Marchés publics et entreprises placées en redressement judiciaire : attention à l’obligation de justifier l’habilitation à poursuivre leurs activités pendant toute la durée d’exécution du marché !

Dans cette affaire, un syndicat mixte des transports a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert portant sur des prestations de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire.

La SARL C. et la SARL V. ont présenté une offre en candidatant à plusieurs lots. Par une lettre du 8 avril 2024, le syndicat mixte des transports les a informées que leur offre n’avait pas été retenue sur certains lots soumissionnés, celles-ci n’ayant pas été jugées économiquement les plus avantageuses au regard des critères de choix définis dans le règlement de consultation.

Les deux sociétés requérantes ont demandé aux juge des référés du TA de Guadeloupe, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du CJA (référé précontractuel) d’annuler la procédure de dévolution du marché concernant les lots en litige. Elles soutiennent que le syndicat a manqué à ses obligations de mise en concurrence en déclarant recevable la candidature d’une société en situation de redressement judiciaire.

Le TA de Guadeloupe doit ainsi déterminer si la société en situation de redressement judiciaire peut exécuter le marché convenablement et le cas échéant, si le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de mise en concurrence. 

Tout d’abord, le juge rappelle le cadre juridique applicable en l’espèce. Aux termes de l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger, qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.

Le juge précise ainsi que :

« 5. Il résulte de ces dispositions que les entreprises placées en redressement judiciaire sont tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché, telle qu’elle ressort des documents de la consultation. Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable. Dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société. Lorsqu’il est soutenu devant lui que le placement en redressement judiciaire de l’entreprise, y compris lorsqu’il est intervenu après le dépôt de son offre, affecte la recevabilité de sa candidature, il appartient au juge du référé précontractuel d’apprécier si cette candidature est recevable et d’annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur ».

En l’espèce, par un jugement du 14 mars, le tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire sur déclaration de cessation de paiement de la société attributaire du marché. La société a été autorisé à poursuivre ses activités pendant une période d’observation de 6 mois renouvelable pour une période de 6 mois.

Toutefois, aux termes du règlement de consultation, la durée d’exécution du marché est d’une année scolaire et la période d’observation renouvelable de la société attributaire, ne couvre pas la totalité de la durée du marché.

Ainsi, le juge du TA de Guadeloupe, juge que la société évincée est fondée à soutenir que le syndicat mixte des transports a manqué à ses obligations de mise en concurrence en déclarant recevable la candidature de la société en situation de redressement judiciaire.

En conséquence, le TA de Guadeloupe ordonne l’annulation de la procédure de passation du marché à compter de l’examen des candidature et enjoint le syndicat mixte des transports de reprendre la procédure de passation.

TA de Guadeloupe, 10 mai 2024, n°2400482