Nouvelle nouvelle nouvelle nouvelle nouvelle (etc.) loi sanitaire : voici les textes de base du projet de loi adopté ce jour

Nouvelle nouvelle nouvelle nouvelle nouvelle (etc.) loi sanitaire : voici les textes de base du projet de loi adopté ce jour, au conseil des ministres de ce lundi 27 décembre :

  • projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique :
    • https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4857_projet-loi
    • voici l’exposé des motifs qui décrit le contenu :
      • « Ainsi, l’article 1er érige à compter du 15 janvier 2021 le passe sanitaire en passe vaccinal pour l’accès aux activités de loisirs, aux restaurants et débits de boisson, aux foires, séminaires et salons professionnels ou encore aux transports interrégionaux. Un passe sanitaire reposant sur le caractère alternatif et substituable du justificatif de statut vaccinal, du résultat de test et du certificat de rétablissement est par ailleurs maintenu à périmètre constant pour le seul accès aux établissements et services de santé et médico‑sociaux. L’article renforce en outre la lutte contre la fraude à ces documents en relevant l’échelle de sanctions applicables et en permettant aux personnes chargées d’en contrôler la présentation de vérifier, en cas de doute, l’identité de leur détenteur. Il déclare enfin l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 mars 2022 sur le territoire de La Réunion et prévoit qu’en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans une autre collectivité ultra‑marine avant le 1er mars 2022, cet état d’urgence s’appliquera également jusqu’au 31 mars 2022.L’article 2 étend les finalités des systèmes d’information mis en œuvre en application de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 au suivi et au contrôle du respect des mesures de mise en quarantaine ou de placement à l’isolement prises sur le fondement des 3° et 4° du I de l’article L. 3131‑15 du code de la santé publique et, en tant qu’il s’y réfère, de l’article L. 3131‑1 du même code. Il permet également aux services préfectoraux de recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de telles missions.

        Enfin, l’article 3 tire les conséquences de la décision n° 2021‑912/913/914 QPC du Conseil constitutionnel en date du 4 juin 2021, dont la date d’effet a été reportée au 31 décembre 2021, en instaurant un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention en cas de maintien des mesures d’isolement et de contention au‑delà d’une certaine durée. De telles dispositions ont dans un premier temps été insérées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 mais, par une décision n° 2021‑832 DC du 16 décembre 2021, le Conseil constitutionnel les a déclarées contraires à la Constitution au motif que, n’ayant pas d’effet ou ayant un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne relevant pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO 111‑3 du code de la sécurité sociale, elles ne trouvaient pas leur place dans une loi de cette nature. »

  • étude d’impact dudit projet de loi :
  • avis du Conseil d’Etat :
    • https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4857_avis-conseil-etat.pdf
    • à noter les extraits suivants :
      • « 5. Le projet de loi prévoit de modifier cette disposition pour permettre au Premier ministre de subordonner l’accès à ces activités, à l’exception des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux dont l’accès resterait soumis au régime du « passe sanitaire », à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal, sans possibilité, en principe, de faire état de l’un des deux autres justificatifs.Le décret mettant en œuvre ce « passe vaccinal » pourrait toutefois préciser les cas dans lesquels pourraient être admis un certificat de rétablissement ou un certificat de contre-indication, pour des raisons liées à l’état médical de l’intéressé. Le décret pourrait également exiger, pour des raisons de santé publique, un cumul de plusieurs justificatifs.
        6. Le Conseil d’Etat rappelle qu’il lui appartient, comme il l’a indiqué au point 8 de son avis n° 402691 du 21 avril 2021, de vérifier que les mesures de police sanitaire prévues pour lutter contre l’épidémie assurent, au regard des risques liés à la propagation du virus, en l’état des connaissances scientifiques, une conciliation conforme à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire de la République (voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-808 DC du 13 novembre 2020, paragr. 12).
        […] le Conseil d’Etat relève que la mesure de « passe vaccinal » prévue est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes souhaitant accéder aux activités en cause. Il souligne en particulier qu’elle peut limiter significativement la liberté d’aller et de venir et est de nature à restreindre la liberté de se réunir et le droit d’expression collective des idées et des opinions (voir sur ce point la décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, paragr. 37).
