La circulaire « relative au traitement judiciaire des infractions » commises lors des manifestations contre la réforme des retraites passe, sans encombre, le cap du Palais Royal

Le juge des référés du Conseil d’Etat vient de refuser, faute de doute sérieux, ce suspendre la circulaire n° DP 2023/0022/C13 du 18 mars 2023 du Garde des sceaux « relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’occasion des manifestations ou des regroupements en lien avec les contestations contre la réforme des retraites ».

La requérante soutenait que cette « circulaire donnerait instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à des interpellations et à des placements en garde à vue préventifs ». Sauf que cette circulaire ne prescrit rien de tel :

5. Il ressort toutefois des énonciations mêmes de cette circulaire que celle-ci se borne, en premier lieu, à inviter les procureurs de la République à se rapprocher des autorités préfectorales en vue de se tenir informés des évènements prévus et des moyens mis en oeuvre pour garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations. Le garde des sceaux rappelle à cet égard aux procureurs qu’ils disposent, en vertu des articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale, de la possibilité de délivrer, en vue de la recherche et de la poursuite d’infractions susceptibles d’être commises en marge des manifestations, des réquisitions aux fins de contrôle d’identité, de visite des véhicules et d’inspection visuelle et de fouille des bagages dans des lieux et pour une période de temps qu’ils déterminent et les invite à apprécier l’opportunité de délivrer de telles réquisitions au vu des éléments recueillis après concertation avec les autorités préfectorales. La circulaire invite, en deuxième lieu, les procureurs à veiller à ce que des moyens humains et matériels suffisants soient consacrés aux missions de police judiciaire, de manière à garantir, en cas d’interpellation, une information adéquate du ministère public et, le cas échéant, de la juridiction de jugement quant au contexte et au déroulement des faits. En troisième lieu, le garde des sceaux invite les procureurs à adapter l’organisation des parquets en vue de les mettre en capacité de traiter dans de bonnes conditions les procédures relatives aux infractions commises en marge des manifestations.

6. En revanche, et contrairement aux allégations de la requête, il ne ressort nullement des énonciations de la circulaire contestée que le garde des sceaux aurait donné instruction aux procureurs de la République de systématiquement délivrer des réquisitions aux fins de contrôle d’identité, de visite des véhicules et d’inspection visuelle et de fouille des bagages sur les lieux ou à proximité des manifestations, l’opportunité d’y procéder étant, ainsi qu’il a été dit, explicitement laissée à leur appréciation, au cas par cas. Cette circulaire n’a pas davantage, contrairement à ce qui est soutenu, pour objet ou pour effet d’inciter les procureurs à donner instruction aux officiers de police judiciaire de procéder au placement systématique de manifestants en garde à vue, mais vise seulement à ce que le traitement judiciaire des interpellations auxquelles il est susceptible d’être procédé en marge des manifestations soit opéré dans des conditions satisfaisantes. Si la requérante fait en outre valoir que les forces de l’ordre auraient irrégulièrement recouru à la technique dite de la nasse au cours des manifestations du mois de mars 2023 et que la plupart des placements en garde à vue intervenus à cette occasion auraient débouché sur des classements sans suite, ces circonstances sont sans incidence sur la portée de la circulaire contestée, telle qu’elle ressort de son contenu.

Source :

Conseil d’État, 21 avril 2023, n° 472924

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