Fausse facture, vraie irrégularité de l’offre [VIDEO et article]

Fausse facture, vraie irrégularité de l’offre : et c’est une juge des référés du TA de Paris qui nous le confirme, censurant logiquement une offre jugée irrégulière par l’acheteur public, au sens des articles L. 2152-1 et L. 2152-2 du du code de la commande publique… l’irrégularité provenant de fausses factures insérées dans l’offre remise à l’acheteur public. 

Voyons cela au fil d’une vidéo (présentée par Evangelia Karamitrou et Eric Landot), d’un dessin et d’un article (rédigé par Eric Landot).


 

 

I. VIDEO (2 mn 15)

 

https://youtube.com/shorts/Gp76B6HKCkk

II. DESSIN

 

 

III. ARTICLE

 

Un marché portait sur l’enlèvement de véhicules et le transfert de ceux-ci en préfourrières ou fourrières, avec une note relative à la « performance environnementale des véhicules dédiés à l’exécution du marché ».

La société requérante avait remis un mémoire technique indiquant, pour chacun de ces lots, qu’elle s’engageait à mobiliser, dès la date de commencement des prestations, une flotte de douze véhicules neufs avec une motorisation GNV.

A titre de justificatif, elle a produit trois factures de la devant fournir ces trois véhicules déjà acquis par la société…. qui se sont avérées être des faux (!) en dépit des (semble-t-il assez laborieuses) tentatives de défense de la société requérante dont l’offre avait été rejetée (la société Inter dépannage Paris). Ce que le juge résume ainsi :

« 9. La société AD2R soutient que ces factures sont fausses et produit, à l’appui de ses allégations, deux attestations en justice du directeur commercial de la société Iveco/Global trucks mentionné sur ces documents comme en ayant été l’émetteur, réfutant les avoir émis et indiquant qu’aucun devis ni aucune commande de véhicule n’ont été enregistrés auprès de la société Iveco/Global trucks par la société Inter dépannage Paris en 2025. Ces attestations précisent en outre que les documents présentés par la société requérante comme « factures » ont été falsifiés à partir d’un devis établi en février 2025 à l’intention de la société Gaubert Industries. Pour réfuter ces allégations, la société requérante, d’une part, soutient que les véhicules considérés ont été acquis pour son compte par la société Gaubert et que les factures ont été libellées à son nom, et non pas à celui de la société Gaubert, afin d’en assurer le financement et, d’autre part, produit une attestation en justice d’un directeur industriel et production de la société Gaubert Productions qui confirme, dans des termes très généraux, l’existence de liens entre la société Gaubert et la société Inter dépannage Paris pour l’équipement de véhicules. Toutefois, par ces seuls éléments, la société requérante n’apporte pas d’éléments de nature à infirmer le caractère inauthentique des factures litigieuses. En outre, à supposer même que la société Inter dépannage Paris établisse avoir, ainsi qu’elle l’indique dans ses écritures, souscrit un contrat de leasing pour financer les véhicules concernés, les factures litigieuses ne retranscrivent en tout état de cause pas une opération réelle portant sur la vente de trois véhicules de la société Iveco/Global trucks à la société Inter dépannage Paris. Par suite, le fait que la société Inter dépannage Paris a transmis au pouvoir adjudicateur, de façon intentionnelle, des renseignements erronés et a produit des documents susceptibles de fausser l’appréciation portée par la Ville de Paris sur les mérites de sa candidature, en méconnaissance des dispositions de l’article 441-4 du code pénal, doit être regardé comme établi. Dans ces conditions, la société AD2R est fondée à soutenir que l’offre de la société requérante est irrégulière.»

Source :

TA Paris, ord., 13 août 2025, Société Inter dépannage Paris, n° 2521335.

Il semble donc s’agir de faux au sens des articles 441-1 et 441-4 du code pénal. La magistrate du TA évoque un faux en écriture publique, ce qui pourrait se discuter s’agissant d’un supposé faux produit par la personne de droit privé dans ce qui n’est pas encore un contrat public. Or, la nuance entre faux en écriture privée ou privée est d’importance (crime dans un cas ; délit dans l’autre… et le faux en écriture publique ne peut être « correctionnalisé » : il faut donc ne pas se tromper dès le stade des plaintes puis, surtout, des poursuites en ce domaine : voir par exemple ici et pour des illustrations de cette subtile distinction).

Voir par exemple : Cour d’appel de Paris, 25 septembre 2015, n° 13/05222 (sur le volet indemnitaire dans un cas de marché de faux produits par une société pour obtenir un marché de bureautique d’une mairie (une partie des faux portant d’ailleurs sur les attestation de non condamnation au pénal !) ; voir pour le volet administratif de cette même affaire : CAA de Paris, 29 juillet 2011, 09PA05587.

On rappellera que produire un faux pour tenter de remporter un marché public peut constituer, aussi, au pénal, une escroquerie (voir par exemple pour une fausse attestation de l’URSSAF : Cass. crim., 7 mai 2024, n° 23-83.540).

Mais revenons au droit public et à l’irrecevabilité de l’offre pour production de faux documents. Sur ce point, la position retenue par la juge du TA de Paris n’est guère surprenante. En effet :

Mais cette affaire confirme ce que nous savons tous hélas : les candidats aux marchés public mentent parfois sur leur offre (voir p. ex. ici) à l’instar des candidats aux postes qui trop fréquemment mentent sur leurs CV. Et, dans un cas comme dans l’autre, c’est souvent fort long et difficile à identifier…


 


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