        L’atteinte est renforcée, s’agissant du « passe vaccinal », par la restriction des justificatifs admissibles. La mesure appelle dès lors également un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité, dans son principe comme dans son étendue et ses modalités de mise en œuvre, au vu des données scientifiques disponibles.
        7. Le Conseil d’Etat relève, tout d’abord, que la mesure envisagée s’inscrit dans un contexte sanitaire notablement différent de celui qui prévalait à la date de son avis sur le projet de loi prévoyant le « passe sanitaire ». Il lui incombe en conséquence, à la lumière notamment de la situation épidémiologique et de la couverture vaccinale de la population à la date à laquelle il se prononce, d’évaluer les dispositions prévues par le projet de loi au regard de l’ensemble du dispositif afin d’en apprécier la proportionnalité.
        Ce contexte est d’abord marqué, depuis le mois d’octobre 2021 par une importante progression de l’épidémie […] L’évolution prévisible à court et moyen terme de l’épidémie est tributaire de l’apparition et la diffusion rapide du nouveau variant Omicron. […] 8. Dans ce contexte, le « passe vaccinal » vise, comme le « passe sanitaire », à limiter l’exercice de certaines activités qui mettent en présence simultanément un nombre n’important de personnes, ou qui exposent par leur nature même les personnes qui y participent à un risque particulier de diffusion du virus, et à réduire ainsi la probabilité pour ces personnes de transmettre mais aussi de développer la maladie. Ainsi, l’objectif sanitaire poursuivi est également de limiter le nombre de formes graves de la maladie et d’alléger la pression qui s’exerce sur les services hospitaliers pour la prise en charge des malades atteints de la covid-19 ainsi que des patients victimes d’accidents ou d’autres pathologies.
        Le Conseil d’Etat relève que le « passe vaccinal » est présenté par les pouvoirs publics comme visant, en outre, à inciter les personnes ne s’étant pas encore engagées dans un schéma vaccinal à entamer cette démarche. Il estime qu’au vu de l’évolution de la situation épidémique et de la progression de la couverture vaccinale dans le pays, cet objectif indirect de la mesure, qui tend à limiter plus largement les risques de diffusion du virus dans les activités autres que celles entrant dans le champ de la mesure en raison des risques particuliers que celles-ci présentent, et les risques de développement des formes graves de la maladie, contribuant ainsi à réduire la pression exercée sur le système de soins, s’inscrit dans l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé.
        Le Conseil d’Etat suggère, à cet égard, d’adapter la finalité des mesures que le Premier ministre peut prendre dans le cadre du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, pour tenir compte, au-delà de la seule lutte contre la propagation de l’épidémie de covid-19, des effets induits sur le système de soins.
        9. Le Conseil d’Etat s’interroge, en premier lieu, sur la place du « passe vaccinal » dans la palette des pouvoirs de police sanitaire conférés au Gouvernement par la loi.
        Il constate que le Gouvernement choisit, dans le projet, de ne permettre au Premier ministre que de mettre en place le « passe vaccinal » selon les modalités présentées au point 5, en exigeant à titre exclusif un justificatif de vaccination ou deux justificatifs cumulativement, sans l’habiliter à imposer pour tout ou partie de ces activités le « passe sanitaire » dans sa forme actuellement applicable.
        Ainsi, le projet ne retient pas un dispositif analogue à celui résultant du 1° du même A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui permet au Premier ministre d’imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’outre-mer, de présenter « le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 ». Ces dispositions doivent s’entendre, à la lumière des travaux préparatoires, comme habilitant le Premier ministre, selon les circonstances, à prévoir le recours à l’un des trois justificatifs, à l’instar du « passe sanitaire », ou à exiger un cumul de justificatif, ou encore à prévoir que l’un seulement des trois justificatifs est admis, à l’instar du « passe vaccinal ».
        Le Conseil d’Etat considère que si le choix fait par le projet peut induire une forme de rigidité, en plaçant le Gouvernement, en cas d’évolution favorable des circonstances, devant l’alternative entre le maintien du passe vaccinal tel qu’il est envisagé et la suppression de toute condition d’accès aux activités en cause, sans lui permettre de prononcer une mesure moins intrusive, ce choix ne se heurte par lui-même à aucun obstacle juridique.
        10. Le Conseil d’Etat s’interroge, en second lieu, sur la nécessité et la proportionnalité du « passe vaccinal » en tant que tel.
