Si un propriétaire de meublé de tourisme (AirBnB ou autre) joue la case H2…. la ville risque fort d’être touchée, voire coulée…
Sauf évolution de la loi, un certain nombre de meublés de tourisme en résidence secondaire (ceux à propriétaires occupants au 1/1/70 mais sans preuve à ce sujet sauf formulaire H2 fait en 1970 mais après la date du 1/1/70… ) vont sortir du dispositif répressif mis en place.
Le cadre juridique des meublés de tourisme est devenu d’une grande complexité, entre le régime des autorisations, les communes où ce régime s’applique ou non, le cadre des changements d’affectation, les déclarations à faire, etc.
Voir :
- AirBnB et autres meublés de tourisme : un point jurisprudentiel sur le régime d’autorisation des articles L. 631-7 et suivants du CCH [mise à jour au 18/7/2023]
- AirBnB et autres meublés de tourisme : jurisprudences sur le régime d’autorisation (art. L. 631-7 s. du CCH) [VIDEO et article]
- Un prêt gratuit via AirBnB d’un appartement à une infirmière pendant la crise sanitaire… ne peut donner lieu à sanction pour violation du régime en ce domaine 😂 !
- Amendes civiles pour ne pas avoir déclaré un meublé de tourisme (AirBnB) : qui du locataire, du propriétaire ou de la plate-forme encourt l’amende civile de l’article L. 651-2 du CCH ?
- AirBnB devra donner la liste des logements loués à la commune
- Le décret est sorti pour celles des communes qui veulent soumettre les meublés de tourisme (Airbnb etc.) à un régime d’autorisation
- Le Conseil d’Etat valide l’interprétation usuellement faite en matière de champ d’application du régime d’autorisation des locations, en meublés de tourisme, de locaux commerciaux (et il refuse de censurer le décret 2021-757 à ce sujet)
- Autorisations de changement temporaire d’usage pour des habitations vers des locations meublées de courtes durées : réglementation doit rimer avec transitions et avec proportions
- Collectivités et meublés de tourisme : diffusion d’un (très bon) guide pratique
- Informations remontant, vers les communes, depuis les plates formes de location touristiques : fin d’une redondance
- Toilettage dans les destinations et sous-destinations réglementées dans le PLU (ou équivalent) et ajout de nouvelles annexes
- etc.
Ce cadre, notamment, va être différent selon que l’on parle d’un local à usage d’habitation ou non (puis résidence principale ou non, avec des différences ensuite selon les villes…), d’un local commercial que l’on veut mettre en meublé de tourisme ou non, etc.
Pour savoir si le local est à usage d’habitation, et donc déterminer son cadre juridique, on applique les dispositions de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) :
« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article. »
On notera donc que pour ce régime, « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. »
La base en ce domaine, sauf preuve contraire, est la consultation des fiches H2 pour 1970 (Déclaration modèle H2 – Appartement et dépendances dans un immeuble collectif, Formulaire 10869, Cerfa n° 10869 et auparavant 6652) :
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R1253
- https://www.impots.gouv.fr/formulaire/6652/impots-locaux-locaux-dhabitation
De nombreuses villes (notamment celle de Paris, pour plus de 600 recours semble-t-il) ont poursuivi des propriétaires pour avoir loué leur résidence secondaire sur AirBnB, Abritel, Booking et autres.
L’enjeu n’est pas négligeable, avec de lourdes amendes à la clef.
Mais pour nombre de ces contentieux, la ville de Paris a peiné à démontrer que ces locaux étaient voués à l’habitation au 1er janvier 1970,
Cette date a été retenue car dans le cadre de la révision quinquennale des évaluations foncières du 1er janvier 1970, des déclarations (à faire avant le le 31 mai ou le 15 octobre 1970, selon les cas : décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969).
La ville de Paris soutenait donc que toutes ces fiches H2 postérieures au 1er janvier 1970, mais établies dans ce cadre (dans les mois suivant le 1er janvier 1970) et qui établissaient que le propriétaire en étant occupant (avec un usage d’habitation, donc) devaient conduire à supposer que c’était aussi le cas le 1er janvier 1970… et donc que s’appliquait à ces biens le nouveau régime propre aux locaux d’habitation pour ces biens mis en AirBnB ou autres meublés de tourisme.
Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui pose que :
« 3. Les déclarations souscrites par les redevables de la contribution foncière des propriétés bâties en application du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969, comportant les renseignements utiles à l’évaluation de leur propriété à la date de leur souscription, la seule mention, sur une déclaration remplie postérieurement au 1er janvier 1970, d’une occupation d’un local par son propriétaire, ne permet pas d’en établir l’usage à cette date ni de le faire présumer, en sorte qu’elle est inopérante pour prouver qu’il était affecté, à cette date, à un usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.»
Au cas d’espèce, la Ville de Paris produisait une déclaration modèle H2 établie le 17 août 1970 et indiquant que le bien était occupé par la propriétaire… ce qui est établi au 17 août 1970 ne l’est pas pour le 1er janvier 1970 même si les déclarations à ce sujet avaient été faites dans le cadre de la même révision.
Attention ; cela veut dire pour les communes qu’il y a un gros risque si le seul moyen de preuve est celui de la fiche H2 postérieure au 1er janvier 1970. Mais souvenons-nous que dans l’article du CCH précité, la preuve en ce domaine est libre : les communes peuvent donc fouiller pour trouver d’autres données probatoires (carnet d’entretien « calepin » d’immeuble par exemple, PV d’AG de copropriété., actes notariés, etc.).
La case H2, à cet étrange jeu de bataille navale en pleine ville, n’est donc pas toujours gagnante pour les loueurs de meublés de tourisme.
N’empêche : sauf évolution de la loi, un certain nombre de meublés de tourisme en résidence secondaire (ceux à propriétaires occupants au 1/1/70 mais sans preuve à ce sujet sauf formulaire H2 fait en 1970 mais après la date du 1/1/70… ) vont sortir du dispositif répressif mis en place.
Et faute pour le bien en question d’être en résidence principale d’habitation, exit les lourdes amendes civiles, poursuit la Cour de cassation :
« 10. Il en résulte que l’amende civile prévue par l’article L. 324-1-1, V, alinéa 2, est applicable aux seules personnes offrant à la location un meublé de tourisme déclaré comme leur résidence principale, qui omettent de transmettre à la commune l’ayant demandé depuis plus d’un mois, l’information relative au nombre de jours de l’année précédant la demande, au cours desquels ce meublé a été loué.
« 11. Ayant constaté que le logement mis en location par Mme [V] ne constituait pas sa résidence principale, la cour d’appel en a exactement déduit que les dispositions de l’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme ne lui étaient pas applicables.»
Attention : nous sommes avocats de collectivités en ces domaines, et non des loueurs de meublés de tourisme. Ceci est précisé pour éviter les nombreuses sollicitations que nous recevons en ce domaine…
Pour nos clients ; il faut donc accomplir un important travail de recherches quasi-spéléologiques dans les archives pour « bétonner » vos dossiers.
Voici la décision de la Cour de cassation :
Cass. Civ. 3, 7 septembre 2023, Pourvoi n° 22-18.101, au Bull.
Voir aussi à ce sujet le commentaire d’un confrère, Xavier Demeuzoy, ayant travaillé certains de ces dossiers au fond, qui est donc un des gagnants de ce contentieux, et qui commente un autre arrêt (22-21.797) de même sens et du même jour et que voici :
https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7105550767922532353/

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