ICPE de la directice IDE : la France s’ajuste aux demandes de la commission européenne pour ce qui est du « droit d’antériorité »

La Commission européenne avait adressé à la France une mise en demeure INFR(2022)2057 C(2022)3978 relative au « droit d’antériorité » en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

La Commission considérait en effet que, pour les installations bénéficiant des droits acquis, la réglementation française ne précisait pas qu’elles doivent disposer d’une autorisation avec des prescriptions conformes aux exigences de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), dite directive IED.

Un projet de décret a été mis en consultation, puis modifié pour tenir compte de celle-ci. Voici par exemple ce qu’en disait, en approuvant ces modifications, le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, de manière très éclairante :

«  Le Président rappelle que, parmi les installations classées, installations dont les émissions sont particulièrement importantes, les IED sont au nombre de 6 500 (dont 3 000 élevages).
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) explique que le projet de décret qui est proposé permet de modifier deux articles du code de l’environnement, qui portent sur les droits acquis. Ces modifications proviennent d’un contentieux avec la Commission européenne.
« L’article L. 513-1 est rédigé comme suit :
« Les installations, qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration, peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l’exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l’année suivant l’entrée en vigueur du décret. »
« Le Président indique que ce point est fondamental : si l’exploitant est dispensé de procédure, il doit tout de même appliquer les prescriptions techniques afférentes au nouveau régime dans lequel il rentre.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) ajoute qu’une notification de procédure « EU Pilot » a été reçue le 29 juin 2022, et que les deux sites identifiés n’ayant pas d’arrêté préfectoral ont été réglementés. Les échanges n’ont pas satisfait la Commission européenne, qui a mis la France en demeure de transposer correctement la directive IED. La France s’est donc engagée à modifier le code de l’environnement. Le premier élément qui lui est reproché est qu’une installation classée bénéficiant de l’antériorité peut actuellement fonctionner sans permis.
« Le deuxième point du contentieux porte sur le gros-œuvre. L’article R. 513-2 du CE précise que les mesures prescrites « ne peuvent pas entraîner de modifications importantes touchant le gros-œuvre de l’installation ou des changements considérables dans son mode d’exploitation ».
« Le Président précise qu’une entorse à ce dogme a déjà été faite dans la réglementation post- Lubrizol, des mesures pouvant toucher le gros-œuvre des entrepôts ayant été prescrites.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) indique que la Commission considère que la rédaction actuelle n’est pas conforme à la directive IED. Les modifications proposées sont les suivantes :
« L’article R. 513-2 est complété pour confirmer que le Préfet prend systématiquement un arrêté conforme aux exigences de la directive pour les installations IED bénéficiant des droits acquis. Ainsi, toutes les installations IED fonctionneront avec une autorisation, comme cela est requis par la directive.
« Cet article est également complété pour permettre au Préfet de prescrire des mesures concernant le gros œuvre (dispositions constructives par exemple), si celles-ci sont nécessaires pour répondre aux exigences de la directive IED.
« Enfin, l’article R. 515-58 qui vise les installations IED dans un chapitre spécifique du code de l’environnement est complété d’un rappel à la modification nouvellement introduite à l’article R. 513-2.
« Ces modifications ne concernent que les installations relevant de la directive IED.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) souligne que les mesures demandées pour faire droit à la demande de la Commission européenne pourraient avoir un impact financier pour certains exploitants. Quand elle instruira ces dossiers, l’inspection prendra en compte un étalement des mesures à prendre. D’autre part, il a été ajouté au texte que, pour les installations qui entrent dans le champ de la directive, une consultation du public sera bien mise en œuvre.
« Maître Marie-Pierre MAITRE demande s’il existe des installations n’ayant que des arrêtés préfectoraux complémentaires, qui n’auraient donc pas eu d’autorisation initiale, et qui seraient concernées par la nécessité d’avoir une autorisation globale, avec une participation du public.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) répond qu’un travail de recensement a été réalisé. Deux installations n’avaient pas d’arrêté préfectoral, mais cette situation a été régularisée.
« Maître Marie-Pierre MAITRE en déduit que l’on change la réglementation pour deux sites. Anne-Cécile RIGAIL ajoute qu’il s’agit aussi de complaire à la Commission européenne, et que les modifications proposées ont clairement un caractère formel.
« Maître Jean-Pierre BOIVIN estime qu’il ne s’agit pas d’une régularisation, mais de la réponse à une demande de formalisation, puisque les installations visées n’étaient pas irrégulières.
« Anne-Cécile RIGAIL ajoute que des prescriptions sont tout de même données aux sites concernés.
« Le Président insiste sur la précision suivante : il est possible de transgresser la règle traditionnelle d’absence de prescription sur le gros-œuvre quand cela résulte directement des exigences de la directive IED. L’opération n’est pas seulement formelle, puisqu’une consultation du public est prévue, ainsi que d’éventuelles prescriptions sur le gros-œuvre.
« Nelly LE CORRE-GABENS indique que, si des modifications sont apportées, un nombre considérable d’élevages pourraient être concernés. Elle demande si les prescriptions qui pourraient être faites impliqueraient de toucher le gros-œuvre. Elle s’enquiert également des possibles conséquences de la consultation du public.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) répond que, selon le projet de modification de la directive IED de la Commission européenne, 180 000 élevages seraient concernés en Europe, dont 36 000 en France. D’autre part, le rôle de la directive n’est pas de donner des prescriptions, mais de fixer les grands principes de réduction des émissions. Les prescriptions ne sont donc pas connues.
« Bénédicte OUDART rappelle que, dans le cadre de la consultation du public, le Medef avait demandé que soit pris en compte un principe de proportionnalité, afin de s’assurer que les coûts ne soient pas surdimensionnés par rapport aux bénéfices sur l’environnement. Elle demande si le terme « directement » couvrira ce souci de proportionnalité.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) répond qu’un article du code de l’environnement évoque la proportionnalité et couvre donc cette préoccupation.
« Maître Jean-Pierre BOIVIN sollicite un exemple d’une mesure susceptible de toucher le gros- œuvre d’une installation existante.
« Le rapporteur (Loïc MALGORN) explique que, si une mesure impose de disposer d’une emprise foncière que le site ne possède pas, il conviendra de toucher le gros-œuvre.
« Le Président ajoute que la mise en place d’un dispositif de traitement, par exemple, peut nécessiter une construction immobilière.
« Le projet de décret est adopté à la majorité.»

