Calendrier budgétaire en M57 : difficultés imprévues ; solutions bienvenues

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Divers clients et lecteurs m’ont saisi de difficultés nées des interprétations des services de l’Etat, dans diverses régions, sur le nouveau calendrier budgétaire qui tombe sur les communes et les intercommunalités via le passage à la nomenclature M57. 

Or, il me semble qu’il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet… et quelques solutions concrètes à envisager. Passons ceci en revue… au fil d’un article puis d’une vidéo. 

 

I. ARTICLE

 

 

 

 

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe ou NOTRé), modifiée, prévoit en son article 106, III, que :

« III. – Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, les services d’incendie et de secours, les centres de gestion de la fonction publique territoriale, le Centre national de la fonction publique territoriale et les associations syndicales autorisées peuvent, par délibération de leur assemblée délibérante, choisir d’adopter le cadre budgétaire et comptable défini aux articles L. 5217-10-1 à L. 5217-10-15 et L. 5217-12-2 à L. 5217-12-5 du code général des collectivités territoriales, sans préjudice des articles L. 2311-1-2, L. 3311-3 et L. 4310-1 du même code.
« […]
. »

 

Passons sur la bascule obligatoire vers cette comptabilité M57 au 1er janvier 2024 sur la base d’un faux volontariat.

C’est en effet un autre, plus sérieux, problème qui anime ces temps ci les collectivités concernées :

  • l’article L. 2312-1 du CGCT n’a pas été modifié et il continue de poser que :
    • « […]
      «
      Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le maire présente au conseil municipal, dans un délai de deux mois précédant l’examen du budget, un rapport sur les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés ainsi que sur la structure et la gestion de la dette. Ce rapport donne lieu à un débat au conseil municipal […] ».NB : sur cette obligation voir ici. 
  • mais le III. de l’article 106, modifié, de la loi NOTRé précité impose un cadre budgétaire et comptable défini… notamment à l’article L. 5217-10-4 du CGCT, ainsi rédigé :
    • « […] Pour l’application de l’article L. 2312-1, la présentation des orientations budgétaires intervient dans un délai de dix semaines précédant l’examen du budget.Le projet de budget de la métropole est préparé et présenté par le président du conseil de la métropole qui est tenu de le communiquer aux membres du conseil de la métropole avec les rapports correspondants, douze jours au moins avant l’ouverture de la première réunion consacrée à l’examen dudit budget.[…] »

 

Un certain nombre de mes clients, que je remercie vivement, m’ont signalé que les services de l’Etat en déduisaient que :


« Au cas particulier des entités du bloc communal (communes, EPCI, syndicats, groupements), le délai entre le débat d’orientations budgétaires et le vote de budget est donc porté de deux mois à 10 semaines, et le délai de communication du projet de budget à l’assemblée délibérante est porté de 5 à 12 jours (ou de 3 à 12 jours pour les communes de moins de 3 500 habitants). L’allongement de ces délais vise un objectif de meilleure information des élus.

« Il est précisé que ce délai de convocation concerne uniquement le budget primitif. Les règles de droit commun (5 jours, ou 3 jours pour les communes de moins de 3500 habitants conformément aux dispositions des articles L.2121-11 et L.2121-12 du CGCT ) s’appliquent à toutes les autres délibérations budgétaires des entités du bloc communal (décisions modificatives, budget supplémentaire, compte administratif ou compte financier unique).»

 

Sur ce dernier point, on a donc selon l’Etat la situation suivante :

NB : ceci est la position des services de l’Etat telle que vue dans divers courriels, début 2024.

 


Voici mes réactions à chaud à ce sujet :

 

1/ le délai de 2 mois sur le DOB est un délai maximum… et non un délai minimum. Sans doute en va-t-il de même pour le nouveau délai de 10 semaines. Et le juge est souple sur ce point. Ce qui rend les deux délais tout à fait compatibles et sur ce point les formulations de l’Etat pourraient donner lieu à débats.

 

L’expression utilisée par les services de l’état, ainsi formulée « le délai entre le débat d’orientations budgétaires et le vote de budget est donc porté de deux mois à 10 semaines », me semble malencontreuse quant à l’usage du mot « porter ».

Je m’explique.

Le délai du DOB/ROB de l’article L. 2312-1 du CGCT… impose un DOB dans un « délai de deux mois précédant l’examen du budget »… Ce n’est pas 2 mois au minimum avant l’adoption du budget, mais 2 mois au maximum.

