Le 12 février 2024, était publié au JO l’arrêté du 1er février 2024 relatif à la convention-type prévue à l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles (NOR : IOMV2400975A) :
Il s’agissait de redéfinir le modèle de convention-type relatif à la coordination des services de l’Etat et du département notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du traitement de données prévu à l’article R. 221-15-1 du code de l’action sociale et des familles (en lieu et place de la version précédente fixée par l‘arrêté du 16 octobre 2020 NOR : INTV2019857A).
Voir mon court article :
- Nouveau modèle de convention entre départements et Etat pour les MNA (notamment pour la mise en œuvre du traitement de données)
- voir aussi ce décret récent : Un décret sur les MNA
Or, justement, moins de deux semaines avant cet arrêté (qui était dans les tuyaux avant), l’ancien régime se trouvait fragilisé par une décision du TA de Pau. Mais fragilisé sur certains points, plutôt de détail, seulement. Avec une décision tout à fait intéressante.
Avaient été attaquée, en effet, les protocoles mis en place en 2020 et en 2021 par le Département et la préfecture des Pyrénées Atlantiques, avec les Procureurs de la République concernés.
Il s’agissait de coordonner et de préciser les engagements réciproques des services concernés dans la mise en œuvre du dispositif national d’accueil des mineurs étrangers non accompagnés (MNA). Ces protocoles décrivent la procédure d’accueil et d’évaluation appliquée selon différentes hypothèses d’arrivée des personnes concernées dans le département, et au premier chef, celles pour lesquelles la minorité présente un doute sérieux.
Voici le protocole de 2021 :
Les requérants ont attaqué les points 2 (relatifs aux obligations du Département) et 3 (qui concernait la préfecture) de ces actes.
Le tribunal a écarté l’ensemble des moyens soulevés à l’encontre du point 2 des protocoles :
- le moyen tiré de ce que le recours obligatoire à la procédure « d’appui à l’évaluation » des mineurs ne serait pas autorisé par les dispositions législatives et règlementaires applicables ne pouvait qu’être rejeté (un tel régime existe ; voir notamment les I et II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles [CASF])
- non on ne glissait pas vers une automaticité qui priverait les agents d’une appréciation au cas par cas. De ce point de vue, citons le TA qui se retrouve ainsi à valider une semi-automaticité, en quelque sorte :
- « Si le recours à la procédure d’appui à l’évaluation n’est qu’une possibilité offerte aux services du département dans le cas d’un jeune provenant d’un autre département (« réorienté »), le point 2 des protocoles litigieux lui donne un caractère systématique s’agissant des jeunes migrants qui entrent pour la première fois dans le département et prévoit que le préfet est informé de cette entrée. Les stipulations des protocoles doivent être interprétées comme concernant non pas la situation de tous les migrants mineurs mais celle de jeunes se déclarant mineurs alors qu’un doute existe quant à leur minorité. Dès lors, elles visent à répondre au motif d’intérêt général tiré de l’obligation faite au président du conseil départemental d’évaluer la situation des mineurs non accompagnés, telle qu’elle résulte des termes mêmes du I et du II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles précité. De même, l’information du préfet tend à améliorer la coordination entre les services concernés et ne méconnaît aucune disposition législative ou réglementaire applicable. En tout état de cause, ces protocoles ne privent nullement les différents services de leur pouvoir d’appréciation, au cas par cas, en présence d’un étranger se déclarant mineur. Par suite, le moyen tiré de ce que le recours obligatoire à la procédure « d’appui à l’évaluation » des mineurs ne serait pas autorisé par les dispositions législatives et règlementaires applicables, doit être écarté. « 18. En deuxième lieu, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-797 du 26 juillet 2019 que la majorité d’une personne se présentant comme mineur non accompagné ne saurait être déduite ni de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans les traitements de données VISABIO ou AGDREF2.
Ainsi, seul le constat qu’une évaluation sociale a déjà été réalisée peut aboutir à une telle conclusion. Dès lors, en se bornant à prévoir que, même pour des mineurs faisant l’objet d’une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République, les services du département des Pyrénées-Atlantiques peuvent consulter la préfecture pour une vérification sur le traitement « appui à l’évaluation de la minorité », le protocole n’a pas méconnu les dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles, dès lors que les informations recueillies entrent dans un processus d’évaluation plus global. Au demeurant, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, les dispositions de cette loi ont eu pour objet de rendre obligatoire l’enregistrement des personnes se déclarant mineurs non accompagnés dans le traitement « appui à l’évaluation de minorité » (AEM), sauf si la minorité est manifeste.»
- « Si le recours à la procédure d’appui à l’évaluation n’est qu’une possibilité offerte aux services du département dans le cas d’un jeune provenant d’un autre département (« réorienté »), le point 2 des protocoles litigieux lui donne un caractère systématique s’agissant des jeunes migrants qui entrent pour la première fois dans le département et prévoit que le préfet est informé de cette entrée. Les stipulations des protocoles doivent être interprétées comme concernant non pas la situation de tous les migrants mineurs mais celle de jeunes se déclarant mineurs alors qu’un doute existe quant à leur minorité. Dès lors, elles visent à répondre au motif d’intérêt général tiré de l’obligation faite au président du conseil départemental d’évaluer la situation des mineurs non accompagnés, telle qu’elle résulte des termes mêmes du I et du II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles précité. De même, l’information du préfet tend à améliorer la coordination entre les services concernés et ne méconnaît aucune disposition législative ou réglementaire applicable. En tout état de cause, ces protocoles ne privent nullement les différents services de leur pouvoir d’appréciation, au cas par cas, en présence d’un étranger se déclarant mineur. Par suite, le moyen tiré de ce que le recours obligatoire à la procédure « d’appui à l’évaluation » des mineurs ne serait pas autorisé par les dispositions législatives et règlementaires applicables, doit être écarté. « 18. En deuxième lieu, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-797 du 26 juillet 2019 que la majorité d’une personne se présentant comme mineur non accompagné ne saurait être déduite ni de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans les traitements de données VISABIO ou AGDREF2.
- est validée via un tel accord la saisine directe de la police de l’air et des frontières par le président du conseil départemental (et non par le préfet) dans les cas où le jeune dispose d’un document. « Cette saisine directe répond ainsi à un souci de bonne administration », précise le TA. Un peu plus loin dans son jugement (voir les points 21 et suivants notamment), le juge refuse d’y voir un détournement de pouvoir ou une procédure déguisée, pour reformuler à grands traits les moyens (certes plus subtils) des requérants.
- Nul n’était besoin de rappeler à cette occasion tout le dispositif réglementaire en ce domaine (notamment nul besoin de répéter les garanties de l’article R. 221-15-8 du CASF validées par le Conseil d’État dans sa décision n° 428478 du 5 février 2020).
Le TA a jugé, en revanche, que le point 3 des protocoles en tant qu’il permet un contrôle par les forces de l’ordre, de l’identité et de la minorité, de jeunes migrants se présentant comme mineurs et ne relevant pas encore du dispositif national de mise à l’abri auprès du service de l’aide sociale à l’enfance, avant toute demande de placement en urgence, et sans avoir préalablement ou concomitamment avisé les services départementaux, méconnait les garanties nécessaires à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le tribunal a en effet estimé que seuls les services départementaux sont en mesure de garantir que l’évaluation de la situation de ce jeune repose sur un faisceau d’indices, dès lors que la majorité d’une personne ne saurait être déduite ni de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes digitales, ni de la seule constatation qu’elle est déjà enregistrée dans les traitements de données utilisés à fin d’identification. Il en a déduit qu’il y avait lieu, en conséquence, d’annuler ces stipulations.
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