Urbanisme et modification d’un projet en cours d’exécution : l’autorité compétente ne peut exiger du pétitionnaire que sa demande de permis modificatif porte également sur d’autres travaux irréguliers.
La jurisprudence Thalamy ne s’étend donc pas aux permis de construire modificatifs. Ainsi peut-on utiliser d’abord tout l’arsenal contre les constructions irrégulières, éviter la politique du fait accompli et — pour partie — éviter d’être victimes d’une politique du fait accompli de la part des constructeurs…
Au total, lorsqu’un propriétaire désire exécuter des travaux sur une construction qui est déjà irrégulière, sa demande d’autorisation doit porter sur l’ensemble du bâtiment et ce, dans le but de régulariser la totalité de la construction. Si la demande ne porte que sur les nouveaux travaux qui sont envisagés, l’administration doit refuser leur autorisation. Et si elle accorde celle-ci, sa décision sera irrégulière au motif que la demande du pétitionnaire ne portait pas sur l’ensemble de la construction.
Les propriétaires de constructions édifiées de façon irrégulière sont donc prévenus : s’ils souhaitent effectuer de nouveaux travaux sur leur bien, ils doivent obtenir une autorisation portant sur l’ensemble du bâtiment et non sur leur seul projet et, en cas de contentieux, aucune mansuétude ne pourra leur être appliquée… sans que la voie de la régularisation ou de l’annulation partielle soit ouverte :
« Toutefois, lorsque l’autorité administrative, saisie dans les conditions mentionnées au point 2 d’une demande ne portant pas sur l’ensemble des éléments qui devaient lui être soumis, a illégalement accordé l’autorisation de construire qui lui était demandée au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l’ensemble des éléments ayant modifié ou modifiant la construction par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même code« .
Source : CE, 6 octobre 2021, Société Marésias, req., n° 442182
Nb : voir les très nombreux articles de N. Polubocsko sur le présent blog à ce sujet .
Or, voici que le Conseil d’Etat a eu à répondre à une question simple, ainsi formulée par son rapporteur public :
Le Conseil d’Etat vient (ce qui suit reprend les formulations des tables) de :
- confirmer :
- qu’il « résulte des articles L. 461-1, L. 461-4, L. 462-1, L. 462-2, L. 480-1 et L. 480-2 du code de l’urbanisme que l’autorité administrative dispose, en cours d’exécution de travaux autorisés par un permis de construire, de la faculté de contrôler le respect de l’autorisation d’urbanisme.»
- qu’à défaut de la mise en oeuvre de ces pouvoirs de contrôle ou, s’ils ont été mis en oeuvre, du constat d’une irrégularité, « le pétitionnaire doit être considéré comme réalisant les travaux en se conformant à l’autorisation délivrée. »
- préciser, surtout, que :
- « L’autorité compétente ne peut pas exiger du pétitionnaire qui envisage de modifier son projet en cours d’exécution, que sa demande de permis modificatif porte également sur d’autres travaux, au motif que ceux-ci auraient été ou seraient réalisés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu. Il appartiendrait dans ce cas à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations de dresser procès verbal des infractions à la législation sur les permis de construire dont elle aurait connaissance, procès-verbal transmis sans délai au ministère public. En toute hypothèse, l’administration dispose, en vertu des articles L. 462-1 et L. 462-2, du pouvoir de contrôler la conformité une fois les travaux achevés et d’imposer, à ce stade, la mise en conformité. »
N.B. : à comparer, lorsque les travaux portent sur une construction existante irrégulière, avec : CE, 9 juillet 1986, Thalamy , n° 51172, rec. p. 201 ; CE, 13 décembre 2013, Mme et autres, n° 349081, T. pp. 879-882 ; CE, 6 octobre 2021, Société Maresias, n° 442182, p. 296. Rappr., lorsque l’administration n’a pas remis en cause la conformité à l’achèvement des travaux, CE, 26 novembre 2018, M. , n° 411991, T. pp. 956-961.
Source :
Conseil d’État, 30 avril 2024, n° 472746, aux tables du recueil Lebon
Voir aussi les éclairantes conclusions de M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public :
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