Source :

Ce décret a été publié au JO :

  • Décret n° 2023-722 du 3 août 2023 relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement fonctionnant au bénéfice des droits acquis et relevant de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution)
    NOR : TREP2312816D :

  • L’article R. 513-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
    I. – Le cinquième alinéa est remplacé par les quatre alinéas suivants :
    « Ces mesures ne peuvent entraîner de modifications importantes touchant le gros-œuvre de l’installation ou des changements considérables dans son mode d’exploitation, sauf dans les cas suivants :
    « 1° Lorsque les engagements pris par l’exploitant dans l’étude qu’il a produite sont manifestement insuffisants pour assurer la préservation de la salubrité et de la sécurité publiques ainsi que de la santé, à la condition que les mesures envisagées ne soient pas disproportionnées par rapport à ce que nécessite la protection de ces intérêts ;
    « 2° Lorsque les mesures prévues par l’arrêté du préfet sont nécessaires pour satisfaire aux exigences de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution).
    « Si l’installation relève de l’annexe I de la directive précitée, le préfet prend, dans les conditions prévues à l’article R. 181-45, un arrêté permettant la poursuite de l’exploitation, à moins que l’installation concernée ait déjà fait l’objet d’un arrêté pris en application de ce dernier article aux fins de satisfaire aux exigences de la directive. L’arrêté pris en application du présent alinéa comporte celles des prescriptions prévues aux articles R. 515-60 à R. 515-69 relatives au contenu de l’autorisation des installations relevant de l’annexe I de la directive qui sont nécessaires pour satisfaire à ces exigences. Cet arrêté est soumis à consultation du public dans les conditions prévues à l’article L. 123-19-2. »
    II. – Au sixième alinéa, qui devient le neuvième, les mots : « quatrième et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « quatrième à huitième alinéas ».

  • A l’article R. 515-58 du même code, les mots : « Sans préjudice des dispositions de la section 1 du chapitre II du présent titre, notamment du dernier alinéa de l’article L. 181-1 » sont remplacés par les mots : « Sans préjudice notamment des dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre Ier, de celles de la section 1 du chapitre II du présent titre applicables en matière d’autorisation et de celles du chapitre III du titre Ier du livre V ».

[…]