Telle est par exemple l’interprétation du TA de La Guadeloupe qui, en sus, accepte qu’un DOB tenu plus de deux mois avant l’adoption du budget primitif (BP) ne soit pas illégal :

« Considérant qu’il n’est pas contesté par la commune de Pointe-à-Pitre que le débat d’orientations budgétaires relatif au budget 2003 a eu lieu le 17 octobre 2002 soit plus de deux mois avant l’examen de celui-ci lors de la séance du conseil municipal réuni le 10 février 2003 ; que si le débat d’orientations générales du budget a pour objet de préparer le débat budgétaire et de mettre les conseillers municipaux, en leur donnant en temps utile les informations nécessaires, à même d’exercer effectivement leur pouvoir de décisions à l’occasion du vote du budget et constitue une formalité préalable substantielle de la procédure d’adoption du budget, le délai de deux mois prévu par l’article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales n’est pas prescrit à peine de nullité ; que, dés lors, le moyen tiré de ce que la délibération approuvant le budget primitif pour 2003 serait intervenue au terme d’une procédure irrégulière doit être écarté ;
TA Guadeloupe, 18 mars 2010, n° 03301 ; voir aussi la décision 1300864 du même jour concernant le SIAEAG

Ce délai de deux mois est donc un délai maximal, et le délai minimal est un délai raisonnable — suffisant — d’information (TA Versailles, 16 mars 2001, n° 003183).

Voir pour une autre décision du juge confirmant que le délai de deux mois est un maximum et se prononçant en l’espèce sur le délai, suffisant, raisonnable en l’espèce :

« qu’il ressort des pièces du dossier, que lors de sa séance du 7 novembre 2012, le comité syndical du SMPAC a bien tenu, préalablement à l’adoption du budget primitif pour l’année 2013, le débat sur les orientations générales du budget prévu par l’article L. 2312-1 du code général des collectivité territoriale précité ; qu’au demeurant, le délai de 5 semaines entre la délibération du 7 novembre 2012 et la délibération attaquée est suffisant ; qu’ainsi le moyen doit être écarté comme manquant en fait.»£
TA Châlons-en-Champagne, 20 mai 2014, n° 1300751. 

Un juge a estimé qu’un DOB pouvait valablement se tenir un 8 avril pour une adoption du BP un 15 avril (TA Pau, 1er juin 2010, n° 0801381).

N.B. : voir aussi pour la validation (certes peu explicite) d’un délai d’un peu moins de 15 jours : CAA Marseille, 27 févr. 2015, n° 13MA03838. Voir pour la validation, là encore peu explicite, d’un délai juste inférieur à deux mois : TA Versailles, 14 avr. 2011, n° 0905766. 

Inversement, pour la censure d’un délai (vraiment) trop long, bien au delà des deux mois prévus par le CGCT :

« Considérant qu’il est constant qu’avant le vote de la délibération du 18 novembre 2008, portant approbation du budget principal 2007 de la commune et de ses budgets annexes, aucun débat n’a été organisé dans le délai de deux mois précédant ce vote ; que si la commune soutient, en défense, que le débat d’orientation budgétaire a eu lieu en 2007 avant le vote de la délibération du 11 avril 2007 adoptant le budget primitif 2007 de la commune, ce débat, qui a eu lieu au sein d’une assemblée délibérante différente en raison du renouvellement du conseil municipal résultant des élections municipales de mars 2008, n’a, en tout état de cause, pas été organisé dans le délai de deux mois précédant l’adoption de la délibération contestée du 18 novembre 2008 ; qu’il s’ensuit que cette délibération est intervenue à la suite d’une procédure irrégulière et que M. X est fondé à en demander l’annulation ; »
TA Poitiers, 11 févr. 2010, n° 0900110. 

Si on estime que l’article L. 5217-10-4 du CGCT se surimpose à l’article L. 2312-1 du CGCT (ce qui n’est pas certain, nous allons y revenir ci-dessous), au point d’effacer le délai de deux mois pour, en réalité, y substituer un délai de 10 semaines (de l’article L. 5217-10-4)… alors ce n’est pas pour augmenter la durée (de 2 mois à 10 semaines) comme étant un minimum, mais comme étant une marge maximale. 
A ce compte là, c’est donc une souplesse supplémentaire.

Donc pas de difficulté. Mais par prudence ne faites pas de DOB avec une distance dépassant les deux mois… et tâchons de prévoir plus large que le délai d’une semaine validé par le TA, susmentionné, de Pau. Un mois par exemple. En tous cas, si possible, quelques heures ou jours de plus que le délai de 12 jours qui sera mentionné ci-après en 2/.

Sauf si un juge venait à poser que  le délai de dix semaines de l’article L. 5217-10-4 du CGCT serait, quant à lui, un minimum. Ce qui rendrait les deux articles du CGCT totalement incompatibles. Mais je n’y crois guère car :

  • cela supposerait de voir dans ce renvoi opéré par la loi NOTRé une abrogation implicite de l’article L. 2312-1 du CGCT pour ceux qui n’ont  pas basculé dans la M57… alors qu’en pratique tout à chacun y bascule. Les jurisprudences usuelles sont rétives à admettre les abrogations implicites alambiquées…
  • la formulation « la présentation des orientations budgétaires intervient dans un délai de dix semaines précédant l’examen du budget » me semble elle aussi indiquer un maximum, et non un minimum, même si naturellement il est possible d’en débattre.

