Pour un élu local, refuser d’accomplir ses fonctions ce peut conduire à les perdre… mais encore faut-il que ce soient des fonctions obligatoires (ce qu’est la présidence d’un bureau de vote, ou la qualité d’assesseur dudit bureau, mais pas la fonction de secrétaire d’un bureau de vote)…. et que les excuses données au cas par cas ne convainquent pas le juge.
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Sera démis d’office l’élu qui :
- 1/soit devient inéligible en cours de mandat (notamment quand une condamnation pénale conduit à la perte de l’inéligibilité ; pour un cas intéressant, voir TA Guadeloupe, ord., 17 mai 2018, n°1800191 ; pour la combinaison de ce régime avec celui de l’appel en pénal, voir CE, 20 décembre 2019, n° 432078 ; notons que la démission d’office peut parfois résulter d’autres causes d’inéligibilité ; attention le régime des parlementaires, sur ce point, diffère pour ce qui est de l’effet d’une exécution d’office en 1e instance :cf. C. const., décision n° 2021-26 D du 23 novembre 2021).
Voir : Quand une personne, condamnée au pénal, peut-elle devenir inéligible ? [VIDEO et article] - 2/ soit refuse d’assurer une de ses fonctions municipales obligatoires (art. L. 2121-5 et R. 2121-5 du CGCT), sauf excuse valable comme une excuse médicale par exemple (voir pour une illustration : CAA Nancy, 26 novembre 2015, n° 15NC00783-15NC00784) et si la demande du maire était assez claire non sur les conséquences d’un refus, mais sur le caractère impératif de sa demande (CAA Lyon, 18 janvier 2022, n° 21LY03386 ; TA Bordeaux, 28 janvier 2016, n° 1505739).
L’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi que tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif (souvent sur saisine du maire). Cet article précise aussi que « le refus résulte soit d’une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l’abstention persistante après avertissement de l’autorité chargée de la convocation », d’une part, et que les conseillers municipaux déclarés démissionnaires peuvent être réélus avant le délai d’un an » (aussi l’article L. 235 du Code électoral).
Les grands classiques en ce domaine sont :
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- le refus de siéger en CAO (voir par exemple TA Lille, 8 janvier 2016, n° 1510220)
- ou de présider un bureau de vote voire tout simplement d’y être assesseur (CE, 26 novembre 2012, 349510 ; CAA Toulouse, 10 novembre 2022, n° 22TL21819 ; CAA Nancy, 4 juillet 2023, n° 22NC02099 ; CAA de Nantes, 30 mars 2020, n° 19NT02655) ; pour l’excuse valable de refus de présider un bureau de vote quand on est par ailleurs délégué de liste, voir TA Melun, 28 février 2008, n° 0800729).
- voire de refus de présider la séance d’installation du conseil municipal pour le doyen d’âge (en l’espèce par ailleurs maire battu) : CAA Marseille, 16/11/2020, 20MA03043
Mais, pour rester donc sur le cas 2/, celui du refus d’assurer une de ses fonctions municipales obligatoires, le juge (qui est saisi en cas de demande de démission d’office) refuse d’appliquer ce régime :
- en cas de simple absentéisme au conseil municipal (CAA Paris, 8 mars 2005, 04PA03880 ; sous réserve cependant d’un régime propre à l’Alsace-Moselle sur ce point) ou du refus d’être élu adjoint (voir, pour un cas très atypique : CAA Nantes, 4 février 1999, 98NT02546).
- ou si la fonction n’est pas une fonction municipale obligatoire. Ainsi pour le cas des bureaux de vote cela a été jugé :
- plusieurs fois pour des fonctions, non pas d’assesseur, mais pour celles « d’assesseur supplémentaire», i.e. autre membre du bureau de vote qui est normalement assuré par d’autres électeurs ( TA Versailles, 9 juillet 2012, n° 1203512 ; TA Nancy, 17 juillet 2012, n° 1201424 ; CAA Versailles, 16 juillet 2012, n° 11VE02574).
- s’agissant des fonctions de secrétaire du bureau de vote, ainsi que l’a jugé le TA de Besançon. Ce tribunal a rappelé que, s’il résulte des dispositions de l’article R. 42 du code électoral que, si la fonction d’assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l’article L. 2121-5 du CGCT, en revanche, les fonctions de secrétaire peuvent être exercées par un électeur de la commune choisi par les autres membres du bureau de vote. Il n’est donc pas obligatoire d’être élu. Donc ces fonctions ne sauraient être regardées comme dévolues par la loi à un conseiller municipal au sens de l’article L. 2121-5 du CGCT. Et, dès lors, refuser de les exercer ne saurait être assimilé à un refus d’assurer une fonction municipale obligatoire… Cet élu récalcitrant n’a donc pas à être démis d’office (TA Besançon, 17 juin 2022, n° 2200827).
C’est dans ce cadre que le TA de Versailles a, juin 2024, rendu une série de jugements dans une affaire concernant une commune dont le maire avait saisi le tribunal afin que celui-ci déclare démissionnaires d’office cinq conseillers municipaux qui avaient refusé d’exercer les fonctions d’assesseur dans les bureaux de vote de la commune lors des élections européennes.
Dans ses jugements, ce tribunal a rappelé que seul l’élu qui justifie, par la production de pièces précises, son incapacité à se rendre disponible pour assurer la tenue d’un bureau de vote en raison d’obligations personnelles ou professionnelles, dispose d’une excuse valable pour refuser de remplir ses fonctions d’élu et ne peut, par conséquent, être déclaré démissionnaire d’office.
Compte tenu des motifs d’absence et des éléments produits par chacun des cinq élus dont la situation était examinée, le tribunal a retenu que deux d’entre eux n’avaient pas suffisamment justifié de leur incapacité à se rendre disponible le 9 juin et il a déclaré ces deux élus démissionnaires d’office. En revanche, il a jugé que trois de ces cinq élus justifiaient d’une excuse valable au sens de l’article L. 2121-5 du CGCT et, pour ces derniers, il a rejeté la demande du maire.
Sources (les liens ci-dessous renvoyant vers le site de ce TA) :
En août 2024, ce fut (entre autres) au tour du TA de Rouen de rendre deux autres intéressantes décisions.
Les maires des communes de La Haye et de Saint-Germain-des-Essourts ont saisi ce TA afin que celui-ci déclare démissionnaires d’office deux conseillers municipaux qui avaient refusé d’exercer les fonctions d’assesseur dans les bureaux de vote des communes lors des dernières élections législatives.
Dans la première affaire, le tribunal a considéré que les éléments produits par la conseillère municipale de La Haye ne permettaient pas d’établir l’existence d’une excuse valable, d’ordre médical, justifiant son refus d’exercer les fonctions d’assesseur les 30 juin et 7 juillet 2024, alors que l’intéressée avait notamment participé au conseil municipal du 2 juillet 2024.
En revanche, dans la seconde affaire, le tribunal a considéré que le conseiller municipal avait apporté les justificatifs nécessaires, en particulier d’ordre médical, pour établir qu’il se trouvait dans l’incapacité de tenir le bureau de vote de Saint-Germain-des-Essourts le jour du deuxième tour des élections législatives anticipées. Il note que ce conseiller avait informé le maire en temps utile de son incapacité. Il en a déduit que l’intéressé disposait d’une excuse valable justifiant son refus d’exercer les fonctions d’assesseur.
Sources (là encore renvoyant vers le site dudit TA) :
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