Pour savoir si le local est à usage d’habitation, et donc déterminer son cadre juridique, notamment en cas d’usage en meublé de tourisme, plusieurs règles s’appliquent, dont la présomption selon laquelle « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 », ce qui a donné lieu à une jurisprudence assez radicale.
Or, un nouvel arrêt de la Cour de cassation en ce domaine vient de poser que l’affectation au 1er janvier 1970 du local à un usage d’habitation s’entend de l’affectation effective à un tel usage du local à cette date, peu important l’irrespect éventuel de normes de décence et d’habitabilité alors en vigueur (II).

I. La guerre de l’affectation, ou non, à l’habitation au premier janvier 1970…
Le cadre juridique des meublés de tourisme est devenu d’une grande complexité, entre le régime des autorisations, les communes où ce régime s’applique ou non, le cadre des changements d’affectation, les déclarations à faire, etc.
Ce cadre, notamment, va être différent selon que l’on parle d’un local à usage d’habitation ou non (puis résidence principale ou non, avec des différences ensuite selon les villes…), d’un local commercial que l’on veut mettre en meublé de tourisme ou non, etc.
Pour savoir si le local est à usage d’habitation, et donc déterminer son cadre juridique, on applique les dispositions de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).
Pour ce régime, « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. »
Et un « local est réputé être à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date » (CE, 5 avril 2019, Commune de Neuilly-Sur-Seine, req., n° 410039).
La base en ce domaine, sauf preuve contraire, est la consultation des fiches H2 pour 1970 (Déclaration modèle H2 – Appartement et dépendances dans un immeuble collectif, Formulaire 10869, Cerfa n° 10869 et auparavant 6652) :
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R1253
- https://www.impots.gouv.fr/formulaire/6652/impots-locaux-locaux-dhabitation

De nombreuses villes (notamment celle de Paris, pour plus de 600 recours semble-t-il) ont poursuivi des propriétaires pour avoir loué leur résidence secondaire sur AirBnB, Abritel, Booking et autres.
L’enjeu n’est pas négligeable, avec de lourdes amendes à la clef.
Or, en septembre 2023, la Cour de cassation avait fait reculer des communes, notamment la Ville de Paris, en posant que :
« 3. Les déclarations souscrites par les redevables de la contribution foncière des propriétés bâties en application du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969, comportant les renseignements utiles à l’évaluation de leur propriété à la date de leur souscription, la seule mention, sur une déclaration remplie postérieurement au 1er janvier 1970, d’une occupation d’un local par son propriétaire, ne permet pas d’en établir l’usage à cette date ni de le faire présumer, en sorte qu’elle est inopérante pour prouver qu’il était affecté, à cette date, à un usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.»
Cela voulait dire que pour les communes d’autres preuves que cette fiche H2 postérieure au 1er janvier 1970 devaient être réunies.

Puis en 2024, une autre preuve de l’usage au 1er janvier 1970 est tombée.
La Cour de cassation (3e civ. donc) a en effet estimé que la fiche modèle R renseignée par les redevables de la contribution foncière ayant pour objet de décrire la situation de l’immeuble à la date de sa souscription, les mentions apposées sur un formulaire souscrit après le 1er janvier 1970 sont inopérantes pour en établir l’usage d’habitation à cette date . Autre document. Même raisonnement.

En septembre 2023, en matière de meublés de tourisme, pour savoir s’ils étaient ou non affectés à l’habitation au premier janvier 1970, avec l’affaire du formulaire H2, les communes étaient touchées. Maintenant, en janvier 2024, avec cette nouvelle affaire de la fiche modèle R… voici nombre de leurs dossiers coulés, faute de preuve. Sous réserve que ces documents soient postérieurs au premier janvier 1970 bien entendu. Ce qui est logique (mais souvent les déclarations suivaient de peu la date du 1er janvier 1970, en raison des calendriers des régimes déclaratifs mis en oeuvre à l’époque).
Source : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 janvier 2024, 22-21.126, Publié au bulletin
En outre, un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier (3e Civ., 13 juin 2024, pourvoi n° 23-11.053, publié).

II. Nouvelle bataille : un logement, même alors vétuste, indécent ou insalubre, se voit appliquer la même règle
Oui mais si le logement à l’époque était indécent, insalubre… ne serait-ce pas alors une preuve qu’il serait excessif d’y voir un logement, un usage d’habitation ?
NON répond la Cour de cassation.
La présomption d’habitation au 1/1/70 en cas d’affectation à cet usage à cette date… s’applique même aux logements alors indécents ou insalubres.
Ou plus précisément pour reprendre le résumé de la Cour de cassation, « l’affectation au 1er janvier 1970 du local à un usage d’habitation s’entend de l’affectation effective à un tel usage du local à cette date, peu important l’irrespect éventuel de normes de décence et d’habitabilité alors en vigueur ».
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