Transformation de la fonction publique : création d’un détachement d’office

Traditionnellement, le détachement d’un fonctionnaire n’est possible qu’à la demande de celui-ci, donc avec son accord (art. 45 de la loi du 11 janvier 1984 pour la FPE ; art. 64 de la loi du 26 janvier 1984 pour la FPT ; art. 51 de la loi du 9 janvier 1986 pour la FPH).

Or l’article 76 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit désormais la possibilité pour l’administration de prononcer d’office le détachement d’un fonctionnaire en cas d’externalisation d’un service public industriel et commercial (SPIC).

C’est pourquoi ce ne sont pas les articles précités que la loi du 6 août 2019 a modifié, mais le seul article 15 de la loi du 13 juillet 1983 qui porte sur les dispositions communes aux trois versants de la fonction publique. Cet article suit l’article 14 ter, lequel prévoit déjà, en cas de reprise d’une activité de service public administratif d’une personne morale de droit public par une autre personne morale de droit public, la reprise des contractuels de droit public.

Actuellement, lorsqu’une personne morale de droit publique externalise la gestion de l’un de ses services par un marché public ou une délégation de service public à un prestataire privé ou un organisme public gérant un SPIC, elle ne peut obliger les fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans ce service à être placés (par la voie du détachement ou de la mise à disposition) auprès du prestataire ou de l’organisme, contrairement aux contractuels. Pour ces derniers en effet, l’article L. 1224-3-1 du code du travail dispose que lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un SPIC, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat de travail de droit privé.

C’est donc, d’une certaine manière, à un alignement des fonctionnaires sur le régime des contractuels que la de loi de transformation de la fonction publique procède à travers le mécanisme du détachement d’office.

En effet, aux termes de l’article 15 tel que modifié : « Lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, des fonctionnaires exerçant cette activité peuvent être détachés d’office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil. »

Le texte prévoit toutefois des garantis pour le fonctionnaire :

  • le contrat de travail comprend une rémunération au moins égale à la rémunération antérieurement versée par l’administration, l’établissement public ou la collectivité d’origine et qui ne peut être inférieure à celle versée pour les mêmes fonctions aux salariés de la personne morale de droit privé ou aux agents de la personne morale de droit public gérant un SPIC ;
  • les services accomplis en détachement dans l’organisme d’accueil sont assimilés à des services effectifs dans le corps ou le cadre d’emplois dont relève l’agent ;
  • d’autre part, le fonctionnaire peut demander à ce qu’il soit mis fin à son détachement pour pourvoir un emploi au sein d’une administration relevant du statut général des fonctionnaires ;
  • enfin, si le fonctionnaire détaché est bénéficiaire d’un contrat de travail à durée indéterminé et qu’il est licencié par l’organisme d’accueil, il est réintégré de plein droit dans son administration, son établissement public ou sa collectivité d’origine.

Au terme du marché ou de la délégation de service public, trois situations sont envisagées :

  • si le contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil est renouvelé, le détachement du fonctionnaire est alors renouvelé d’office ;
  • si le contrat n’est pas renouvelé en raison de la conclusion d’un nouveau contrat entre la personne morale de droit public et une autre personne morale de droit privé ou une autre personne morale de droit public gérant un SPIC, le fonctionnaire est alors détaché d’office auprès du nouvel organisme d’accueil. Cet organisme est tenu de reprendre les clauses substantielles du contrat à durée indéterminée dont bénéficie le fonctionnaire, notamment celles relatives à la rémunération ;
  • enfin, si le contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil prend fin parce que la personne publique reprend en régie le service, le fonctionnaire opte soit pour sa radiation des cadres et le versement d’une indemnité prévue par décret s’il souhaite poursuivre son contrat de travail au sein de l’organisme d’accueil, soit pour sa réintégration de plein droit dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine.

Enfin, à tout moment pendant la durée de son détachement, le fonctionnaire peut solliciter sa radiation des cadres et le bénéfice d’une indemnité prévue par le décret qui fixera les modalités d’application de cet article.

N.B. : Ce dispositif crée le second cas de détachement d’office, puisque l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 telle que modifiée par la loi du 20 avril 2016 prévoit déjà que l’autorité de nomination peut détacher d’office un fonctionnaire qui a été suspendu mais qui, bien que faisant l’objet de poursuites pénales, n’a pas été encore sanctionné disciplinairement.