        Il relève que si l’impossibilité d’accéder à ces activités au bénéfice du seul résultat négatif d’un examen de dépistage virologique ne peut par elle-même se justifier par l’objectif de limiter le risque de transmission par la personne concernée, elle contribue en revanche à l’objectif énoncé précédemment de limiter le risque de voir la personne développer la maladie, y compris une forme sévère de celle-ci, ainsi qu’à l’objectif indirect d’incitation à la vaccination. Dans le contexte sanitaire décrit au point 7 et compte tenu de son évolution prévisible, le souhait du Gouvernement de mettre en œuvre un dispositif de nature à limiter davantage encore que le « passe sanitaire » la possibilité pour les personnes fréquentant les lieux et établissements concernés de développer l’infection, afin de freiner autant que possible la propagation d’une nouvelle vague et ses conséquences sur le système de santé, n’apparaît pas inadéquate.
        En revanche, en l’état des données disponibles et des informations fournies par le Gouvernement, l’impossibilité d’accéder aux activités concernées, quelle qu’en soit la nature, pour les personnes titulaires d’un certificat de rétablissement n’apparaît pas justifiée, eu égard au niveau de protection conféré pendant une certaine durée au moins par une infection à la covid-19. Si le Conseil d’Etat relève que le projet de loi permet au pouvoir réglementaire de prendre en compte un tel certificat, il note que cette possibilité est limitée aux cas où des raisons liées à « l’état médical » de l’intéressé le justifient, et au terme d’un examen propre à chaque activité. Le Conseil d’Etat rappelle par ailleurs qu’en l’état des recommandations des autorités scientifiques, une personne ayant un antécédent de covid-19 ne peut entamer un schéma vaccinal qu’au bout d’une durée de deux mois à compter de son infection.
        Par suite, afin de mieux garantir la proportionnalité de l’atteinte portée par la mesure aux droits et libertés en cause, le Conseil d’Etat suggère de modifier la rédaction du projet pour admettre expressément le certificat de rétablissement, par dérogation et dans des conditions définies par décret, comme un substitut du justificatif de statut vaccinal, indépendamment de la nature des activités pratiquées et de l’état médical actuel de la personne. Il appartiendra au pouvoir réglementaire d’adapter, au vu des connaissances scientifiques disponibles, la durée de prise en compte de ce certificat à compter de la précédente infection.
        Sous cette réserve, le Conseil d’Etat considère que cette mesure ne se heurte par elle-même à un obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
        Le Conseil d’Etat relève que le projet inclut les mineurs de douze à dix-sept ans, éligibles à la vaccination, dans le champ de la mesure, à l’instar du « passe sanitaire » actuel. Il estime que ce choix est cohérent avec les objectifs de la mesure, eu égard notamment à l’exposition particulière des mineurs à la vague épidémique actuelle.
        Sur l’application du « passe vaccinal » aux personnes accédant à diverses activités
        11. Procédant, enfin, à l’examen de l’étendue de la mesure, pour chacune des activités concernées, le Conseil d’Etat considère qu’au vu des éléments communiqués par le Gouvernement et dans le contexte sanitaire décrit au point 7, le fait de subordonner à un justificatif de statut vaccinal ou de rétablissement l’accès à des activités de loisirs, à des établissements de restauration ou de débit de boissons, à des foires et salons professionnels ou aux grands centres commerciaux désignés par décision préfectorale, est, en dépit du caractère très contraignant de la mesure pour les personnes, de nature à assurer une conciliation adéquate des nécessités de lutte contre l’épidémie avec les droits et libertés en cause.
        S’agissant des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le Conseil d’Etat rappelle qu’il avait admis leur inclusion dans le « passe sanitaire » eu égard, d’une part, aux effets attendus de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie, s’agissant de déplacements au cours desquels les passagers se côtoient pendant une longue durée dans un espace clos, et, d’autre part, à la circonstance que la majorité de ces déplacements présentent un caractère occasionnel et sont susceptibles d’être programmés à l’avance, et à condition de réserver les cas où l’urgence fait obstacle à la présentation du justificatif requis (voir le point 15 de l’avis n° 403629 du 19 juillet 2021).
