Même si elle n’est pas annexée au PLU, une servitude d’utilité publique est opposable si elle a été notifiée à l’administré

Prévues par l’article L. 151-43 du Code de l’urbanisme, les servitudes d’utilité publique pouvant impacter une construction ne sont en principe opposables aux administrés que si elles ont été annexées au plan local d’urbanisme ou publiées sur le portail national de l’urbanisme.

Tel est le sens de l’article L. 152-7 du Code de l’urbanisme :

« Après l’expiration d’un délai d’un an à compter, soit de l’approbation du plan local d’urbanisme soit, s’il s’agit d’une servitude d’utilité publique nouvelle définie à l’article L. 151-43, de son institution, seules les servitudes annexées au plan ou publiées sur le portail national de l’urbanisme prévu à l’article L. 133-1 peuvent être opposées aux demandes d’autorisation d’occupation du sol« .

Du coup, lorsque la servitude délimitant le périmètre de protection autour d’un monument historique n’est ni annexée au PLU, ni publiée sur le portail national, le demandeur d’un permis de construire dont le projet est situé dans ce périmètre peut-il soutenir que cette servitude et donc que les contraintes en résultant ne lui sont pas opposables ?

Notamment, si aucune réponse n’a été apportée à sa demande dans les délais d’instruction, peut-il revendiquer le bénéfice d’un permis tacite, nonobstant les règles spécifiques aux demandes de permis portant sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, lesquelles excluent toute possibilité de délivrance d’autorisation tacite et conditionnent la délivrance du permis à l’accord préalable de l’ABF ?

Dans une décision rendue le 23 septembre 2021, le Conseil d’Etat a refusé de donner une telle portée à l’absence de publication de la servitude relative à la protection des monuments historiques.

Même si cette servitude n’est pas annexée au PLU, l’administré ne peut revendiquer le bénéfice d’un permis tacite, sous réserve toutefois que l’acte instaurant ladite servitude lui ait bien été notifié :

« D’une part, aux termes de l’article L. 151-43 du code de l’urbanisme :  » Les plans locaux d’urbanisme comportent en annexe les servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation des sols et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d’Etat « . L’annexe à laquelle renvoie l’article R. 151-51 du même code comporte, dans la liste des servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation du sol, au titre des servitudes relatives à la conservation du patrimoine :  » a) Monuments historiques et sites patrimoniaux remarquables : immeubles classés et inscrits au titre des monuments historiques en application de l’article L. 621-1 du code du patrimoine « . Aux termes de l’article L. 152-7 du même code :  » Après l’expiration d’un délai d’un an à compter, soit de l’approbation du plan local d’urbanisme soit, s’il s’agit d’une servitude d’utilité publique nouvelle définie à l’article L. 151-43, de son institution, seules les servitudes annexées au plan ou publiées sur le portail national de l’urbanisme prévu à l’article L. 133-1 peuvent être opposées aux demandes d’autorisation d’occupation du sol « . D’autre part, aux termes de l’article L. 621-27 du code du patrimoine :  » L’inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l’obligation de ne procéder à aucune modification de l’immeuble ou partie de l’immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l’autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu’ils se proposent de réaliser. / Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d’aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques. « . L’article R. 621-8 du même code prévoit que  » La décision de classement de l’immeuble est notifiée par le préfet de région au propriétaire. Celui-ci est tenu d’en informer les affectataires ou occupants successifs. « . Enfin, par exception à ce que prévoit l’article R.* 424-1 du code de l’urbanisme, en vertu duquel, à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction d’une demande de permis de construire, le silence gardé par l’autorité compétente pour délivrer le permis vaut permis de construire tacite, l’article R.* 424-2 de ce code précise que, lorsque la demande de permis de construire porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, qui est de cinq mois, vaut décision implicite de rejet.

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu’une servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols, telle la servitude affectant les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, n’est pas annexée à un plan local d’urbanisme, elle n’est, en principe, pas opposable à une demande d’autorisation d’occupation des sols. Toutefois, lorsque le propriétaire d’un immeuble classé ou inscrit aux monuments historiques s’est vu notifier cette inscription en application de l’article R. 621-8 du code du patrimoine, cette servitude lui est opposable alors même qu’elle ne serait pas annexée au plan local d’urbanisme et sa demande de permis de construire, de démolir ou d’aménager portant sur cet immeuble relève en conséquence, conformément à l’article R.* 424-2 du code de l’urbanisme, de la procédure dérogatoire prévue pour ces demandes par les dispositions précitées de l’article L. 621-27 du code du patrimoine, d’où il résulte que le silence gardé par l’administration à l’issue du délai d’instruction fait naître une décision implicite de rejet de la demande ».

En matière d’urbanisme, la publicité des actes instaurant les servitudes d’utilité publique ne doit donc pas être négligée car, comme le rappelle cette décision, lesdites servitudes ne peuvent être opposées aux administrés que si elles ont été, soit annexées au PLU, soit à tout du moins notifiées à chaque propriétaire concerné.

Ref. : CE, 23 septembre 2021, Ville de Bordeaux, req., n° 432650. Pour lire l’arrêt, cliquer ici