Contentieux des autorisations d’urbanisme : les moyens rejetés par le jugement avant-dire droit peuvent être de nouveau débattus lors de l’appel dirigé contre le jugement statuant au fond

Décidément, le mécanisme de régularisation posé par l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme n’a pas fini d’occuper les juristes et de livrer tous ses mystères…

La preuve en est par ce nouvel arrêt rendu par la Section du Contentieux du Conseil d’Etat et qui a tranché la délicate question de savoir si, au cours d’un appel dirigé contre le jugement rendu sur le fond ayant annulé le permis, l’intimé (soit le défendeur en appel) peut former un appel incident contre le jugement avant-dire droit pour contester le rejet de certains des moyens dirigés contre l’autorisation de construire, alors même que ce premier jugement n’a, lui, fait l’objet d’aucun recours.

Autrement dit, dans une procédure en appel dirigée contre un jugement ayant annulé une autorisation d’urbanisme, l’intimé est-il recevable à contester les motifs retenus par une autre décision du juge de première instance qui est en lien avec ce même jugement ?

Après avoir rappelé que le juge d’appel est saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’Etat vient de reconnaitre une telle possibilité :

« Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions, il appartient au juge d’appel, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, s’il censure le motif d’annulation retenu par les premiers juges dans leur jugement mettant fin à l’instance née de la contestation du permis de construire, d’examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance, y compris ceux d’entre eux, dirigés contre le permis de construire initial, qui ont été expressément écartés par le jugement avant-dire-droit et alors même que ce premier jugement n’a pas fait l’objet d’appel de la part des demandeurs de première instance. Il résulte de ce qui précède que, alors même que l’appel de la commune ne portait que sur le second jugement du 14 avril 2021 mettant fin à l’instance, la cour, après avoir estimé que le tribunal administratif s’était fondé à tort sur le moyen tiré de ce que le permis de régularisation était entaché d’incompétence pour annuler ce permis ainsi que le permis de construire initial, a entaché son arrêt d’erreur de droit en ne s’estimant pas saisie par l’effet dévolutif de l’appel des moyens soulevés par M. C… et autres qui avaient été écartés par le jugement avant-dire-droit du 2 décembre 2020.

En outre, alors même que l’effet dévolutif de l’appel avait pour effet que la cour devait se prononcer sur les moyens soulevés par M. C… et autres et écartés par le jugement avant-dire-droit, ces derniers ont également présenté devant la cour des conclusions incidentes tendant à l’annulation de ce jugement. Ces conclusions ne soulevant pas un litige distinct de l’appel principal, la cour a commis une autre erreur de droit en les rejetant comme irrecevables ».

Même si le jugement avant-dire droit n’a pas été contesté en appel, le rejet de certains moyens contestant la légalité d’une autorisation d’urbanisme n’est donc pas forcément acquis puisque, avec cet arrêt, ils pourront être de nouveau repris en appel, dans le cadre de la discussion portant sur le second jugement.

Ref. : CE, Section, 12 décembre 2025, req., n° 488011. Pour lire l’arrêt, cliquer ici


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