        Le Conseil d’Etat estime que le contexte sanitaire, en particulier la diffusion du variant Omicron, peut justifier le renforcement des mesures de protection dans les transports de longue distance qui, en l’état des informations communiquées par le Gouvernement, peuvent dans certains cas constituer des lieux présentant un risque accru de diffusion du virus.
        Il souligne toutefois que l’impossibilité de faire état d’un test de dépistage négatif aura pour effet de priver les personnes non vaccinées de toute possibilité de prendre l’avion ainsi que le train ou le bus pour de longues distances. Elle est de nature à porter une atteinte substantielle à leur liberté d’aller et venir et à leur droit au respect de la vie privée et familiale.
        Pour mieux garantir la proportionnalité du dispositif, le Conseil d’Etat suggère d’introduire la possibilité d’admettre la présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 en cas de déplacement pour des motifs impérieux de nature familiale ou de santé, y compris lorsque ce déplacement ne présente pas un caractère d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif de statut vaccinal ou du certificat de rétablissement.
        Le Conseil d’Etat note par ailleurs que les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux relevant du 2° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 peuvent être soumis, au regard de la nature des justificatifs susceptibles d’être exigés, à des règles différentes des déplacements relevant du 1° du même A, alors qu’il peut s’agir dans ce dernier cas également de déplacements entre deux points du territoire national. Il relève toutefois que ces deux catégories de déplacements sont globalement soumises à des régimes juridiques distincts, incluant notamment, dans le cas du 1°, la possibilité d’imposer des mesures de quarantaine ou d’isolement, sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans les hypothèses mentionnées au II de l’article L. 3131-15 du même code. Le Conseil d’Etat estime dès lors que la différence de traitement rendue possible par la loi n’est pas par elle-même contraire aux exigences résultat du principe constitutionnel d’égalité.[…]

        Sur l’application du « passe vaccinal » à certains professionnels
        13. Le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 que les règles relatives au « passe sanitaire » peuvent également être rendues applicables aux personnes «qui interviennent» dans les lieux, établissements, services ou évènements mentionnés aux 1° et 2° de ces dispositions « lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue ». Les professionnels qui ne sont pas en mesure de produire ce justificatif font l’objet, en application du C de ces dispositions, d’une suspension de leur contrat de travail, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération.
        La conformité de ces dispositions à la Constitution a été admise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, au regard, d’une part, de l’objectif de protection de la santé poursuivi et, d’autre part, de l’encadrement de la mesure, et notamment de la nature des justificatifs susceptibles d’être produits par les intéressés pour exercer leur activité professionnelle.
        Le Gouvernement entend étendre aux professionnels concernés les nouvelles règles relatives au « passe vaccinal », ce qui implique qu’ils devront justifier être détenteurs d’un certificat de vaccination, d’un certificat de rétablissement ou d’un certificat de contre-indication vaccinale, exigence qui pourra, le cas échéant, être cumulée avec l’obligation de justifier d’un certificat de dépistage négatif.
        14. Le Conseil d’Etat relève que la mesure devrait se traduire pour les personnes exerçant une activité soumise à l’exigence du « passe vaccinal » par une contrainte conduisant la plupart de ces personnes à se faire vacciner. Il estime dans ces conditions que l’introduction par le législateur d’une telle obligation doit être subordonnée au respect des mêmes exigences de procédure et de compétence et des mêmes principes que ceux qui s’appliquent à la vaccination obligatoire à laquelle sont déjà astreints certains professionnels.
        15. Le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, qu’il avait considéré, dans son avis n° 403629 sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, que les dispositions relatives à la suspension et à la cessation de fonctions des agents publics et salariés de droit privé devaient être soumises à la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle en application de l’article L. 2271-1 du code du travail et au conseil commun de la fonction publique en application de l’article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983.
        Il en résulte en l’espèce que le Gouvernement n’était pas tenu de saisir ces organismes du présent projet de loi, qui ne modifie pas les dispositions relatives à la suspension et à la cessation de fonctions des salariés et agents, même s’il restreint la nature des justificatifs susceptibles d’être présentés pour l’exercice de leur activité.

        16. Le Conseil d’Etat observe, en deuxième lieu, que le projet de loi laisse au pouvoir réglementaire la faculté d’imposer le passe vaccinal aux professionnels entrant dans son champ d’application, dès lors que des considérations de santé publique liées à la lutte contre l’épidémie le justifieraient.