 

2/ Il me semble probable, comme l’affirme l’Etat, qu’en effet le « délai de communication du projet de budget à l’assemblée délibérante est porté de 5 à 12 jours (ou de 3 à 12 jours pour les communes de moins de 3 500 habitants) », ce qui là va être un choc pour nombre de communes. Avec, par surcroît, un débat sur le point de départ de cette obligation… Un argumentaire en sens inverse peut être développé mais avec des chances incertaines de succès en cas de contentieux.

 

L’Etat affirme ensuite que le « délai de communication du projet de budget à l’assemblée délibérante est porté de 5 à 12 jours (ou de 3 à 12 jours pour les communes de moins de 3 500 habitants) ».

Ce me semble en effet être une interprétation raisonnable de la formulation en effet de l’article L. 5217-10-4 du CGCT, applicable certes aux métropoles mais, donc, étendu par la loi NOTRé aux collectivités goûtant aux joies de la M57. Rappelons en effet cet extrait dudit article :

« […]  Le projet de budget […] est préparé et présenté par le président […]  qui est tenu de le communiquer aux membres du conseil […] avec les rapports correspondants, douze jours au moins avant l’ouverture de la première réunion consacrée à l’examen dudit budget.[…] »

Passons sur le fait qu’un requérant inventif pourrait dire que « la première réunion consacrée à l’examen dudit budget » serait dans son esprit la séance du DOB…. et non celle d’adoption du BP. Une telle interprétation serait très discutable, mais non impossible. Mais c’est souvent le point qui inquiète le plus… 

Mais que dire si ce délai de 12 jours n’est pas tenu ? Un argumentaire en pareil cas pourrait être développé mais avec des chances incertaines de succès en cas de contentieux. Il reposerait sur deux arguments me semble-t-il :
  1. ce délai serait indicatif, car en ce domaine ce qui compterait serait pour le délai réellement appliqué d’avoir été suffisant, raisonnable… de n’avoir (jurisprudence Danthony) en réalité privé aucun élu d’une vraie garantie ni d’avoir changé le résultat du vote
  2. le III de l’article 106 de la loi Notré qui rend cet article applicable… impose un renvoi vers cet article pour ce qui est du « cadre budgétaire et comptable défini aux articles L. 5217-10-1 à L. 5217-10-15 et L. 5217-12-2 à L. 5217-12-5 du code général des collectivités territoriales »… Il est donc possible de soutenir que seul le cadre budgétaire et comptable, et non le calendrier budgétaire, se trouverait imposé aux collectivités concernées.

Mais à ce stade je ne puis que dire qu’un tel raisonnement reste incertain. Le mieux est bien sûr de respecter ce délai de 12 jours, avec envoi d’un projet en sus du ROB dès le DOB… en respectant ce délai… mais en ce cas, que de lourdeurs !

 

 

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Bon courage !

II. VIDEO

 

Puis voici ce même sujet en vidéo… avec un contenu proche de ce qui se trouvait dans l’article, mais avec un apport important, à savoir l’interview de :

  • M. Michaël Gueylard,
    DGS de Marseillan (34)

 

Voici cette vidéo « Calendrier budgétaire en M57 : difficultés imprévues ; solutions bienvenues », de 15  mn 29 :

https://youtu.be/YT5u9sL9DGI

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 10′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés :

 

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Voici une seconde vidéo, tournée elle au début de l’été 2023, intitulée « M57, circuits financiers et responsabilité », traitant notamment du lien entre les règlements budgétaires et financiers (RBF) et les nouvelles règles de responsabilité financière (unifiée entre ordonnateurs et comptables).

Elle s’étend sur 12 mn 44, avec une présentation par mes soins avant une interview de :

  • Mme Isabelle JOLY,
    Présidente SNDGCT 77 ; Vice-Président SNDGCT IDF Chargée des Partenariats ; Pilote spécialité Territoires Ultramarins
  • M. Sébastien DUVAL,
    DGS d’une commune nouvelle ; consultant formateur
  • M. Pierre LAROCHE, 
    Directeur Général des Services d’une Communauté de Communes ; élu local

 

https://youtu.be/4wIM1tYAHRM

Il s’agit là encore d’une reprise d’une vidéo extraite de notre revue hebdomadaire intitulée « les 10′ juridiques » faite et diffusée en lien avec notre partenaire WEKA, fort de 40 ans d’expertise :

 

Sur la M57, voir :

 

 

Surtout, sur le nouveau régime de responsabilité financière, voir :