La régularisation des constructions âgées de plus de dix ans n’est pas absolue

Depuis la loi dite ENL du 13 juillet 2006, il n’est plus possible de refuser l’autorisation de procéder à des travaux sur un immeuble existant au motif que celui-ci aurait été construit illégalement, dès lors que l’immeuble est âgé de plus de dix ans. Cette loi a en effet introduit dans le Code de l’urbanisme  (aujourd’hui à l’article L. 421-9) une disposition très claire sur le sujet :

« Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme« .

Toutefois, le même article prévoit une série d’exceptions s’opposant à cette régularisation des constructions édifiées illégalement, dont notamment celle où les travaux entrepris illégalement étaient situés dans le champ d’application du permis de construire.

Une décision récente du Conseil d’Etat vient d’apporter plusieurs précisions importantes sur l’application de cette exception. Dans une affaire relative à des travaux de réhabilitation d’un immeuble situé sur la commune de Vallauris, le Conseil d’Etat a pu préciser que la régularisation prévue par l’article L. 421-9 était applicable lorsque la construction initiale aurait dû faire l’objet d’une simple déclaration préalable et non d’un permis de construire.

Par ailleurs, cet arrêt précise que le mécanisme posé par l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme s’applique tant pour l’édification initiale de l’immeuble que pour les travaux successifs réalisés dessus ; ainsi, si les travaux exécutés sur un immeuble existant nécessitaient un permis de construire et qu’ils ont été entrepris en l’absence de ce dernier,  leur illégalité continuera de produire ses effets au delà d’une période de dix ans :

 « qu’il résulte de ces dispositions que peuvent bénéficier de la prescription administrative ainsi définie les travaux réalisés, depuis plus de dix ans, lors de la construction primitive ou à l’occasion des modifications apportées à celle-ci, sous réserve qu’ils n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ; qu’à la différence des travaux réalisés depuis plus de dix ans sans permis de construire, alors que ce dernier était requis, peuvent bénéficier de cette prescription ceux réalisés sans déclaration préalable « ;

Enfin, il est précisé que l’exclusion des travaux soumis à permis de construire du bénéfice du dispositif de l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme s’applique, quand bien même lesdits travaux seraient d’une faible ampleur : dès lors qu’ils auraient dû être autorisés par un permis de construire et qu’ils ne l’ont pas été, les services instructeurs doivent les tenir pour illégaux, même s’ils ont été entrepris il y a plus de dix ans.

Il est donc conseillé aux services instructeurs de conserver précieusement chaque année leurs codes de l’urbanisme : saisis d’une demande portant sur une construction irrégulière âgée de plus de dix ans, ils devront vérifier si, au moment où cette construction été réalisée, elle se situait dans le champ d’application du permis de construire de l’époque.

Ref. : CE, 3 février 2017, req., n° 373898 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000033981644&fastReqId=2037680504&fastPos=1