        Le Conseil d’Etat rappelle que l’atteinte portée par l’obligation vaccinale au libre accès, par les citoyens, à l’exercice d’une activité professionnelle n’ayant fait l’objet d’aucune limitation légale, qui constitue une liberté publique, ne peut résulter que du législateur (Ass, 7 juillet 2004, Ministre de l’intérieur c. Benkerrou, n° 255136). Le pouvoir réglementaire est seulement compétent pour déterminer les conditions de mise en œuvre de cette obligation et les conséquences qui en résulteraient pour les personnes qui ne la respecteraient pas (CE Ass. 12 décembre 1953, Union nationale des associations familiales, p. 545 ; Section, 16 juin 1967, Ligne nationale pour la liberté des vaccinations, p. 259 ; CE, Ass, 3 mars 2004, ALIS, n° 222918). Il appartient ainsi en principe au législateur, comme le prévoient tant les dispositions de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique que celles de l’article 12 de la loi du 5 août 2021, de déterminer les catégories de salariés et agents soumis à l’obligation vaccinale.
        Le Conseil d’Etat estime cependant qu’eu égard à la spécificité du dispositif de « passe vaccinal », introduit dans le cadre de la crise sanitaire actuelle et qui s’impose au public fréquentant certains lieux et établissements comme aux professionnels qui y exercent leur activité, le législateur peut, sans méconnaître l’article 34 de la Constitution, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir le champ d’application de la mesure, comme le prévoient déjà au demeurant les dispositions actuelles du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 en ce qui concerne le passe sanitaire.
        17. Le Conseil d’Etat rappelle, en troisième lieu, que l’instauration d’une obligation vaccinale s’inscrit dans un cadre constitutionnel et conventionnel bien établi.
        Le Conseil constitutionnel juge ainsi : « qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu’il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé » (Conseil constitutionnel, décision n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015, cons. 10). Le Conseil d’Etat en déduit que le principe d’une obligation de vaccination ne méconnaît, dans son principe, ni l’objectif de protection de la santé énoncé par le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni le droit à la vie et à l’intégrité physique, ni le principe de dignité de la personne humaine ni la liberté de conscience. Il revient toutefois au Conseil d’Etat de vérifier que les modalités retenues par la loi instaurant cette obligation de vaccination ne sont pas manifestement inappropriées à la lutte contre l’épidémie de la covid-19.
        La Cour européenne des droits de l’homme juge que la vaccination obligatoire, en tant qu’intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention (CEDH, décision n° 24429/03 du 15 mars 2012, Solomakhin c. Ukraine, paragr. 33). Pour déterminer si cette ingérence peut emporter violation de l’article 8 de la Convention, la Cour recherche si elle est justifiée au regard du second paragraphe de cet article, c’est-à-dire si elle est « prévue par la loi », si elle poursuit l’un ou plusieurs des buts légitimes énumérés dans cette disposition et si elle est à cet effet « nécessaire dans une société démocratique ». Il constate enfin que la Cour estime qu’une obligation vaccinale poursuit des buts légitimes de protection de la santé et de protection des droits d’autrui et répond à un besoin social impérieux (CEDH, décision n° 47621/13 du 8 avril 2021, Vavricka c. République tchèque, paragr. 265 à 311) et admet cette ingérence si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi.
        Statuant au contentieux, le Conseil d’Etat a considéré qu’une obligation vaccinale justifiée par les besoins de la protection de la santé publique et proportionnée au but poursuivi ne méconnaissait ni les articles 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de sauvegarde des droits de l’homme, ni l’article 2 de son premier protocole additionnel, ni la convention d’Oviedo pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine signée le 4 avril 1997 (CE, 6 mai 2019, Ligue nationale pour la liberté des vaccinations n° 419242).
        Dans le contexte actuel de la crise sanitaire, le Conseil d’Etat a, par une récente décision contentieuse du 10 décembre 2021 (n° 456004), jugé qu’une loi de pays de Polynésie française imposant la vaccination contre la covid-19 à un nombre important de salariés et agents susceptibles d’être particulièrement exposés au virus ne portait pas une atteinte disproportionnée à leur droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la CESDH et que la circonstance qu’en cas de méconnaissance de l’obligation, l’employeur ou le chef de service est tenu d’exercer les responsabilités qui lui incombent en vertu du droit commun et dans le respect des garanties prévues par celui-ci ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits des professionnels concernés. Le juge des référés du Conseil d’Etat s’est, par ailleurs, récemment fondé sur les enjeux sanitaires de la vaccination pour rejeter, en raison de l’absence de doute sérieux quant à la légalité du texte, un recours contre un décret réduisant à un jour la durée de validité des tests de dépistage, par ailleurs désormais payants pour les personnes non vaccinées, en dépit de la charge financière que représentait la mesure pour les professionnels astreints à la détention d’un passe sanitaire (JRCE, 14 décembre 2021, Association La voix du peuple, n° 458876).
