusion dans l’esprit des électeurs avec d’autres consultations électorales; que dans cette mesure l’article 1er de la loi n’apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l’article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d’égalité; »
Source : Cons. Const., 6 juillet 1994, n° 94-341 DC
Idem pour l’épidémie mondiale de Covid-19. Pour un effet en cascade en ce domaine, voir par exemple cette décision :
« 6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que, dans la mesure où il assure la représentation des Français établis hors de France, le Sénat doit être élu par un corps électoral lui-même élu par ces derniers. Conformément à l’article 44 de la loi du 22 juillet 2013 mentionnée ci-dessus, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège électoral composé des députés élus par ces Français, des sénateurs qui les représentent, des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires.
« 7. Or, le législateur a, par l’article 13 de la loi du 22 juin 2020 mentionnée ci-dessus, reporté d’un an l’élection des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires, qui devait initialement intervenir en mai 2020. Ce report est justifié par les difficultés d’organisation de ce scrutin causées par l’épidémie mondiale de covid-19, auxquelles les modes de vote à distance applicables pour ces élections ne permettaient pas de remédier.
« 8. Par suite, le législateur organique a pu estimer que ce report devait également entraîner celui de l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France élus en septembre 2014 et qui devaient être renouvelés en septembre 2020, afin que ces sénateurs ne soient pas désignés par un collège en majeure partie composé d’élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal. ».
Décision 2020-802 DC, 30 juillet 2020, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
De tels effets en cascade sur les élections sénatoriales n’étant en 2020 pas inédites. Voir par exemple :
« 6. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat doit être élu par un corps électoral qui soit lui-même l’émanation de ces collectivités ; que, par suite, c’est à juste titre que le législateur organique a estimé que le report en mars 2008 des élections locales imposait de reporter également l’élection de la série A des sénateurs afin d’éviter que cette dernière ne soit désignée par un collège en majeure partie composé d’élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal ;»
Source : décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005 ;
Un autre cas classique consiste à prolonger (ou abréger) un mandat en cours le temps que soit mise en oeuvre une réforme concernant l’institution ou le corps électoral de l’institution dont les membres doivent être renouvelés :
- dans le cas des élections prud’homales, une prorogation du mandat en cours (par ordonnance) en attendant la fixation d’une nouvelle date (par décret) a été admise par le Conseil constitutionnel pour que l’élection soit bien tenue après l’entrée en vigueur d’une réforme intervenue en ce domaine (décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014).
- idem pour es membres du Conseil économique, social et environnemental, pour une prolongation de courte durée (au maximum 6 mois et demie) : décision n° 2020-806 DC du 7 août 2020 (« jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi organique résultant de l’adoption du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental délibéré en conseil des ministres le 7 juillet 2020 et, au plus tard, jusqu’au 1er juin 2021 » pour un terme initial prévu au 14 novembre 2020).
… et les émeutes et autres troubles à l’ordre public sont un autre cas, comme la Nouvelle-Calédonie nous en a donné l’illustration, y compris avec donc une décision rendue hier :
- premier report :
- second report :
De combien de temps peut-on, par voie législative, prolonger un mandat en cours ?
Le Conseil constitutionnel a validé des dispositions législatives prorogeant des mandats électifs nationaux ou locaux d’une année (décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005, cons. 7) et, même, de deux années en acceptant un report d’un an après une première prorogation du mandat de douze mois (décision n° 2013-671 DC du 6 juin 2013, cons. 7).
Quelle application pour la Nouvelle-Calédonie ?
Vu les émeutes sur place, et le besoin de caler les choses en termes de mode de scrutin, c’est donc sans surprise que le Conseil constitutionnel vient de valider un nouveau report.
La loi organique du 15 avril 2024 avait initialement reporté, au plus tard au 15 décembre 2024, les élections des membres du congrès et des assemblées de province et prorogé en conséquence les mandats en cours de leurs membres pour une durée de sept mois au plus. Le nouveau report, validé hier par le Conseil constitutionnel, porte sur une durée maximale de onze mois.
Soit dix-huit mois au plus la durée cumulée du report des élections.
Nulle surprise que cela ait été validé par le Conseil constitutionnel :
En savoir plus sur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