        18. Le Conseil d’Etat relève qu’en l’espèce, le Gouvernement justifie l’extension du passe vaccinal à certains professionnels intervenant dans les lieux, établissements et transports mentionnés au 2° du B de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, à l’exception de ceux d’entre eux intervenant dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’actuel d) de ce 2°, par les risques de contamination particulièrement élevés auxquels sont exposés les intéressés du fait de leur activité ainsi que du risque d’hospitalisation accru qui en découle en l’absence de vaccination (cf. point 8 du présent avis).
        Le Conseil d’Etat observe que la portée de la mesure est strictement encadrée puisqu’elle ne trouvera à s’appliquer que lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifiera et, en application des dispositions générales du 1er alinéa du A du II de l’article 1er de la loi, « dans l’intérêt de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de  réanimation ». Il appartiendra ainsi au Gouvernement, sous le contrôle du juge administratif, de restreindre son champ d’application aux seuls professionnels qui se trouvent effectivement exposés, du fait de l’exercice de leurs fonctions, à un risque de contamination accru. Il résulte en outre du C du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 qu’il appartient à l’employeur, lorsque cela est possible, de chercher à reclasser les intéressés dans des emplois où le passe vaccinal n’est pas exigé.
        Le Conseil d’Etat en déduit que le fait d’imposer un passe vaccinal à certains professionnels ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles et conventionnelles précédemment rappelées.
        Sur les modalités de contrôle de la réglementation relative au « passe sanitaire » et au « passe vaccinal »
        19. Il résulte du B du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, la présentation des justificatifs du « passe activité » ne doit pas permettre aux contrôleurs « d’en connaître la nature et ne s’accompagne d’une présentation de documents officiels d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre. » Le projet de loi permet aux personnes chargées du contrôle du « passe sanitaire » et du « passe vaccinal », en cas de doute sur ces documents, d’exiger la présentation d’un document officiel d’identité.
        Le Conseil d’Etat relève que diverses dispositions législatives et réglementaires prévoient déjà la vérification par les professionnels de l’identité de leurs clients, en particulier en ce qui concerne le paiement par chèque (article L. 131-15 du code monétaire et financier), les transactions bancaires (article L. 561-5 du code monétaire et financier), la vente de boissons alcooliques dans les débits de boissons (article L. 3342-1 du code de la santé publique), l’accès aux salles de jeux dans les casinos (article R. 321-27 du code de la sécurité intérieure) ou les compagnies aériennes (articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
        Le Conseil d’Etat constate qu’en l’espèce, la vérification de l’identité des clients soumis au « passe sanitaire » ou au « passe vaccinal » par les professionnels, en cas de doute sur l’authenticité de ces documents, est nécessaire pour prévenir le recours à des documents frauduleux. Il en déduit que la mesure est justifiée par un objectif de santé publique.
        Le Conseil d’Etat considère dès lors qu’aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce que l’accès des personnes dans un établissement, un lieu ou un service de transports soit subordonné à la justification par les intéressés de leur identité, lorsqu’une telle demande est motivée par des considérations objectives. Il relève, au demeurant, que le juge des référés a retenu que n’était pas de nature à faire naître un doute sérieux le moyen tiré de ce que le passe sanitaire porte une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale des intéressés en ce qu’il comporte la mention de l’identité de son titulaire (JRCE, 30 août 2021, Gentillet, n° 455623).
        […] »

  • Voici le communiqué du Conseil des Ministres :
    • «Le Premier ministre a présenté un projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.« Depuis le 2 juin 2021, la gestion de l’épidémie de covid-19 se fonde sur le régime de gestion de la sortie de crise sanitaire défini par la loi du 31 mai 2021 et précisé par les lois des 5 août et 10 novembre 2021, ainsi que sur l’état d’urgence sanitaire, créé par la loi du 23 mars 2020 et applicable jusqu’au 31 décembre 2021 inclus dans les seuls territoires de la Martinique et de la Guyane. Ces deux régimes ont permis aux pouvoirs publics de prendre des mesures adaptées pour maitriser la circulation du virus en garantissant la reprise des activités et de la vie collective.
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      En métropole, les vagues épidémiques liées au variant Delta observées depuis l’été 2021 ont ainsi pu être contenues, sans restriction généralisée de la circulation des personnes ou des rassemblements et en maintenant ouverts, sauf rares exceptions, les établissements recevant du public, grâce à la progression de la vaccination et au passe sanitaire, dont l’application a été étendue au cours de l’été à l’ensemble des activités de loisirs, aux restaurants et débits de boisson, ou encore au transport interrégional de voyageurs. Le recours à des mesures de freinage plus contraignantes pour la population s’est en revanche avéré nécessaire dans les outre-mer, où la couverture vaccinale reste inférieure à celle atteinte en métropole.
      « Avec l’arrivée de la période automnale puis de l’hiver, le territoire métropolitain a été, comme le reste de l’Europe, confronté à une forte reprise épidémique. L’incidence a constamment augmenté depuis octobre et atteint désormais 712 cas pour 100 000 habitants, soit un niveau jamais mesuré depuis le début de l’épidémie. Les hospitalisations sont également en augmentation et le nombre de lits de soins intensifs occupés par des patients atteints de la covid-19 est désormais supérieur à 3 300. Bien que la vaccination et le passe sanitaire aient jusqu’à présent permis de limiter très significativement les conséquences de l’épidémie sur le système de soins, celui-ci reste en forte tension, alors que de nombreuses interventions précédemment reportées doivent être reprogrammées et que d’autres virus circulent activement à la faveur de la période hivernale. Par ailleurs, plus d’un million de personnes identifiées comme à risque n’ont toujours pas entamé un schéma vaccinal et il est désormais établi que l’efficacité de la protection conférée par la vaccination tend à diminuer avec le temps, ce qui rend nécessaire, pour maintenir une immunité suffisante, l’injection d’une dose de rappel. Le contexte épidémique est enfin marqué par l’apparition récente du variant Omicron, d’ores et déjà présent sur le territoire national et dans le reste de l’Europe.
      « Les premières études révèlent une contagiosité nettement supérieure à celle des autres souches en circulation, y compris le variant Delta, ainsi qu’un échappement immunitaire au moins partiel. La diffusion du variant Omicron conduit de nouveau à une augmentation très rapide du nombre, pourtant déjà très élevé, de personnes infectées, avec plus de 100 000 contaminations détectées le 24 décembre 2021. Les vaccins à acide ribonucléique messager semblent toutefois continuer à procurer une protection significative contre les formes graves, en particulier après l’injection d’une dose de rappel.
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      Pour protéger la population sans devoir recourir à des mesures de restriction généralisées, et dans un contexte où la vaccination est l’outil permettant de lutter durablement contre le virus, le projet de loi présenté entend renforcer les outils existants de gestion de la crise sanitaire, en substituant au passe sanitaire en vigueur un passe vaccinal et en renforçant encore les mesures permettant de lutter contre la fraude. Par ailleurs, à La Réunion, où la situation reste très fragile et préoccupante, des mesures de freinage plus importantes apparaissent nécessaires, justifiant une application de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret présenté à ce même conseil des ministres jusqu’au 31 mars 2022. Ce décret déclare également à compter du 1er janvier 2022 l’état d’urgence sanitaire en Martinique, où la loi du 31 mai 2021 le rend applicable jusqu’au 31 décembre 2021, et le Gouvernement déposera en cours de discussion parlementaire un amendement visant à rendre cet état d’urgence sanitaire applicable jusqu’au 31 mars 2022.
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      Consulté par le Gouvernement, le conseil scientifique a pleinement confirmé la pertinence sur le plan sanitaire des mesures du projet de loi.
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      Par le projet de loi, le Gouvernement entend en outre tirer les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité de certaines dispositions de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique relatives à la contention et à l’isolement dans les établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement, en instaurant un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention en cas de maintien des mesures d’isolement et de contention au-delà d’une certaine durée.»